Les grandes puissances s’accordent sur un plan pour une « cessation des hostilités » en Syrie dans la semaine
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergeï Lavrov, le secrétaire d’Etat américain John Kerry et l’émissaire spécial de l’Onu pour la Syrie, Staffan de Mistura, à Munich lors d’une conférence internationale sur la Syrie. REUTERS/Michael Dalder

CONFLIT

Les Etats-Unis et la Russie vont piloter les « modalités » de mise en oeuvre de la cessation des hostilités, indique le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov à l’issue d’une conférence internationale à Munich.

Les principaux acteurs du dossier syrien sont tombés d’accord dans la nuit de jeudi à vendredi sur une « cessation des hostilités » en Syrie dans un délai d’une semaine et sur un accès accru de l’aide humanitaire aux civils en détresse.


« Nous avons convenu une cessation des hostilités dans tout le pays dans un délai d’une semaine », a déclaré le chef de la diplomatie américaine John Kerry lors d’une conférence de presse à l’issue d’une réunion de plus de cinq heures à Munich (sud de l’Allemagne).


Les Etats-Unis et la Russie vont piloter les « modalités » de mise en oeuvre de cette cessation des hostilités, a précisé le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov.


Cet arrêt des hostilités concernera toutes les parties au conflit à l’exception des « groupes terroristes Daech (acronyme du groupe Etat islamique en arabe) et Al-Nosra (el-Qaëda) », a précisé son homologue John Kerry.
« Nous avons aussi convenu d’accélérer et d’élargir la fourniture d’aide humanitaire dès à présent » à une série de villes assiégées, a ajouté John Kerry, en citant entre autres Deir Ezzor (est), où les forces loyalistes sont assiégées par le groupe Etat islamique.

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Depuis le 1er février, Damas, appuyé par les bombardiers russes, mène une offensive contre la deuxième ville du pays, Alep (nord), qui a pris en étau les rebelles cantonnés dans les quartiers est. Quelque 51.000 personnes ont été déplacées par les combats dans la région, selon l’ONU, pour beaucoup vers la frontière turque, tandis que 350.000 civils restent coincés au côté des rebelles.


Un groupe de travail piloté par l’ONU va se réunir dès vendredi à Genève pour mettre en oeuvre ce volet humanitaire et fera des « comptes rendus hebdomadaires », a précisé M. Kerry.


Les négociations intersyriennes, suspendues début février en raison d’une offensive du régime appuyée par l’aviation russe sur les rebelles à Alep, doivent par ailleurs « reprendre dès que possible », a dit M. Kerry.
Ces négociations doivent avoir lieu « sans ultimatums et préconditions », a souligné son homologue russe, Sergueï Lavrov.

Le principal groupe d’opposition syrienne a salué le plan, a dit vendredi à des journalistes Salim al-Mouslat. Il a toutefois ajouté que le plan convenu devait se traduire sur le terrain avant que l’opposition syrienne n’accepte de participer à des discussions politiques avec des représentants du gouvernement syrien en Suisse. « Si nous voyons des effets et une mise en oeuvre (du plan), nous vous verrons très bientôt à Genève », a poursuivi Salim al-Mouslat. L’émissaire spécial de l’Onu, Staffan de Mistura, avait dit espérer relancer les négociations le 25 février.

Nouvelle guerre mondiale

A Munich, cet accord a été arraché après plusieurs heures de pourparlers difficiles, sur fond de défiance et de mises en garde contre une guerre mondiale.
Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, était arrivé à la réunion du Groupe international de soutien à la Syrie (ISSG) avec une proposition de cessez-le-feu qu’il a qualifiée de « concrète ». Circonspect, un responsable du département d’Etat américain avait insisté sur la nécessité « d’un cessez-le-feu immédiat », alors que certains médias évoquaient le 1er mars comme échéance russe pour une trêve.
Au même moment, Moscou avertissait que tout déraillement des négociations et tentation d’intervention au sol des uns ou des autres en Syrie aboutirait à une guerre totale et « permanente ». « Toutes les parties doivent être contraintes de s’asseoir à la table de négociations plutôt que de déclencher une nouvelle guerre mondiale », a averti le Premier ministre Dmitri Medvedev dans une interview au quotidien allemand Handelsblatt à paraître vendredi.
Des propos qui interviennent alors que l’Arabie saoudite, la Turquie et les Émirats arabes unis ont récemment évoqué l’idée de dépêcher des troupes au sol en Syrie, dans le cadre de la coalition internationale contre le groupe État islamique. Jeudi, les Saoudiens ont réitéré leur offre de déployer des troupes au sol contre l’organisation Etat islamique. « Le royaume se tient prêt pour mener des opérations aériennes ou terrestres (…) dans le cadre de la coalition et sous le commandement des Etats-Unis », a expliqué le porte-parole de la Défense saoudienne, Ahmed Assiri
Le porte-parole du département d’Etat Mark Toner a rétorqué que la Russie avait « exacerbé, intensifié le conflit » en Syrie par son appui militaire aux forces gouvernementales.

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Face à toutes ces surenchères, la voie d’un compromis paraissait très étroite. « Je ne peux pas dire si on y arrivera », avait ainsi concédé le ministre allemand des Affaires étrangères, Frank-Walter Steinmeier. Dans ce contexte, certains participants avaient laissé entendre que les négociations pourraient durer une partie de la nuit.

Moscou est soupçonné de vouloir pousser son avantage sur le terrain militaire et diplomatique, et renforcer le régime de Bachar el-Assad avant une hypothétique reprise des pourparlers de Genève. Les Occidentaux reprochent aux Russes d’avoir torpillé le processus de paix intersyrien en menant des raids aériens massifs contre les rebelles modérés.

(Lire aussi : Washington veut des « gains tangibles » rapides contre l’EI)

Jeudi soir, le président français François Hollande a ainsi exhorté les Russes à cesser leurs bombardements. « Nous devons faire en sorte que Bachar al-Assad quitte le pouvoir et en ce moment, aidé par les Russes, il agit et massacre une partie de son peuple », a-t-il martelé.
L’opposition syrienne réclame aussi un cessez-le-feu avant de reprendre ces négociations reportées pour le moment au 25 février.

(Lire aussi : Erdogan menace l’Europe de lui envoyer les migrants)

Avancée vers Tall Rifaat

Sur le terrain, les forces du régime avançaient inexorablement jeudi vers Tall Rifaat, un des bastions les plus importants de l’insurrection dans la région d’Alep, au prix de violents combats, selon l’Observatoire syrien des droits de l’homme.
La Russie a annoncé avoir procédé à 510 sorties aériennes pour frapper 1.888 « cibles terroristes » entre le 4 et le 11 février, assurant notamment avoir tué deux commandants rebelles dans la province d’Alep.

Si le processus politique échoue, les Occidentaux n’ont guère de plan B à moins de prendre le risque de s’opposer frontalement aux Russes, ce qui semble très improbable.
Les Occidentaux rechignent aussi à fournir des missiles sol-air aux rebelles modérés, de peur que ces armes ne tombent entre les mains de jihadistes d’el-Qaïda et de l’EI.

12/02/2016

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