crédits/photos : REUTERS A Palestinian woman reads a Koran on the third Friday of the holy month of Ramadan at the compound known to Muslims as the Noble Sanctuary and to Jews as Temple Mount, in Jerusalem ,July 3, 2015
La condamnation à mort de Nahla A. le 5 octobre a donné lieu à quelques lignes dans les journaux de Gaza. Puis un mur de silence s’est refermé autour de la première Palestinienne condamnée à la peine capitale depuis plus de 20 ans.

Agée de 26 ans, Nahla A. est accusée d’avoir assassiné son mari. C’est l’un des rares éléments connus d’un dossier sur lequel pèse une chape de plomb. Dans la conservatrice enclave palestinienne, les familles ont le souci de leur honneur et n’étalent pas leurs affaires au grand jour, encore moins quand elles sont criminelles et que le crime est le meurtre d’un mari par son épouse.

Face à l’appareil judiciaire du Hamas islamiste qui gouverne l’enclave d’une main de fer, avocats des droits de l’Homme et défenseurs des femmes avancent sur une voie étroite entre le souci de sauver Nahla A. et la nécessité de ménager les valeurs traditionnelles et les juges.

La jeune femme a été jugée dans la plus grande discrétion quelques mois après les faits, avec douze audiences à huis clos. Elle attend désormais en secret en prison que la justice statue sur son appel et décide si oui ou non elle sera pendue.

 ‘Eléments accablants’

Quelques jours avant son arrestation le 31 janvier, elle a proposé à son mari de faire une balade non loin de leur petite maison des quartiers pauvres de l’est de Khan Younès.

Ils ont harnaché leur âne et grimpé sur leur carriole. Une fois dans les champs, elle a profité du fait que son mari satisfaisait un besoin naturel pour le « poignarder à plusieurs reprises dans le dos » avec un couteau acheté quelques jours auparavant, raconte à l’AFP le procureur général de Gaza, Ismaïl Jaber, dans son spacieux bureau encombré de dossiers.

Contre elle, il y a les aveux qu’elle a passés, dit le magistrat, ainsi que des témoignages et « des éléments accablants » qui prouvent la préméditation.

« Une fois que toutes les étapes de la procédure auront été franchies, nous signerons la mise en application de la peine » de mort, ajoute-t-il.

Nahla A. a été publiquement reniée par sa famille. « Ils ont eu peur d’une vengeance de la famille du mari » ou d’avoir à la dédommager en payant le « prix du sang », affirme Zineb al-Ghoneimy, qui dirige le Centre de conseil juridique aux femmes.

Le Centre a fourni à Nahla A. l’assistance d’un avocat, la famille n’ayant pas voulu s’en charger.

La jeune femme aurait été mariée contre son gré. Mère d’un petit garçon, ayant toujours vécu dans un dénuement total, elle n’en pouvait plus des coups de son mari, affirme pour sa part son avocat Bakr Torkmani.

Moratoire en Cisjordanie

Me Torkmani place désormais ses espoirs dans les recours interjetés contre la peine et dans la pression de l’opinion sur les juges qui ont tranché dans « la précipitation ».

Nahla A. est la première femme condamnée à mort dans les Territoires depuis 1994 et l’instauration d’une autorité autonome reconnue censée gouverner en attendant la création d’un Etat indépendant, dit Hamdi Chouqoura, vice-président de l’ONG Centre palestinien des droits de l’Homme.

Plus largement, les défenseurs des droits de l’Homme s’inquiètent de la persistance de la peine capitale dans les Territoires et de l’opacité dans laquelle elle est infligée à un rythme apparemment accéléré à Gaza.

La loi palestinienne prévoit la peine capitale pour ceux qui collaborent avec Israël, pour les meurtriers et pour les trafiquants de drogue.

En Cisjordanie, où l’Autorité palestinienne reconnue par la communauté internationale a son quartier général, aucune exécution n’a été pratiquée depuis 2002 et seulement deux entre 1994 et cette date.

 Egalité des sexes

Dans la bande de Gaza en revanche, 33 hommes ont été mis à mort depuis 1994. Depuis 2007 et la prise de pouvoir par le Hamas, mouvement terroriste en rupture avec l’Autorité palestinienne, 96 peines de mort (pas toutes exécutées) ont été prononcées, pour la plupart par des tribunaux militaires, et souvent pour espionnage au profit de l’ennemi israélien, note M. Chouqoura.

Rien qu’en 2016, 21 condamnations à mort ont été prononcées à Gaza.

Le procureur général les justifie par la « pression exercée par les familles de victimes » et la nécessité d' »éviter les vengeances ». « Le but n’est surtout pas de faire augmenter la criminalité, ce que nous voulons c’est la réduire et l’éliminer ».

A cet égard, « la loi palestinienne ne fait pas de distinction entre les criminels selon leur sexe », dit-il.

Dans sa prison de la ville de Gaza, où se trouve l’unique quartier de femmes détenues de ce territoire, Nahla A. ne demande qu' »une chose: voir son fils, ce que la famille de son mari refuse », dit son avocat.

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