Kauf nicht bei Juden – « N’achetez pas chez les juifs » – est de retour. L’appel au boycott du commerce juif est une vielle lubie politique de l’Europe. Une fois de plus, alors qu’une avalanche de haine s’abat contre Israël, a droite comme à gauche, des idéologues islamistes aux élites culturelles, on souhaite punir les juifs. Que les actions du gouvernement israélien soient critiquables est un fait. Mais quels sont les arguments au fond ?Premièrement, qu’Israël à tort de défier le droit international en tant que force d’occupation de la Cisjordanie. Mais que dire de la Turquie ? Celle-ci compte 35 000 soldats occupant le territoire d’une république souveraine – Chypre. Ankara a envoyé des centaines de milliers de colons dans le nord de Chypre. La Turquie a été appelée maintes fois par les Nations unies à retirer ses troupes. Au lieu de cela, elle se voit encore accusée de la destruction d’anciennes églises chrétiennes de Chypre du Nord.

A-t-on appelé à un boycott de la Turquie ou incité les entreprises à se désinvestir du pays ? Non, seuls les juifs d’Israël sont visés. Et que penser de l’Inde ? 500 000 soldats indiens occupent aujourd’hui le Cachemire. Selon Amnesty International, 70 000 musulmans ont été tués au cours des vingt dernières années par les forces de sécurité et les soldats indiens. Ce nombre dépasse de loin les musulmans palestiniens tués par les forces israéliennes pendant la même période. Cependant, les idéologues de l’islamisme se concentrent sur les juifs, pas les Indiens.

Se permet-on de parler du Sahara occidental et de la fermeture de la frontière du Maroc par l’Algérie qui rend la vie sur place bien plus difficile que celle des Palestiniens à Ramallah ou à Hébron ? Non, on ne risque pas. Voltaire – aussi antisémite qu’il fut – aurait sans doute raillé l’hypocrisie de ces nouveaux grands prêtres qui souhaitent uniquement attirer la malédiction sur la tête des juifs en Israël.

Deuxièmement, le désir de paix au Proche-Orient est une priorité mondiale. Mais la paix exige la reconnaissance de l’existence de l’Etat juif d’Israël. Quarante Etats membres de l’Organisation des Nations unies ont le mot « musulman » ou « islamique » dans leur titre. Nul ne conteste leur droit à exister ou à se défendre. Israël s’est retiré unilatéralement de Gaza, mais sa récompense fut de voir le territoire transformé en champ de tir de missiles destinés à tuer des juifs. Il y a eu plus de missiles tirés depuis Gaza contre Israël que de missiles V1 ou V2 tombés sur Londres en 1944. Personne n’a reproché à Churchill d’avoir riposté avec autant de force que possible, lorsque des villes comme Hambourg ou Dresde subissaient la colère de la Royal Air Force. En revanche, si les Israéliens engagent la moindre action contre les tueurs de juifs du Hamas, alors toute la haine du monde s’abat sur eux.

Troisièmement, il est difficile de voir comment on peut faire la paix avec un Israël que beaucoup cherchent à discréditer en tant qu' »Etat d’apartheid ». J’ai travaillé dans les années 1980 avec le mouvement syndical noir en Afrique du Sud. On devait se cacher dans les fossés quand la police de l’apartheid parcourait les cantons pour traquer les activistes politiques. Je ne pouvais pas nager depuis la même plage que ma femme, une française vietnamienne, à cause des lois racistes de l’Afrique du Sud. A l’inverse, les Musulmans et les Juifs nagent au large des mêmes plages de Tel Aviv. Ils peuvent séjourner dans les mêmes hôtels, être élus au même Parlement et faire appel à un système judiciaire indépendant. Par définition, un Etat d’apartheid n’a pas le droit d’exister et ne peut pas être membre de l’Organisation des Nations unies. La campagne de stigmatisation d’Israël en tant qu’Etat d’apartheid vise à en faire un « non-Etat », n’ayant ainsi pas le droit d’exister. Comment la paix peut-elle être conclue avec un Etat dont les opposants nient son existence-même ?

Au Royaume-Uni, au Canada et en France, des journalistes ou professeurs ont appelé au boycott des médias et des universités israéliens. Mais les écrivains, journalistes et professeurs israéliens sont en réalité les principaux opposants aux politiques contre-productives de leur gouvernement. Les boycotter revient à donner encore plus de pouvoir entre les mains des nationalistes russes qui contrôlent désormais la droite en Israël. Les attaques contre la liberté des médias, contre les femmes, les homosexuels, ou les avocats sont mille fois pires en Iran ou en Arabie saoudite En Syrie ou en Lybie, il n’y a pas de démocratie. En Jordanie, la démocratie reste limitée. Enfin, dans tout le monde arabe, les mouvements des frères musulmans affichent ouvertement leur antisémitisme. Appelle-t-on au boycott de ces Etats, de leurs journalistes ou de leurs professeurs ? Non. On appelle plutôt – à juste titre – à l’engagement, les contacts, le débat et la discussion. Beaucoup même réclament des négociations avec le Hamas, qui emploie dans sa Charte un langage des plus antisémites, à l’image d’un Alfred Rosenberg ou des autres idéologues nazis.

NE PAS REVENIR À LA HAINE DU PASSÉ

Pourtant on estime que les négociations avec les leaders politiques, les avocats ou intellectuels juifs doivent être boycottés. Cette politique visant à rendre les citoyens juifs d’Israël victimes d’un désaveu mondial va envenimer la crise au Moyen-Orient. Si elle était appliquée de façon uniforme à tous les Etats qui occupent et oppriment des territoires qui ne sont pas les leurs, elle pourrait avoir un certain fondement moral. Si le mouvement de boycott, de désinvestissement et de sanctions appelait également à un boycott et des sanctions contre le nouvel antisémitisme de l’extrême droite en Europe, cela aurait alors plus de sens. Un parti ouvertement antisémite, le parti Jobbik, parcourt aujourd’hui la Hongrie dans un uniforme d’avant-guerre fasciste. Des hommes politiques antisémites sont élus au Parlement européen. En Allemagne, l’économiste et politicien Thilo Sarrazin se permet de décrire les Juifs comme ayant « des gènes différents » des autres. Et de nos jours, des Européens de tous les peuples font à nouveau entendre leur voix pour s’écrier Kauft nicht bei Juden.

Ceux qui désavouent les politiques de la droite Israélienne doivent trouver d’autres outils de langage que celui de l’antisémitisme classique. Moi-même je ne suis pas juif. En tant que député britannique, je travaille avec des milliers de musulmans dans ma circonscription. Je me retrouve plus souvent dans les mosquées que dans les églises. Je suis fier de mes amis musulmans qui sont pairs, députés, conseillers municipaux, ou qui occupent des postes importants en tant que journalistes, avocats, médecins et intellectuels. Les 20 millions de musulmans européens sont confrontés à de nouvelles haines et nouveaux rejets qui doivent être combattus. Mais ils ne tireront aucun profit des campagnes de haine contre les juifs en Israël. En tant qu’Européens, nous devons dépasser le vieux langage du boycott et des campagnes économiques contre les juifs en Israël. Israël, la Palestine et l’Europe doivent construire leur avenir et faire le XXIe siècle, non pas revenir à la haine du passé.

Denis MacShane a présidé une commission d’enquête de la Chambre des communes sur l’antisémitisme actuel en Grande-Bretagne. Il est l’auteur de « Mondialiser la haine. Le nouvel antisémitisme ! » (Weidenfeld et Nicolson).

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Eric1234

Bien faire et laisser braire, vous connaissez ?

Pourquoi s’inquieter et toujours reprocher au gouvernement Israelien ce que les ennemis d’israel, quels que soient les actes des gouvernements israeliens font, reprochent a israel.

Si c’est simplement pour leur faire plaisir, de toute evidence cela ne se traduit pas par une moderation de leur attitude. De fait cela ne fait que l’agraver. Et c’est alors vu comme de la faiblesse de la part des sympathisants aux ennemenis d’israel.

A entendre les enemenis d’israel et leur synpathisants, il n’y aurait plus d’Israel et le pays serait divisé entre des …

Israel est un vieux pays de plus de 3000 and et si D. veut sera encore la dans 3000.Lorsque les ennemis d’israel et leur sympathisants auront compris cela, ils auront presque tout compris.

Nous sommes en guerre contre des ennemis que ne veulent ps que nous existions, ces ennemis arable ou chretien ou autre feront tout ce qu’il peuvent pour nous faire disparaitre, geographiquement ou autrement. Quoi que l’on fasse on ne leur plaira jamais. Alors pourquoi faire ce que peu de peuple ferait c’est à dire s’excuser d’exister…?

Et de plus quel choix avons nous ?

Si on les ecoute bien ils nous disent: suicide toi ou je te tue.

La réponse d’une personne raisonnable, j’ai la mienne, peut etre avez vous la votre, apparamment l’état d’Israel et les juifs qui vivent et ou le supportent refusent de se suicider.

La question qui reste est: que faire pour éviter d’etre tué.

Non merci Israel ne se suicidera pas et vous ne la tuerez pas.
Avec la grace de D.