Israel's Energy Minister Yuval Steinitz (L) speaks as Prime Minister Benjamin Netanyahu (C) and Noble Energy's Vice President for Major Projects George Hatfield (R) stand by during the inauguration of the newly-arrived foundation platform for the Leviathan natural gas field in the Mediterranean Sea, about 130 kilometres (81 miles) west of the coast of the Israeli city of Haifa, on January 31, 2019 (Photo by Marc Israel SELLEM / POOL / AFP)

Accord gazier Israël -Jordanie : une bonne opération pour le Moyen Orient

En septembre 2019, les conditions du contrat portant fourniture de gaz par Israël à la Jordanie ont été publiées dans les média occidentaux. Ce contrat a été conclu entre la Société Nationale d’Electricité Jordanienne, NEPCO (National Electric Power Compagny, propriété du gouvernement jordanien), et une société de courtage (enregistrée aux îles Caïman) de la société NBL Jordan Marketing Limited, (locataire du champ gazier), dont le siège est situé à Herzlia. NBL est elle-même filiale  de la société américaine Noble Energy (39,66 %) et de trois sociétés israéliennes : Delek Drilling (22,6 %), Avner Oil Exploration (22,67 %), et Ratio Oil Exploration (15 %), les deux premières ayant fusionné depuis. Si la fourniture de gaz va permettre à la Jordanie de se développer, sur le plan économique, le contrat n’en reste pas moins une excellente opération pour le Moyen Orient.

Le contrat porte sur la fourniture de gaz provenant du gisement Leviathan (en Méditerranée) dans le cadre d’une concession donnée à la Jordanie par le gouvernement israélien. La part des sociétés israéliennes est prépondérante dans le champ gazier puisqu’elles en détiennent 60,34 % (dont le groupe Delek, 45,34 %). Selon Delek Drilling, l’extraction devrait générer des royalties et taxes au profit d’Israël, qui se comptent en dizaine de milliards de dollars : sa durée est de 15 ans pour une quantité de 45 milliards de mètre cubes de gaz, soit 300 000 millions de Btu (unités thermiques britanniques) par jour. Par ailleurs, c’est la Jordanie qui va financer le pipeline servant à acheminer le gaz.

Naturellement, le Royaume Hachémite s’est bien gardé d’en diffuser le contenu au public jordanien (en le classant confidentiel) compte tenu du désordre que risquait de causer sa publicité. Pour ce faire, le Gouvernement jordanien a prétexté qu’il ne s’agissait que d’un simple accord entre entreprises privées, dont il était parfaitement étranger.

Ainsi, les gouvernements jordaniens qui se sont succédés (depuis septembre 2014, date de la lettre d’intention), ne l’on donc jamais soumis à la Chambre des députés, alors que bon nombre de juristes jordaniens estimaient que la Constitution jordanienne les y obligeait (théoriquement). Des députés jordaniens ont alors contesté cet accord, en prétextant que la signature du marché sans l’approbation du Parlement était inconstitutionnelle, avant de porter l’affaire devant la Cour Constitutionnelle Jordanienne, en mars 2019.

Curieusement, la Cour de Jordanie a jugé (en août 2019) que le marché ne nécessitait pas l’accord du parlement, dans la mesure où il était signé entre deux sociétés plutôt que deux gouvernements. Par ailleurs, elle a ajouté que NEPCO ne devait pas être considérée comme une institution publique officielle, et ce, bien qu’elle soit la propriété de l’État et que ses dirigeants soient directement nommés par le cabinet jordanien.

Naturellement, cette décision a déçu les plaignant jordaniens, dans la mesure où le gouvernement de Jordanie est l’unique propriétaire de NEPCO (il garantit d’ailleurs les obligations qui en résultent). En outre, l’accord bilatéral relatif au flux du gaz conclu entre les deux pays est signé par les deux gouvernements, israéliens et jordanien. Enfin, NEPCO ne peut céder ses droits découlant de cet accord qu’à un organisme public officiel ou à une autre entreprise, propriété exclusive du gouvernement jordanien.

Il n’en demeure pas moins que le contrat est grandement avantageux pour Israël : tout d’abord, l’Etat Israël ne risque pas d’impayés dans cette opération. En cas de défaillance de NEPCO, il bénéficie de la garantie du gouvernement jordanien. En outre, les Etats-Unis garantissent le gouvernement jordanien dans l’hypothèse où ce dernier ne règlerait pas la note : Washington sera tenue d’y pourvoir, en ses lieu et place, au moyen de prélèvement sur l’aide financière destinée à la Jordanie.

En outre, l’accord exonère les partenaires du champ Léviathan (Noble Energy, Delek et Ratio Oil Explorations) de toute obligation ou responsabilité en cas de problème dans la fourniture du Gaz. Le texte de l’accord précise que le « vendeur » (la société NBL Jordan Marketing Limited, domiciliée dans  les îles Caïmans) est une entité distincte des sociétés exploitant le champ, non tenus de ses actes ou manquements.

L’accord empêche par ailleurs le Royaume Hachémite de développer ses propres sources de gaz : si la Jordanie devait produire son énergie, les quantités commandées n’en seraient pas affectées.

La signature de ce contrat témoigne également d’une extraordinaire avancée dans les relations entre Israël et un pays arabe. Les monnaies mentionnées dans l’accord sont le dollar américain et le shekel israélien (conformément au taux de change publié par la banque d’Israël). Il n’est fait ni mention du dinar jordanien, ni de la banque centrale de Jordanie. De même, les heures données dans le contrat, sont israéliennes. Enfin, en cas de conflit, le contrat prévoit un recours à l’arbitrage selon le droit anglais et gallois, avec une arbitrage conforme aux règles du London Hall of International Arbitration, dont le siège est situé à Londres.

La fourniture de Gaz à la Jordanie devrait ainsi être un prélude à un normalisation des relations entre Israël et les pays arabes : en effet, le gazoduc du champ Leviathan va se raccorder à celui d’Égypte, au sud, et au port GNL à Akaba, en vue d’un transfert du gaz vers la Syrie et le Liban. (L’accord fait état d’un mélange du gaz de sources différentes, autre que le champ Léviathan). Ainsi, la Jordanie va faciliter l’exportation de gaz en provenance du champ Léviathan (puisque les gaz israélien et égyptien seront mélangés) vers les pays arabes qui utiliseront le même gazoduc, faisant d’Israël  une puissance énergétique régionale et exportatrice de gaz…vers les pays arabes.

Le pompage du gaz devrait débuter dès les premiers mois de l’année 2020. A compter du lancement de la distribution, les relations Israël Jordanie seront placées sous le signe de l’interdépendance. Pour autant, l’achat de gaz ne devrait pas être trop pénalisant pour la Jordanie puisque dans l’accord du siècle, Jared Kushner avait annoncé la fourniture d’une dotation de 7.5 milliards de dollars, qui financera en grande partie les 10 milliards de dollars, correspondant au coût d’achat du gaz.

La Jordanie deviendra alors le point de départ d’une relation harmonisée avec les pays arabes. La Jordanie a, en effet, préféré le rapprochement avec Israël plutôt que d’essayer de développer ses propres sources d’énergies (champs de gaz, énergie solaire et éolienne, énergie géothermique, schiste bitumineux…). La fourniture d’énergie permettra à la Jordanie de se développer alors qu’elle est confrontée à un chômage record, qu’elle ne parvient pas à résorber.

Depuis de nombreux mois, Israël se rapproche des pays Arabes avec lesquels, il aspire à une normalisation des relations diplomatiques. Sa proximité avec les pays arabes est, pour heure, essentiellement stratégique, puisque construite autour d’une défense contre l’ennemi commun iranien, qui aspire à détruire Israël et prendre le contrôle du monde musulman. Les relations seront désormais économiques.

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

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Moshe

Comme dirait Coluche, voilà un accord qu’il est bien!!
Encore un excellent article ( je deviens addict à jforum, c’est affreux!), transmis à ma fillle, qui prépare son « Bachelor of Laws » à University of London…