En 1942, une centaine d’enfants juifs sauvés : une odyssée sortie de l’oubli

Une centaine d’enfants juifs, internés dans un camp près de Lyon et promis à la mort, seront sauvés grâce à une formidable chaîne de solidarité et l’abnégation de leurs parents

Le 27 août 1942, jour de l’arrivée des Juifs raflés dans la région au camp de Vénissieux. (Crédit : Fonds des Fils et Filles des déportés juifs de France / Serge Klarsfeld)

Le 27 août 1942, jour de l’arrivée des Juifs raflés dans la région au camp de Vénissieux. (Crédit : Fonds des Fils et Filles des déportés juifs de France / Serge Klarsfeld)

C’était une page d’histoire effacée des mémoires : en août 1942, une centaine d’enfants juifs, internés dans un camp près de Lyon et promis à la mort, vont être sauvés grâce à une formidable chaîne de solidarité et l’abnégation de leurs parents.

« Je me suis intéressée au camp de Vénissieux en 1992, pour mon mémoire de maîtrise, puis plus tard deux thèses. Depuis près de 30 ans, je n’ai pas arrêté ! », explique à l’AFP l’historienne Valérie Portheret qui a retrouvé des sauveteurs et des sauvés, ou leurs descendants, les interviewant à Lyon, en Israël ou aux États-Unis.

« Ce sauvetage de 108 enfants juifs étrangers au cours d’une opération coup de poing était jusque-là méconnu. Aucun autre d’une telle ampleur n’a eu lieu en France pendant la Seconde Guerre mondiale », assure-t-elle.

Serge Klarsfeld, qui évoquait le camp de Vénissieux en 1983 dans l’un de ses livres, l’a encouragée à reconstituer la liste des enfants sauvés, qui n’existait pas. « C’est devenu pour moi une mission », relève-t-elle.

Valerie Portheret, historienne et écrivain.

Grâce à sa ténacité, l’historienne a retrouvé les noms de 90 des 108 enfants.

Ce 26 août 1942, pour répondre aux exigences des nazis, le gouvernement de Vichy ordonne la rafle des Juifs étrangers dans la région de Lyon. Originaires d’Allemagne, d’Autriche, de Pologne, de Tchécoslovaquie ou d’URSS, ils sont 1 016 à être arrêtés et rassemblés dans le camp de Vénissieux.

Selon une circulaire du 5 août, les enfants non accompagnés de leurs parents ne peuvent être déportés. Les sauveteurs s’engouffrent dans cette brèche.

Serge Klarsfeld.

Dans la nuit du 28 au 29 août, des membres d’œuvres sociales, faisant partie de la commission chargée de déterminer si un interné bénéficie d’une exemption, vont convaincre en catimini les parents de signer un acte d’abandon en faveur de l’association l’Amitié chrétienne. Des dizaines de délégations de paternité en blanc sont ronéotypées.

Au total, 108 attestations sont signées. Valérie Portheret va retrouver en 2006 dans un vieux carton d’archives plusieurs de ces documents à l’encre désormais délavée.

Photos exceptionnelles

Dans le camp, les scènes sont déchirantes : « Demander à des parents d’abandonner leurs enfants, c’est terrible, même pour les sauver. Il fallait avoir vraiment confiance. »

Les enfants sont exfiltrés le 29 août. On les cache. Ils seront recueillis par des familles de toutes confessions. Le même jour, 545 adultes sont conduits par les gendarmes à la gare, direction Drancy. Puis Auschwitz. La majorité sera gazée.

Les sauveteurs ont exfiltré d’autres Juifs en danger, soutenus par le primat de Gaules, Mgr Pierre Gerlier.

Mais l’odyssée des enfants n’est pas terminée. La police se lance à leur poursuite. Ils devront ensuite souvent changer de domicile.

Dans des tracts, la Résistance prévient : « Vous n’aurez pas les enfants. » C’est le titre choisi par Valérie Portheret pour son livre retraçant ce bouleversant épisode (éditions XO), lauréat du prix Seligmann 2020 contre le racisme.

« Tout avait été fait pour ne laisser aucune trace du camp », explique l’historienne. Mais des travailleurs indochinois en transit dans son enceinte ont pris des photos. « J’ai retrouvé certains clichés. »

« C’est fou que ce soient eux qui aient gardé ces traces exceptionnelles. J’y ai reconnu Lotte, l’une de mes premiers témoins. Quelle émotion ! »

C’est « le seul fonds photographique des rafles de l’été 1942 ». Pour celle du Vel d’Hiv, il n’y a qu’une photo prise à l’extérieur.

« Les sauveteurs ne se voyaient pas en héros. Pour eux, cela coulait de source de ne pas livrer des enfants aux nazis. La première chose qu’ils me demandaient, c’était ‘que sont-ils devenus ?’ », s’émeut l’historienne qui voudrait faire un « grand film percutant sur cette histoire ».

« J’ai approché des producteurs et suis en train d’écrire un synopsis détaillé. » L’intrigue sera centrée sur une famille de Chicago, des émigrés polonais qui tentent de sauver une petite fille de compatriotes. Eux n’y parviennent pas. Elle sera sauvée à Vénissieux.

« Je veux faire connaître cette histoire à l’international », dit-elle.

« Il y a aussi un documentaire en cours et un projet de BD. Mon livre doit par ailleurs être traduit en anglais et le musée d’Auschwitz souhaiterait une traduction en polonais. »

AFP

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