Il faut rendre justice à Dov Zérah. Il avait promis lors de la dernière campagne électorale que son passage à la présidence du Consistoire de Paris marquerait l’histoire de l’institution. Il a tenu parole.

Dans la galerie des présidents qui se sont succédés depuis deux cents ans, alors que Gustave de Rothschild a exercé son mandat présidentiel pendant 52 ans (1858-1910), Edmond de Rothschild pendant 24 ans (1911-1935), Jean-Paul Elkan pendant 15 ans (1967-1982), le mandat de Dov Zérah aura duré 5 mois.

Après avoir tant voulu être président et convaincu la majorité des électeurs qu’il était le plus apte, le plus compétent, le plus novateur, il aura choisi d’être le plus éphémère.

Il est donc sûr de demeurer dans les chroniques. Au contraire de tous ses prédécesseurs, il n’aura eu aucune assemblée générale à affronter, aucun rapport d’activité, aucun bilan à présenter, aucun quitus à solliciter. N’attendant des autres aucun hommage, il se décerne à lui-même un satisfecit en forme de bulletin de victoire digne des annales de la Grande Armée, sous la forme d’une page de publicité -payante- (par qui ?) dans le dernier numéro d’Actualité Juive.

Exit Dov Zérah. Joël Mergui revient. Lui aussi tranche dans l’histoire consistoriale : seul président à cumuler les présidences du Consistoire Central et du Consistoire de Paris, seul président à revenir en charge après une interruption de mandat.

Que l’on ne se méprenne pas : dans la situation créée par le brusque départ de Dov Zérah, devant la nécessité d’assurer sans interruption la continuité de l’action consistoriale, au moment où la situation internationale pouvait laisser craindre la recrudescence d’actes antisémites, le successeur de Dov Zérah ne pouvait qu’être une personnalité rompue aux affaires consistoriales et à la direction de la communauté. Seuls Moïse Cohen et Joël Mergui parmi les membres du Conseil, répondaient aux exigences de l’heure. Les deux hommes auraient convenu de travailler ensemble, le premier s’effaçant devant son cadet qui lui réservait à ses côtés une place prééminente et la promesse d’une large délégation.

Il faudrait sans doute la plume d’un Chateaubriand décrivant le ralliement à Louis XVIII du régicide Fouché, Duc d’Otrante par la grâce de Napoléon, devant un Talleyrand déjà maître en retournement : Joël Mergui baisant la main de celui qu’il avait tant critiqué jadis, qu’il avait tant aspiré à remplacer, lequel lui donnait sa bénédiction sacerdotale, tandis qu’un rabbin ( ?) était caution du serment.

L’union des deux anciens adversaires, l’un et l’autre profondément attachés à l’institution consistoriale, qui pouvait hier relever de la science fiction est devenue grâce à Dov Zérah, la réalité d’aujourd’hui.

Certains qui ont jadis combattu toutes les tentatives d’union, se présentent aujourd’hui comme les artisans de cette unité nouvelle. Les futurs historiens du Consistoire qui se pencheront un jour sur ces évènements, démêleront sans doute l’écheveau des vérités contrastées, et sauront retrouver l’action persuasive et discrète d’hommes sans mandat, sans ambition, porteurs d’une ancestrale responsabilité communautaire.

Mais nous ne pouvons que regretter que cette union qui s’imposait, ait été précédée de tentatives bousculées, de revirements, de marchandages, d’invectives et d’exclusions, si nous nous référons à l’article de Claude Meyer dans Actualité Juive, au point d’apparaître davantage comme une solution de repli alors qu’elle allait d’emblée pour ceux qui n’avaient en vue que la pérennité de l’Institution.

Il appartiendra maintenant au nouveau tandem, « à l’association des expériences » pour reprendre l’expression de Joël Mergui, de démontrer sa capacité avec un bureau composé par Dov Zérah et inchangé, à répondre aux exigences de la situation du judaïsme parisien. Les universitaires (étudiants et professeurs) auront-ils un interlocuteur proche d’eux, capable de comprendre leurs attentes et d’apporter dans un monde intellectuel en bouillonnement les moyens d’exprimer une pensée juive et moderne à la fois ?

Les lycées et collèges seront-ils enfin dotés d’aumôniers alors que la plupart des postes sont en déshérence depuis de nombreuses années ?

Les communautés qui sollicitent l’aide ou l’arbitrage du Consistoire trouveront-elles un interlocuteur blanchi sous le harnais, apte à les aider et à les soutenir grâce à son expérience et non pas seulement par sa bonne volonté et sa pratique orthodoxe ?

Enfin, le Grand Rabbin de France doit être soutenu par le Consistoire de Paris dans sa volonté de réformer le contenu de l’enseignement de l’école rabbinique et d’en faire le vivier exclusif des cadres spirituels.

L’assemblée générale des adhérents est convoquée en séance ordinaire et en séance extraordinaire pour le 27 juin. Joël Mergui portera-t-il dans ses bras l’enfant de son éphémère prédécesseur, c’est-à-dire son projet de réforme des statuts ? Nul ne conteste la nécessité d’une refonte des statuts actuels afin de faciliter ce que certains appellent une décentralisation là où nous préférons écrire déconcentration. Le projet soumis a été préparé par des juristes qui ont oublié que le style juridique se caractérise par la clarté et la concision qui faisaient l’admiration de Stendhal, lequel relisait le Code Civil avant d’écrire chacune des œuvres qui ont fait sa gloire.

Au-delà de ces imprécisions, au-delà de l’emploi de termes hébreux au mépris de l’ordonnance de Villers-Cotterêts du 25 août 1539 toujours en vigueur, sur l’usage obligatoire du français dans les actes juridiques, ce projet bouleverse la conception bicentenaire de l’Institution. Composé exclusivement jusqu’à présent de personnes physiques professant la religion d’Israël, le Consistoire deviendrait si le projet était adopté un organe hybride, alliant des personnes physiques à des associations particulières qui géreraient les communautés. Dotées nécessairement d’une autonomie juridique ces associations pourraient se révéler des instruments de décomposition et en tout état de cause, rien n’est dit du sort des petites communautés qui n’arriveraient pas à équilibrer leur budget et que le Consistoire a l’impérieux devoir de maintenir.

Nous attendons donc nos anciens-nouveaux dirigeants à l’assemblée générale du 27 juin. Nous espérons d’eux une prise de position nette et non pas l’escamotage d’une discussion et un vote à la sauvette d’une réforme si grave et si bouleversante des traditions consistoriales même si les aspects que nous dénonçons n’apparaissent pas toujours clairement à première lecture. Nous verrons alors s’il y a réellement l’association d’expériences reconnues pour assurer la pérennité de l’Institution et le renforcement du judaïsme francilien ou au contraire une de ces combinaisons qui font les délices d’élus consistoriaux qui sans voir la noblesse de leur mission jouent à imiter les politiques.

Nous espérons ne pas avoir assisté à une embrassade à la Folleville et que l’ère des combinaisons que nous avons dénoncées sera le passé de demain.

Claude Nataf

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