source : lemonde.infoOr donc, nos médias ont abondamment relaté, à leur façon, la « chute », en réalité la démolition, du mur de Berlin. A vrai dire, l’on a pu relever, chez certains intervenants, une légère difficulté à admettre que le mur a non pas chuté, mais a été démoli ; et que par la même occasion, c’est le totalitarisme communiste est-allemand qui a été démoli, par les forces civiles de la liberté. Divers « reportages », notamment français, se sont évertués à gâcher la fête et à noircir le tableau ; notamment en alléguant que la « chute » du mur et la réunification, avaient été « achetées », à l’URSS de Gorbatchev, par l’Allemagne de l’Ouest, celle du chrétien démocrate Helmut Kohl, pour la somme de 15 milliards de deutschmark (il y a eu des entretiens de nature économique, mais de là à évacuer tout le reste, et à réduire l’histoire à un achat, voilà un bel exemple de falsification historique…).

Il a également été allégué que les Allemands de l’Est avaient été déçus par la réunification ; et que les Allemands de l’Ouest avaient été exaspérés par le coût de cette même réunification. Quelle curieuse façon de « faire la vérité » sur les « dessous » de la « chute » ! Car s’il est vrai qu’il a pu y avoir, ça et là, déception et exaspération, il n’en demeure pas moins que, premièrement, la réunification fut – et demeure – un succès ; et que, deuxièmement, la démolition du mur de Berlin a mis fin à plusieurs décennies de surveillance, de répression, de torture, d’emprisonnement et d’assassinats. Et puis, notons, que hormis quelques intellectuels, tel par exemple Vladimir Fédorovski, l’on s’est bien gardé de mettre en valeur le rôle déterminant du Polonais Jean-Paul II, alias Karol Wojtyla ; et le rôle, non moins déterminant, et pionnier de surcroît, dès 1967, des refuzniks juifs russes, tels Natan Sharansky, Iossif Begun, Victor Foulmakht et Yossef Mendelevitch.

A cet égard, Frédéric Mounier, correspondant de presse à Rome, dans une dépêche datée du mercredi 11 novembre, rappelle quelques faits intéressants : « Bernard Lecomte était l’envoyé spécial de La Croix, début juin 1979, lorsque Jean-Paul II, pour la première fois, est revenu dans son pays natal. C’était dix ans avant la chute du Mur, mais ce fut la première brèche. « Nous étions médusés d’entendre ce pape slave parler, devant des centaines de milliers de Polonais, de liberté, de dignité humaine, de droits de l’homme. Et faire comme si le Mur n’existait pas ! ». L’auteur de la principale biographie de Jean-Paul II en langue française (Gallimard) poursuit : « Karol Wojtyla a toujours su que ce mur n’était que provisoire. » Pour lui, l’Europe était une. Son discours, plus éthique et religieux que politique, pouvait être entendu par des non-chrétiens. Partout, les dissidents comprennent le message. Le Kremlin sait qu’il faudra compter avec Jean-Paul II. La contagion peut alors se répandre dans tout l’empire soviétique ».

« Dès son élection, le pape slave s’est en effet évertué à distiller les valeurs qui allaient réveiller les communautés et participer à la désagrégation de cet empire. Le cardinal Frantisek Tomasek et Vaclav Havel à Prague, Doïna Cornea et le pasteur Tökes en Roumanie, Adam Michnik, Alexandre Soljenitsyne, Andreï Sakharov et beaucoup d’autres se sont inscrits dans ce sillage. Sur cette toile de fond, plusieurs épisodes sont venus ponctuer l’histoire. D’abord, ce pape s’est démarqué de ses cardinaux, dont son secrétaire d’État, le cardinal Agostino Casaroli, champions d’une Ostpolitik du moindre mal. « Le cardinal faisait le diplomate, et le pape faisait le prophète ! », se risque aujourd’hui à analyser Bernard Lecomte. Le 24 janvier 1979, lorsque Jean-Paul II reçoit au Vatican Andrei Gromyko, ministre des affaires étrangères de l’URSS, le ton est donné : le Kremlin sait désormais qu’il lui faudra compter avec cet homme d’Église hors du commun. Le 13 mai 1981, la tentative d’assassinat sur la place Saint-Pierre choque les populations de l’Est, persuadées, à tort ou à raison, qu’Ali Agça est aux ordres du KGB ».

« Cette émotion contribuera probablement à renforcer les dissidences. Rien n’aurait pu se produire sans ce pape-là. Lorsqu’en 1987, Mikhaïl Gorbatchev met en œuvre la perestroïka et la glasnost, Jean-Paul II confie à André Frossard : « Comment cet homme peut-il changer le système sans changer de système ? ». En juin 1988, les dirigeants soviétiques autorisent les célébrations du millénaire de l’Église russe. Casaroli y représente Rome, rencontre Gorbatchev et l’invite au Vatican. En coulisses, les choses se précisent lorsque Jean-Paul II, en 1985, puis début 1989, manifeste un soutien aussi secret que précis au dissident Andreï Sakharov. Finalement, le jour où le Mur s’ouvre, Jean-Paul II, à Rome, comme en un raccourci de l’Histoire, prépare la canonisation d’Agnès de Bohême, prévue le 12 novembre. Elle sera, là aussi, le prélude à la « révolution de velours ». Trois semaines après la chute du Mur, l’impensable se produit : le 1er décembre 1989, Jean-Paul II reçoit Mikhaïl Gorbatchev au Vatican. « Rien de ce qui s’est passé à l’Est n’aurait pu se produire sans ce pape-là », déclara, peu après, Gorbatchev ».

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