Affaire Zemmour-Pétain: une simple décision technique?

Mardi dernier, la Cour de cassation a annulé la relaxe d’Éric Zemmour dans l’affaire des propos sur Pétain et les “juifs français”. Le président de « Reconquête » sera donc rejugé par la cour d’appel de Paris.


Petit rappel des faits. En 2019, le président de « Reconquête » affirme sur CNews que le chef du Régime de Vichy a “sauvé” les “juifs français” pendant l’occupation. Diverses associations antiracistes portent vite plainte contre lui. Celui qui ne s’est pas encore lancé à l’assaut de l’Elysée se défend alors en rappelant qu’il ne conteste pas l’existence de la Shoah, mais qu’il explique le moindre taux de victimes de nationalité française (en comparaison avec leurs coreligionnaires étrangers) par une “préférence nationale” qui aurait été accordée par Philippe Pétain et qui aurait protégé nos concitoyens juifs.

Le champ d’application de la loi Gayssot en question

Une théorie empruntée aux estimables Robert Aron et Léon Poliakov après-guerre (et reprise en sourdine il y a encore 15 ans par Simone Veil, qui écrivait alors dans son autobiographie Une vie que Vichy avait “compliqué la vie des Allemands” en demandant que l’on distingue entre les juifs de nationalité française et les autres), mais largement battue en brèche depuis par les historiens, tous d’accord pour dire que l’État français a collaboré activement à l’arrestation de plusieurs milliers de Français juifs, qui ont ensuite été envoyés dans les camps de la mort.

Si toutefois beaucoup y ont réchappé, c’est, toujours selon un large consensus historique, grâce à de nombreux gestes et réseaux de sauvetage qui se sont mis en place dans les familles, les organisations communautaires et les voisinages, mais aussi dans la résistance et au sein des Églises catholique et protestante, gestes et réseaux dont les Français juifs, mieux intégrés dans la société, ont pu plus facilement bénéficier que les étrangers.

Pour autant, la théorie de Zemmour, aussi infondée qu’elle soit, constitue-t-elle une infraction pénale ? En 2022, la cour d’appel de Paris estime que non. Pour justifier sa décision, elle fait valoir que Pétain n’a lui-même jamais été jugé pour crime contre l’humanité, mais uniquement pour intelligence avec l’ennemi et haute trahison, si bien qu’au strict plan juridique il ne saurait être considéré comme membre de l’organisation criminelle ayant réalisé la Solution finale et donc ne rentre pas dans le champ d’application de la loi Gayssot. Mardi dernier, la Cour de Cassation a invalidé ce raisonnement, en confirmant une décision qu’elle avait rendue en 2020 (dans une affaire relative à la Rafle du Vel d’hiv) selon laquelle la culpabilité de Pétain dans la Shoah est induite du fait qu’il dirigeait l’État français quand la police a, sur ordres, aidé les nazis dans leurs plus sombres desseins. Reste maintenant à savoir si réfuter cette réalité historique, désormais établie comme un fait juridique, revient à nier ou minimiser de façon outrancière un crime contre l’humanité. C’est à la cour d’appel qu’il appartient désormais d’en juger.

Interrogé par l’AFP, l’avocat d’Éric Zemmour, Me Olivier Pardo ne dit du reste pas autre chose: « La Cour de cassation dit surtout que la cour d’appel s’est mal expliquée, donc nous espérons que la prochaine cour d’appel motivera mieux sa décision qui, il me semble, devra aller dans le même sens, puisque nous avons eu deux décisions favorables ».

Les juges et les historiens

Voilà pour l’affaire Zemmour, toujours en cours donc. Maintenant, extrayons-nous du cas d’espèce et regardons la portée de la décision de la Cour de Cassation au-delà du destin judiciaire de l’auteur du Suicide français. Or donc, cet arrêt considère qu’un consensus d’historiens – certes très étayé –  peut être aussi irréfutable qu’une décision de tribunal.

N’est-ce pas là un dangereux mélange des genres ? L’histoire n’est-elle, comme toutes les sciences, et bien davantage que la justice, une discipline en proie au doute et à la remise en cause ?  N’agrandit-on pas trop le bloc de faits intouchables ?


Les éditorialistes font eux aussi leur rentrée
La décision du 5 septembre de la Cour de cassation est l’occasion pour nos éditorialistes de rouvrir un épineux débat. Sur les ondes de Sud Radio, notre directrice, Elisabeth Lévy, s’est inquiétée de cette judiciarisation de la vie publique et a estimé que, tout de même, notre Justice avait peut-être plus important à faire ! Les adversaires d’Éric Zemmour ne souhaitant pas débattre avec lui, on demande aux juges d’être les arbitres des élégances intellectuelles. « Pour moi, cela revient à renoncer à l’esprit des Lumières » a-t-elle déploré. « On renonce à l’affrontement raisonné argument contre argument », alors que le débat public est déjà pollué depuis des années par les interdits et une « kyrielle de lois mémorielles qui établissent une histoire officielle – parfois pas tout à fait conforme à la réalité comme dans le cas de la loi Taubira, – et qui décident des idées acceptables et de celles qui ne le sont pas ». Éric Zemmour pense que la politique de la collaboration a sauvé des Juifs français, thèse évidemment contestable, selon notre directrice. Mais, en revanche, « attention, Zemmour ne nie pas l’existence des chambres à gaz ni d’ailleurs des méfaits de Pétain dont il dit qu’il a envoyé à la mort des milliers de Juifs étrangers – comme réhabilitation on fait mieux ! »

Sans surprise, sur les ondes de France inter, on entendait un tout autre refrain. Selon le journaliste Yaël Goosz, le candidat de « Reconquête » à la présidentielle est coupable de « troller » l’histoire, et ses propos sur la collaboration ne seraient en réalité qu’une manière d’habituer les électeurs français à l’idée, qu’un jour, « la raison d’Etat pourra justifier de sacrifier certains droits, voire certaines minorités, au nom d’une nation fantasmée »... France inter ne rentre pas vraiment dans le détail du débat historique, mais ne manque pas de fustiger l’auteur du Suicide français : « Zemmour est le nouveau Jean-Marie Le Pen ! Lui qui avait tout compris à la politique spectacle, au scandale cathodique, quand, à partir de 1987, il prétendait que les chambres à gaz n’étaient qu’un détail de l’histoire de la Seconde guerre mondiale. » La radio publique regrette évidemment la dédiabolisation de Marine Le Pen, et avance qu’elle aurait libéré un espace dans lequel se serait engouffré Éric Zemmour. Dénonçant la rhétorique anti-juges de certains, Yaël Goosz a enfin rappelé que, selon lui, « la justice ne [faisait] qu’appliquer les lois, des lois faites par des députés à qui au moins deux générations d’historiens ont apporté les preuves de la responsabilité de l’Etat français, sous Vichy, dans la déportation des Juifs de France. » Avant tout de même de reconnaitre que Pétain n’avait pas été condamné pour crime contre l’humanité en 1945. Et pour cause, ce n’est que sept mois après sa condamnation que la notion verra le jour à Nüremberg • MP

 

Causeur

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Asher Cohen

Ah que j’aime voir la justice française chercher à déconnecter les français de la Réalité et abuser ainsi les jeunes générations. Les magistrats français se prennent pour Dieu. Il faudrait leur faire réciter par coeur, chaque matin, la parasha choftim en hébreu. Tsedek, Tsedek, tirdoff, la Justice, la Justice, tu poursuivras! Chez-nous les Juifs, la Justice c’est reconnaître ce qui existe, la Réalité, et rien d’autre. Ce n’est pas chercher à baigner la société française dans l’illusion et la fantaisie, pour mieux la manipuler.

La Réalité est qu’il y a eu commission, par l’État français vichyste dirigé par Pétain, de crimes contre l’humanité, jusqu’à preuve du contraire. Les historiens s’accordent pour reconnaître que sans l’aide de la police française, donc de l’État vichyste, les Allemands n’auraient jamais pu déporter 80.000 Juifs. Mais on oublie toujours de rappeler qu’énormément de magistrats pétainistes ont arbitrairement condamné des Juifs à mort, et cela en toute impunité. Quelle morale et quel honneur a la France ?

Pourquoi Pétain, ni même Laval, et bien des évêques criminels, n’ont pas été jugés pour crime contre l’humanité ?

D’abord, Roosevelt, considérant que la France une fois libérée, ne pouvait pas être un état démocratique, en avait fait annoncer l’Amgot dès le premier mai 1943, à Alger, et ce ne fut qu’en octobre 1944 que les américains ont fini par consentir à remettre le pouvoir à De Gaulle. Roosevelt ne s’était pas trompé, puisqu’à la Libération, la situation politique de la France sera une horreur. Plusieurs factions, non républicaines, s’opposent pour le pouvoir, le pays est au bord de la guerre civile, et des régions menacent de sécession. D’un côté, les communistes, hyperarmés et aux ordres de Staline, placent leurs pions dans tous les points clés de l’appareil d’État et les entreprises nationalisées par De Gaulle. Ils obtiennent l’odieuse amnistie du déserteur Thorez, et même sa nomination comme vice premier ministre du gouvernement. D’un autre côté, les fascistes pétainistes sont des millions, restent impunis pour leurs crimes, et sont réintégrés dans les postes de l’appareil d’État, notamment les magistrats tueurs de Juifs, qui veulent le maintien de l’antisémitisme d’État et des lois raciales, et obtiennent l’odieuse grâce pour le tueur Pétain. Les Juifs, eux archi minoritaires, restent discrets, beaucoup trop occupés à panser leurs plaies des crimes et persécutions subis.

C’est dans cette France, fausse nation menacée de guerre civile et de sécessions, que De Gaulle a essayé de mettre le couvercle sur la marmite en ébullition, avec un Ministère de l’information, de la propagande, la censure et l’histoire mensongère, qui durera jusqu’en 1981. L’un des assassins de l’enjuivé Jean Zay ne sera pas condamné à mort ‘ en raison du fort climat antisémite de la France’. Ni au procès Pétain, ni au procès Laval, ni dans aucun procès de la soi-disant épuration, ne sera, ne serait-ce qu’évoquée la question des crimes et persécutions antijuives. Il faudra attendre plus de 40 ans, avec les procès Barbie, Touvier et Papon, pour un peu de déballage public. Rappelons que, de juin à octobre 1943, De Gaulle avait tergiversé pendant 6 mois, à Alger, avant d’accepter, sur pression américaine, de faire restituer aux Juifs d’Algérie leurs droits et leurs biens. L’armée d’Afrique était pétainiste et viscéralement antijuive. En 1945, les gaullistes avaient décidé de mettre une chape de plomb sur la question juive, et ils ont tout fait pour faire croire, par la propagande et l’histoire mensongère, que les Allemands étaient responsables de tous les crimes antijuifs commis, en Réalité, par les français.

Enfant dans les années 50, je ne pouvais que commencer par croire l’histoire mensongère officielle, que les français avaient été blancs comme de la neige, et que tous les crimes antijuifs avaient été commis par les Allemands, même en Algérie! C’est dire dans quel état d’hypocrisie, de fausseté, d’histoire mensongère et de propagande manipulatrice, a vécu la France après 1945, et dans quel pays je suis entré, enfant, en 1962. Toujours dans les années 80, quand dans les cafés de Paris j’essayais d’engager la discussion sur ce sujet avec des gens ayant vécu l’époque, je rencontrais un silence de mort, avec pour seule réponse ‘ interdit d’en parler’.

N’en déplaise au psychanalyste Miller, Zemmour essaie de manipuler l’inconscient des français, incapables d’accepter leur culpabilité dans les crimes vichystes. Quand à la Justice française, habituée à illusionner les français avec de l’irréel et de la fantaisie, je peux parfaitement comprendre qu’elle m’ait fait priver de mes dossiers de travail, pour couvrir la criminalité et les comptes en Suisse de la médicaillerie, afin de maintenir l’illusion d’un système de santé qui soigne la population. Pauvre France !

Damran

Ceux qui traquent Zemmour ne sont pas prêts à lâcher l’affaire.
Ils ne veulent qu’une seule chose : il faut le condamner et point barre.
Voilà où nous en sommes avec ce système judiciaire français indigne d’un pays qui distribue à toute la planète des leçons de Droit, de Morale et autres fadaises.
Si ce n’est pas de l’acharnement, il faut dire de quoi il s’agit….