Adar: le mois qui porte bonheur

Ce lundi soir et pour deux jours, nous célébrerons le début du premier mois d’Adar.

Pourquoi le monde est-il si complexe, si plein de contradictions apparentes ? Il est régi par des lois extraordinaires et peut être d’une beauté impressionnante, et en même temps, il y a tant de chaos et d’horreur. Pourquoi ?

Tout le monde sait que l’année juive commence à Roch Hachana, en Tichri. Mais ô surprise, il y a en fait deux manières de calculer l’ordre de notre calendrier. Celle qui nous est la plus habituelle suit l’ordre établi par Hillel l’Ancien pendant la période talmudique et se réfère aux mois selon leurs noms babyloniens, Tichri, ‘Hechvan, etc.

L’autre méthode est utilisée par la Torah elle-même. Elle ne désigne pas les mois par des noms mais par un nombre ordinal, « le premier mois », « le deuxième mois », etc. Le « premier mois » est Nissan, dont l’événement essentiel est la fête de Pessah, commémoration de notre délivrance d’Egypte. Selon l’autre calendrier, Nissan serait le septième mois !

Les deux façons de compter le temps conduisent à quelque chose de fascinant :

Tichri est le mois qui marque la création de l’Homme. Pour nous, créatures mortelles, c’est l’événement central de l’histoire humaine. Par conséquent, Tichri est le premier mois.

Cependant, D.ieu voit les choses sous un angle différent. Ainsi que l’exprime Sa Torah, l’histoire ne trouve sa signification que lors de la naissance de la nation juive. C’est pourquoi, Nissan est le premier mois.

Ceci nous amène à Adar, le mois de Pourim, qui précède directement Nissan. Cette année la fête de Pourim aura lieu à Adar II. D’après la Torah, c’est le dernier mois du calendrier hébraïque. Adar est souvent décrit comme le « mois de l’obscurité » car nous n’avons jamais été aussi proches de l’anéantissement total que pendant le gouvernement d’Haman. La lumière de Nissan, de la libération, aurait été éteinte si Haman avait mené son complot à bonne fin. Grâce au miracle de Pourim, l’obscurité s’est transformée en clarté.

POISSONS ET FERTILITÉ

 

Adar est le mois juif qui porte bonheur. En effet, Pourim est la fête la plus joyeuse de toute l’année. Selon les Sages, « Lorsqu’arrive le mois d’Adar, on multiplie les manifestation de joie ». Pourquoi Adar a-t-il cette réputation de joie si bien méritée ?

Le signe astral d’Adar est celui des Poissons. Ceux-ci sont très fertiles et, pour cette raison, sont considérés comme étant un symbole de bénédiction et de fécondité. En hébreu, la bénédiction se dit bra’ha, la racine de ce mot étant constituée des lettres bet, reïch et kaf. La numérologie juive (guématria) leur attribue respectivement les nombres 2, 200 et 20. Chacun d’entre eux est le résultat du produit de 2 par 1, 10 et 100, ce qui signifie que le concept juif de « bénédiction » s’entrecroise avec la fertilité représentée par les deux poissons d’Adar. Après tout, s’il y a quelque chose de bon, pourquoi ne pas l’augmenter ?

L’inverse de la bénédiction est la contrainte ou la limitation. Adar est le mois pendant lequel Haman menaça non seulement de limiter notre présence mais de l’effacer totalement. Mais le destin avait un autre plan.

NAISSANCE ET MORT DE MOÏSE

Pendant la période de la destruction du Premier Temple, les Juifs furent exilés à Babylone, qui, par la suite, fut dominée par l’Empire perse. En fin de compte, presque tout le monde connu appartint à cet empire, ce qui fit que tous les Juifs tombèrent sous l’autorité perse, quel que soit l’endroit où ils vivaient.

Haman, le premier ministre malfaisant de Perse, tira au sort le jour où tout son royaume serait débarrassé des Juifs, Judenrein.

Le « jour de veine » d’Haman fut le 13 Adar. Et quand il s’aperçut que cela tombait ce jour-là, apparemment par hasard, il redoubla de joie- parce que c’est le 7 Adar que Moïse mourut. Moïse était le Juif dans sa quintessence ; d’après les Sages, il est équivalent à tout le peuple juif collectivement – la tête qui contrôle le « corps » de la nation et qui lui procure la vision, l’articulation et la direction. Pour Haman, le sort qui tomba en Adar signifia que son plan de détruire tout ce que Moïse construisit devait réussir.

Ce qu’Haman ignorait, c’est que le 7 Adar fut aussi le jour où Moïse naquit. Alors qu’Haman supposait que ce serait celui de la mort de la nation juive, ce fut celui da sa renaissance.

HUMILITÉ ET POISSONS

Il y a encore une autre signification aux poissons en tant que signe zodiacal d’Adar.

Dans la conception occidentale, où la célébrité et le succès vont de paire, la modestie semble être l’opposé de la bénédiction.
Les poissons passent toute leur vie sous l’eau, à l’abri des regards humains. Selon nos Sages, ce que l’on peut observer aisément ne bénéficie pas de bénédiction. Seul ce qui est caché à nos yeux, en jouissent. Ceci est dû à la relation directe existant entre modestie et bénédiction.

Bien entendu, dans la conception occidentale, où la célébrité et le succès vont de pair, la modestie semble être l’opposé de la bénédiction.

Toutefois, la Torah nous enseigne qu’en s’exposant ainsi – plutôt que t’en retirer une bénédiction, c’est-à-dire de pouvoir se développer au maximum – on court le risque de devenir ce genre de personne qui n’a d’autre moi que le masque qu’elle porte afin d’être celle qu’elle pense que les autres voudraient voir.

La Torah décrit Moïse comme étant « l’homme le plus humble ». Il a vécu modestement et cela s’est enraciné dans notre identité nationale juive. Nous avons toujours attaché plus de prix à la modestie qu’à l’orgueil. C’est pourquoi, les poissons, le signe d’Adar, représentent l’avant-dernier symbole du peuple juif.

Traduction et Adaptation de Claude Krasetzki sur www.lamed.fr

Pourquoi deux mois d’adar ?

Cette année est dite « embolismique », un « deuxième adar » s’y trouvant intercalé. Il m’a semblé important de traiter des raisons et des origines de cet ajout. Il y a quelques années, j’avais entretenu plusieurs échanges épistolaires et téléphoniques à ce sujet avec notre regretté Jacques Kohn zal, dont je voudrais honorer aujourd’hui la mémoire en faisant paraître l’un de ses développements dont il m’avait alors gratifié :

Pour quelle raison et selon quel rythme ce mois supplémentaire – appelé we-adar, ou deuxième adar – est-il intercalé ?

La Tora indique à plusieurs reprises (notamment Chemoth 13, 4) que la fête de Pessa‘h doit être célébrée au printemps.

Or, si notre calendrier était uniquement lunaire, comme l’est par exemple le calendrier musulman, son décalage par rapport au calendrier solaire aurait pour effet de nous faire célébrer cette fête, selon les années, pendant l’une ou l’autre des trois autres saisons.

Depuis la destruction du deuxième Temple, la fixation des mois – et donc des années – n’appartient plus au Sanhédrin, de sorte que les Sages ont dû élaborer un système calendaire applicable en tous lieux de la diaspora en même temps que conforme aux exigences de la Halakha.

Des opinions divergentes se sont opposées au troisième siècle de l’ère commune entre les Maîtres de la Guemara Chemouel et Rav Adda.

Selon le premier, la durée de l’année solaire doit être fixée à 365 jours et 6 heures comme le voulait le « calendrier julien » alors en usage.

Pour le second, cette durée était de 365 jours 5 heures 55 minutes et 25,4386 secondes, durée fondée sur les observations de l’astronome, géographe et mathématicien grec Hipparque, du deuxième siècle avant l’ère commune, observations qui seront reprises au seizième siècle par le « calendrier grégorien ».

Lorsque Hillel II introduisit, en l’an 358 de l’ère commune, le calendrier qui est devenu le nôtre, il adopta le système proposé par Rav Adda.

Encore lui fallait-il ancrer ce calendrier dans un système de calcul qui pût être adopté, automatiquement et universellement, par toutes les communautés juives du monde.

Il utilisa pour cela le cycle dit « de Méton », du nom d’un astronome grec qui avait remarqué au cinquième siècle avant l’ère commune que la durée de 235 mois lunaires est presque égale à celle de 19 années solaires.

C’est ce cycle de 19 ans qui scande aujourd’hui notre calendrier, avec douze années de 12 mois lunaires et sept de 13 mois (les troisième, sixième, huitième, onzième, quatorzième, dix-septième et dix-neuvième).

Si l’on compare la durée des années selon les différents systèmes que nous avons examinés, on aboutit aux résultats suivants :

Année julienne : 365 jours, 6 heures.

Année grégorienne : 365 jours, 5 heures, 49 minutes, 12 secondes

Année hébraïque : 365 jours, 5 heures, 55 minutes, 25/57 secondes

Dans la mesure où il est aujourd’hui scientifiquement acquis que « la durée de l’année solaire est de 365 jours, 5 heures, 48 minutes et 46 secondes, soit environ 6 minutes 2/3 de moins que les 365 jours, 5 heures, 55 minutes et 25/57 secondes de l’année juive », on peut considérer que le Messie, qui sera attentif à ce que Pessa‘h ne finisse pas par tomber en été, devra se hâter de venir !

Et l’on ne peut qu’admirer ces rabbins qui, plus d’un millénaire avant la réforme grégorienne, ont réalisé un système calendaire sur des bases très proches de celles que nous propose la science moderne.

Rav Dov Roth-Lumbroso.  www.chiourim.com

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