Quand Vladimir Poutine est le mieux placé pour jouer la carte kurde syrienne

On le sait, la Russie, Moscou est le premier pays à avoir accueilli sur son sol un bureau représentant le PYD ayant le statut d’organisation non gouvernementale.

Par ailleurs, on soulignera volontiers qu’au Nord d’Alep, les combattants kurdes ont avancé couverts par l’aviation russe contre les rebelles d’al-Nosrah et de Ahrar al-Sham.

Et c’est ainsi que le PYD, directement lié au PKK turc, a bel et bien compris que les tensions entre Ankara et Moscou leur donnaient des moyens de pression en fournissant des armes aux YPG.

Dans ce contexte, Moscou menace Ankara d’une déstabilisation accrue de l’Anatolie du Sud-Est, car rien n’indique que les lance-grenades de types RPG-7 fournis par la Russie pour la Syrie ne puissent pas à l’avenir se retrouver aux mains du PKK turc.

Et dès lors, la Turquie a t-elle des raisons de s’inquiéter que des armes plus perfectionnées ne tombent à l’avenir dans les mains du PKK, à l’instar des missiles portatifs anti-chars (Kornet) ou anti-aériens (Strelaou Igla).

La vengeance est un plat qui se mange froid. Ankara et Washington en savent quelque chose.
Au lendemain du crash du Sukhoi Su-24, abattu à quatre kilomètres de la frontière ottomane par un missile air-air tiré par un chasseur turc F-16 en novembre 2015, Vladimir Poutine avait martelé: « Nous savons ce que nous devons faire ».

Et la réponse du berger à la bergère passe assurément par le levier du PKK turc via le PYG syrien et par la fédéralisation de la Syrie.

Dans ce contexte, pour Recep Erdogan, la fédéralisation de la Syrie se traduirait pour la Turquie par la création à sa frontière Sud d’un quasi-Etat kurde allié du PKK et reconnu par la communauté internationale. Ce dernier ayant du reste participé activement à lutter contre l’Etat islamique, explique Caroline Galactéros.

Les Russes enrayent la tentation turque de déstabiliser le Caucase russe, et notamment la Tchétchénie.

Qu’on y songe, le soutien discret des Russes au PKK, poursuivi après 1991 et croissant depuis 2015, est un moyen de freiner la tentation turque visant à déstabiliser le Caucase russe, et notamment la Tchétchénie, via le développement de mouvements djihadistes, confie Caroline Galactéros, experte en géopolitique dans son blog « Bouger les lignes ».

La carte kurde des Russes est autrement plus mortelle que la carte tchétchène des Turcs.

La situation est assurément asymétrique. De fait, alors que la Turquie est plus petite que la Russie, les Kurdes en Turquie sont 12 à 18 fois plus nombreux que les Tchéchènes en Russie. La Russie cherche également à compenser l’emprise américaine au Kurdistan irakien en établissant un Kurdistan concurrent en Syrie qui pencherait du côté de Moscou.

Le soutien Russe aux Kurdes syriens contrarie les velléités impériales de la Turquie islamo-conservatrice de Recep Erdogan et il tend aussi à compenser l’emprise américaine au Kurdistan irakien en établissant un Kurdistan concurrent en Syrie qui pencherait du côté de Moscou. Pour mémoire, le levier kurde des Russes remonte à Catherine II qui déjà utilisa les guerriers kurdes pour sécuriser les frontières du Sud de la Russie. A partir de 1804, les combattants kurdes s’allièrent aux troupes tsaristes lors des conflits armées entre l’Empire russe et l’Empire ottoman.

En 1923, l’URSS créa même le « Kurdistan rouge », à cheval entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, rappelle Caroline Galactéros.

Quand les Américains, sont empêtrés dans les contradictions de leurs alliances, comme le montre la question des Kurdes syriens

Comment soutenir tout à la fois durablement les Kurdes syriens appuyés par le PKK et la Turquie membre de l’OTAN? L’alliance Occidentale n’en n’est pas à une contradiction près. Pour preuve, la bataille de Kobané où l’aviation américaine avait aidé les troupes kurdes assiégées dans cette ville qui se trouve pourtant à la frontière avec la Turquie.

Dans le même temps, Ankara elle militait volontiers pour entraver les actions du PKK à Kobané . Et s’agissant de la Syrie, Ankara choisit d’ouvrir sa frontière Sud aux rebelles islamistes tels que Front al-Nosrah et Arhar al-Sham que les Kurdes syriens combattent!

L’intervention russe de septembre 2015 et le rapprochement de Moscou avec les Kurdes a obligé Washington à créer, le 11 octobre 2015, les « Forces démocratiques syriennes »(FDS), coalition composée des YPG kurdes, de combattants arabes rebelles et de chrétiens syriaques.

Quand Washington accroît son soutien aux Kurdes syriens sans trop fâcher Ankara

Les Forces Démocratiques Syriennes apparaissent en effet comme un cache-sexe destiné à combler l’ascendant militaire sans équivoque des combattants kurdes dans les combats au sol contre Daech. Et il va sans dire que ces combattants cultivent une affinité certaine avec les Russes, les Iraniens et le régime de Damas. Ces combattants obligent du reste la coalition internationale emmenée par les Etats-Unis et leurs alliés sunnites à revoir ses plans.

En clair, la stratégie de la coalition qui visait à faire tomber rapidement le régime de Bachar El-Assad pour disloquer la Syrie en plusieurs entités pro-américaines s’est heurtée à l’intervention russo-iranienne.

Dès lors les Etats-Unis sont acculés à privilégier des mouvements tactiques contradictoires et politiquement bien aléatoires.

Cela passe par un soutien multi-cartes afin de se ménager une marge de manœuvre politique minimale fort utile pour les négociations relatives à l’avenir de la Syrie.

D’où les efforts désespérés à soutenir des acteurs que tout sépare à l’instar de la Turquie et des Kurdes. Pour l’illustrer on soulignera volontiers que, lors de la bataille d’Alep de février 2016, les Kurdes étaient accompagnées au sol par des conseillers américains qui leur apportaient un soutien logistique destiné à leur permettre de reprendre l’ascendant sur les « rebelles » que les Etats-Unis soutiennent par ailleurs d’une main lâche mais néanmoins sans équivoque, souligne Caroline Galactéros.

Et il y a plus, le soutien logistique de Washington consistant à rendre possible la jointure un entre Afrin et Kobané était apporté alors même que les combattants YPG avançaient au sol en étroite coopération avec l’armée de Bachar El-Assad et sous la protection de l’aviation russe.

« Le levier kurde » est utilisé par tous les acteurs, Russie et États-Unis en tête

A plus long terme, deux Kurdistan vont émerger comme quasi-Etats autonomes au sein de nations irakienne et syrienne progressivement confédéralisées.

De fait, Erbil regarderait vers Washington tandis que Afrin, Kobané et Djéziré auraient les yeux rivés vers Moscou.

Dans ce contexte, le PKK turc, renforcé par l’existence d’un Kurdistan syrien et un soutien russe officieux, pourrait constituer une menace politique lourde tant pour la Turquie de Recep Erdogan que pour le Kurdistan irakien de Barzani. Ce qui constitue assurément un moyen très sûr de saborder discrètement la tutelle américaine au Levant, souligne Caroline Galactéros.

Moscou se doit de préserver ses intérêts stratégiques et énergétiques dans la zone et de conforter son statut d’interlocuteur incontournable

On le sait, ce qui compte pour Moscou, c’est de préserver avant tout ses intérêts stratégiques et énergétiques dans la zone. Et il y a plus, Poutine se doit de conforter son statut d’interlocuteur incontournable dans un monde qui se veut multipolaires tout en freinant la déstabilisation régionale au profit des alliés sunnites de Washington.

Qu’on se le dise, la Russie a très largement rempli ses objectifs militaires en Syrie. Tandis que Washington a été progressivement acculé à devoir reconnaître tout à la fois l’échec de son plan régional et son incapacité à freiner les ardeurs des Russes. Etant entendu que Washington, flanqué d’un allié turc partiellement incontrôlable, ne saurait entraîner l’OTAN dans une confrontation directe avec Moscou.

De fait, Vladimir Poutine s’il parvient à obtenir de Washington que l’Armée syrienne ne sera pas démantelée ou encore que le parti Baas ne soit pas dissout et que le régime syrien soit maintenu, il est en passe de réussir haut la main son pari.

Et dans ce contexte, on l’aura compris la question kurde n’est pas étrangère à la consolidation d’un nouvel équilibre au Moyen-Orient qui est somme toute très favorable à la Russie.

Source : huffingtonpost.fr/olivier-d-auzon

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André

Ankara delenda est.

Gilbert schwarcz

Les relations entre Israël et les kurdes irakiens sont anciennes et solides. Les kurdes syriens sont également demandeurs du soutien d’Israel….il y a tout à gagner à avoir des  » points d’appuis  » amis limitrophes avec l’Iran , sans compter l’Azerbaidjan peuple ami situé au nord de l’Iran.
Dans la future explication qui interviendra tot ou tard avec les mollahs enturbannés , ces positions strategiques seront décisives …..
Quant à la Turquie d’Erdogan il faudra louvoyer jusqu’au départ ( volontaire ou pas ) du Calife , en espérant l’arrivée prochaine du futur Ataturc pour renouer des relations apaisee avec ce pays qui reste une pièce importante au moyen orient.
Rien n’empêche de garder des relations strictement commerciales en leur vendant du gaz que les russes ne manqueront pas de réduire prochainement …. Vladimir Vladimirovitch est rancunier le bougre …. Les turcs vont l’apprendre encore plus à leur dépend ….