Face aux barbares islamistes de Daesh : nous sommes bien en guerre…

Par complaisance vis-à-vis de l’islamisme radical, naïveté, haine de soi occidentale ou encore paralysés par une forme de syndrome de Stockholm, nombre d’observateurs ont rejeté la dénomination de guerre employée précocement et courageusement par Manuel Valls dès après les tueries de « Charlie hebdo » et de l’Hypercacher, en janvier 2015, puis réitérée par le Premier ministre après le massacre de novembre à Paris. Plusieurs mauvais arguments furent alors employés ; démontons-les méthodiquement.

1/ Aucun État ne nous a déclaré la guerre

Le problème n’est absolument pas là. En réalité, plus personne ne se déclare officiellement et solennellement la guerre comme souvent – mais pas toujours – au cours des siècles passés. Ainsi, le denier État à avoir déclaré la guerre à un autre État fut l’Union soviétique de Staline en août 1945. (Avec un sens un peu particulier de la vaillance, Staline attaqua la Japon qui venait de subir deux fois le feu nucléaire ! Et d’annexer sans coup férir l’île Sakhaline et d’autres îlots). Depuis, ce n’est pas parce qu’on ne se déclare plus la guerre qu’on ne la fait pas, et le second XXe siècle est truffé de combats et d’agressions caractérisées correspondant bien à ce phénomène d’usage de la violence mais sans déclaration officielle préalable.

2/ Seuls des États peuvent être en guerre

C’est faux. Même si l’ONU ne reconnaît comme entités juridiques souveraines que des États – les entités infra ou supra-étatiques existent et participent au concert des nations, mais pas de façon souveraine –, rien dans la Charte des Nations unis n’implique que la légitime défense ne doive s’appliquer qu’aux seules agressions étatiques. Le fameux article 51 du chapitre VII stipule ainsi : « Aucune disposition de la présente Charte ne porte atteinte au droit naturel de légitime défense, individuelle ou collective, dans le cas où un membre des Nations unies est l’objet d’une agression armée (…) ». Le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian fut donc bien inspiré d’invoquer cet article dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale lors des frappes françaises contre Daesh sur le sol syrien en septembre 2015, et Manuel Valls fondé à employer à nouveau le terme fatidique.

3/ L’État islamique n’est pas un État

Ca y ressemble pourtant furieusement ! Toute terroriste soit-elle, l’organisation État islamique assume et se revendique parfaitement – contrairement à Al Qaïda et autres groupes terroristes – entité étatique, en l’espèce de type califal. Certes, il ne s’agit pas d’accorder a priori n’importe quel crédit à cette organisation criminelle, mais en l’occurrence elle présente bien toutes les prérogatives et réalités d’un État : structure exécutive de commandement, espace sous contrôle, administration civile et militaire, monnaie « nationale » ayant cours sur cet espace, système économique cohérent, force militaire structurée, etc. Ni la nature barbare des agissements de Daesh ni la non-reconnaissance de sa qualité d’État par les autres États ne retirent quoi que ce soit à l’effectivité de son existence.

4/ La guerre contre le terrorisme façon Bush Jr ne peut qu’échouer

On ne peut bloquer toute pensée stratégique à la théorie hâtive et mal ficelée d’un président américain du début des années 2000 ! Sa global war on terror est en effet inopérante car le terrorisme n’est qu’un mode d’administration de la violence ; or de la même manière qu’on ne détruit pas la maladie ou la guerre en soi et de façon générale, on ne détruit le terrorisme. En revanche, il s’agit bien d’en limiter les conséquences et les effets meurtriers en frappant l’idéologie mortifère qui le sous-tend actuellement, à savoir l’islamisme radical. Tout comme le terrorisme rouge des années 1960-80 a été éradiqué et celui nationaliste ou séparatiste local largement endigué, le terrorisme djihadiste doit être efficacement et implacablement combattu.

Résumons : une organisation reconnue comme terroriste par l’unanimité du Conseil de sécurité (résolution 2249 du 20/11/2015), et violemment opposée à tout ce que représente et constitue la nation et la République françaises, a non seulement annoncé mais perpétré des frappes sur son sol et contre ses ressortissants civils, à plusieurs reprises et en revendiquant clairement ces assassinats massifs tout en en annonçant d’autres. Que nous le voulions ou pas, nous nous trouvons par conséquent soumis à la volonté de nos ennemis de nous nuire, et devons donc assumer dès lors les instruments et les modalités de notre défense et de notre riposte. A l’Élysée, à Matignon, à l’hôtel de Brienne, au Quai d’Orsay et à la Place Beauvau, on en a fort heureusement conscience. A telle enseigne que pour la première fois dans l’histoire des républiques françaises, un chef de l’État a employé le terme « impitoyable » pour qualifier le combat qu’allait mener la France.

Frédéric Encel est docteur en géopolitique, maître de conférences en relations internationales, lauréat 2015 du Grand Prix de la Société de Géographie. Vient de publier Petites leçons de diplomatie (Autrement, 2015).

l’Arche

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