Daniel Wildenstein était marchand de tableaux, historien d’art et éditeur, et surtout l’un des plus grands collectionneurs du XXe siècle. Depuis sa mort en 2001, sa succession est l’objet d’une bataille d’héritiers, où il est question de « trusts » aux îles Caïmans, d’un îlot privé aux îles Vierges, d’un ranch kenyan et de tableaux de maîtres par dizaines. Comme dans l’affaire Bettencourt, l’un des protagonistes est lié à Eric Woerth. Saisi du dossier, le ministre du Budget n’est pas intervenu.

C’est Le Canard enchaîné de mercredi qui a fait ce lien : Guy Wildenstein, fils de Daniel, est membre fondateur de l’UMP et ami du ministre du Travail, rencontré à Chantilly où feu son père élevait des pur-sang de course.

Depuis 2001, Guy Wildenstein s’oppose à la veuve de son père, Sylvia Wildenstein. D’abord en compagnie de son frère Alec, décédé en 2008, puis des ayants-droit de celui-ci. Sylvia Wildenstein accuse ses beaux-enfants de l’avoir écartée de la succession en lui faisant croire que Daniel ayant contracté des dettes, elle risquait la ruine.

Mais l’avocate de la veuve, Me Claude Dumont-Beghi, a découvert qu’il n’en est rien : « Au moment du divorce d’Alec, deux ans avant la mort de son père, la fortune Wildenstein était évaluée à 10 milliards de dollars », affirme-t-elle, une estimation toutefois nettement supérieure à celle généralement admise (4 milliards d’euros).

Après plusieurs années de recherches, l’avocate affirme aujourd’hui que plusieurs trusts (« fiducies » en français) bénéficient à Guy et aux héritiers d’Alec, et qu’ils ont été soustraits à Sylvia. Immatriculés dans des paradis fiscaux de juridiction britannique (Guernesey et les îles Caïmans), ils abriteraient, selon elle, une fortune extraordinaire et diversifiée : un élevage de pur-sang, des tableaux de Bonnard, Courbet, David, Fragonard, Marquet, Picasso, Quentin de la Tour, Nattier, Oudry, des titres de propriété…

Woerth alerté des soupçons d’évasion fiscale des Wildenstein

Que vient faire Eric Woerth dans ce musée presque idéal de la peinture ? En juin 2009, alors qu’il est ministre du Budget (et donc patron de l’administration fiscale), il reçoit une lettre de l’avocate de Sylvia Wildenstein, également envoyée au directeur général des finances publiques, alertant sur les soupçons d’évasion fiscale liés à la succession.

Malgré une relance, les deux lettres restent sans réponse. Dans son combat devant la justice, Sylvia Wildenstein considère que ses adversaires, les « consorts Wildenstein », ont « sciemment coordonné leurs efforts … »>Article original pour échapper … »>Article original à tout contrôle des juridictions civiles, fiscales et pénales ».

Plusieurs arrêts ont été rendus au cours de la longue procédure opposant la veuve à ses beaux-fils. Dans un arrêt de 2005, les juges de la cour d’appel de Paris écrivent :

« M. Alec et M. Guy Wildenstein se sont, à ce jour, approprié la totalité des biens dépendant de l’indivision post-communautaire. »

Favorable à Sylvia Wildenstein, l’arrêt reconnaît que la veuve a été victime d’« abus de faiblesse ». La Cour de cassation confirme en 2006.

En plus des artistes cités plus haut, la collection Wildenstein comptait, du vivant de Daniel, des toiles de Van Gogh, Renoir, Rubens, Botticelli, Rembrandt, Gauguin, Signorelli… Me Dumont-Beghi et Le Canard enchaîné parlent aussi d’un extraordinaire lot de 180 Bonnard, que l’avocate évalue à… 380 millions d’euros. A lui seul, « Le Joueur de luth » du Caravage, prêté au Metropolitan Museum de New York, vaudrait 100 millions d’euros.

Un rapport d’experts commandé par la justice pointe l’écart entre cette estimation et celles d’Alec et Guy, pour qui la succession Wildenstein ne dépasse pas 42,9 millions d’euros.

Au total, Sylvia Wildenstein réclame donc plus de 466 millions d’euros.

Mais dans un arrêt de la cour d’appel de Paris rendu le 16 juin 2010, Sylvia Wildenstein se voit condamner pour « procédure abusive » à payer 175 000 euros aux autres héritiers de son mari, à qui elle réclamait 50 millions d’euros.

Le système de trusts « parfaitement licite » selon les Wildenstein

La cour fustige le « battage médiatique » opéré par la veuve, qui aurait pour but de la présenter « comme une victime », et rappelle qu’elle a déjà perçu en 2004 une provision de 15 millions d’euros et reçoit une rente annuelle de 400 000 euros, sans participer aux frais de gestion de la succession. L’avocate de Sylvia Wildenstein a annoncé son intention de se pourvoir en cassation.

Avocat des consorts Wildenstein, Me Jean-François Prat ne commente pas cette « affaire en cours », mais conseille de « lire l’arrêt de la cour d’appel ». « Si ma consœur ne croit pas à notre justice, tant mieux pour elle. » Il rappelle que le système de trusts est « parfaitement licite ».

Reste une question : pourquoi Eric Woerth n’a-t-il pas répondu aux courriers de l’avocate de Sylvia Wildenstein ? Interrogé sur ce point, le cabinet du ministre ne nous a pas encore apporté de réponse.

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