« J’étais celui qui parlait aux gouvernements » : Mark MacGann, le lobbyiste à l’origine des Uber Files

The Guardian a révélé l’identité du lanceur d’alerte à l’origine des « Uber Files » : Mark MacGann, lobbyiste pour la firme américaine de 2014 à 2016.

L‘Irlandais de 52 ans est un lobbyiste de carrière, une denrée rare que les multinationales s’arrachent afin d’influer la fabrique de la loi sur l’ensemble des continents. Mark MacGann a ainsi coordonné de 2014 à 2016 les efforts d’Uber pour convaincre les gouvernements d’Europe, du Moyen-Orient et d’Afrique d’assouplir la réglementation en vigueur autour de ses activités VTC et réussir son implantation sur des marchés peu exploités par la firme. Parmi les tableaux de chasse du représentant d’intérêt : la France. Avec une cible en particulier : son ministre de l’Economie, Emmanuel Macron.
Désormais, Marc MacGann ne veut plus être présenté comme un lobbyiste mais comme un lanceur d’alerte. Rongé par la culpabilité d' »avoir vendu des mensonges », l’ancien interlocuteur de la classe politique française a partagé près de 124 000 fichiers au Consortium international des journalistes d’investigation (ICIJ) qui ont nourri l’enquête journalistique internationale sur le système Uber. « Il s’agit de faire amende honorable », explique dans un entretien accordé au journal The Guardian celui qui dénonce désormais la violence du modèle de l’entreprise américaine et les promesses non tenues.

Aveux publics

Si Marc MacGann a choisi de révéler ces documents et rompre l’anonymat que lui garantissaient les journalistes ayant travaillé sur le sujet, c’est bien que l’homme de 52 ans souhaitait prendre sa part : « Je suis en partie responsable, et c’est ce qui me motive à faire ce que je fais en tant que lanceur d’alerte. (…) Comment peut-on avoir la conscience tranquille si on n’assume pas sa propre responsabilité dans la manière dont les gens sont traités aujourd’hui ? », tire-t-il au clair dans son entretien avec le quotidien britannique.
Les déclarations publiques de l’ancien lobbyiste sont lourdes au regard du poids qu’il incarnait dans la machine de représentation d’Uber, notamment sur le sol français. L’ICIJ a notamment conclu à l’existence d’un « deal » secret entre Uber et Emmanuel Macron à Bercy. « J’étais celui qui parlait aux gouvernements, poussait dans les médias, celui qui disait aux gens qu’ils devraient changer les règles, car les chauffeurs allaient en bénéficier et que les gens allaient avoir beaucoup d’opportunités économiques. » Le plan se déroulait en trois étapes. « L’approche de l’entreprise dans ces endroits consistait essentiellement à enfreindre la loi, à montrer à quel point le service d’Uber était incroyable, puis à changer la loi. Mon travail consistait à aller au-dessus des chefs des responsables municipaux, à établir des relations avec le plus haut niveau de gouvernement et à négocier. C’était aussi pour faire face aux retombées. »
Les échanges avec celui qui allait devenir président de la République sont plus apaisés en comparaison avec d’autres membres du gouvernement de l’époque, plus réticents à l’entrée d’Uber sur le marché domestique, et qui font face à une levée de boucliers chez les chauffeurs de taxi. MacGann dit lui aussi en avoir accusé le coup : menaces, protection permanente, stress. Le ministre de l’Intérieur de l’époque, Bernard Cazeneuve, s’en prendra directement à MacGann et ses activités qu’il jugera à l’origine de la poussée de violence : « Je vous tiendrai personnellement et pénalement responsable si vous ne le fermez pas d’ici la fin de la semaine », lui aurait-il dit. MacGann était finalement parti d’Uber à cause d’un litige autour de sa rémunération. Ce qui ne l’avait pas empêché, par la suite, de s’investir personnellement dans la campagne d’Emmanuel Macron en 2017, comme l’indique Le Monde. Au programme : des dîners dans la Silicon Valley, et quelques bons contacts pour remplir son carnet d’adresses et collecter des fonds. Un petit coup de pouce, aujourd’hui en pleine lumière.

Uber files : commission d’enquête, poursuites… que risque vraiment Emmanuel Macron ?

Une enquête reposant sur des documents internes du géant des VTC Uber révèle des échanges privilégiés entre la plateforme et Emmanuel Macron quand il était à Bercy. À l’heure où l’opposition hausse le ton et réclame des explications du président, que risque réellement Emmanuel Macron ?

C’est un scandale dont se serait bien passé Emmanuel Macron, déjà affaibli par la déroute de sa majorité aux élections législatives et qui plus est, alors que sa Première ministre Elisabeth Borne se voit confrontée à une motion de censure de la gauche ce lundi 11 juillet.
Une enquête reposant sur des milliers de documents internes à Uber, géant américain des VTC, conclut à l’existence d’un « deal secret » entre la plateforme et Emmanuel Macron, alors ministre de l’Economie. Ainsi, le chef de l’Etat, qui aurait discrètement aidé le service quand il était à Bercy, peut-il être inquiété par des poursuites ? La Dépêche du Midi fait le point.

Des pratiques illégales ?

C’est la première question qui se pose : Emmanuel Macron a-t-il enfreint la loi en facilitant l’implantation d’Uber en France ? « Je ne dirais pas cela, parce qu’il peut dire qu’il défend des intérêts qui sont sous compétence de son ministère. En termes de moralité, il y a un souci de transparence », a estimé Édouard Perrin, journaliste d’investigation, au micro de franceinfo ce lundi 11 juillet.
Dans les rangs de la macronie, même son de cloche. Le ministre de l’Economie Bruno Le Maire a jugé qu’Emmanuel Macron « était totalement dans son rôle de ministre de l’Economie en ayant des contacts avec le président d’Uber et en cherchant à ouvrir le marché des plateformes en ligne », qui faisaient partie à l’époque des « nouveaux marchés porteurs », a-t-il affirmé en marge du sommet « Choose France » à Versailles.
Une des responsabilités d’un ministre de l’Economie, « c’est de faire en sorte qu’il y ait de la concurrence sur un certain nombre de marchés pour que nos compatriotes puissent payer moins cher un certain nombre de services », a-t-il insisté. « Il n’y a pas de deal, il n’y a pas de contrepartie, il y a un ministre qui a reçu de grands chefs d’entreprise et c’est normal », a ajouté de son côté Aurore Bergé, patronne des députés LREM à l’Assemblée.

Commission d’enquête et « droit de suite »

L’opposition, à gauche et au RN, mais aussi la CGT, ont haussé le ton ce lundi après les révélations des « Uber Files ». « C’est très grave, l’idée que Mr Macron a, dans ce pacte secret avec une entreprise, dérégulé la réglementation en matière de taxis », avait dans la matinée accusé le député LFI Alexis Corbière.
L’alliance de gauche Nupes souhaite une commission d’enquête parlementaire, tandis que le RN demande un « droit de suite » à une précédente commission sur l’affaire Alstom.

« Inviolabilité »

Si tant est qu’une procédure judiciaire aboutisse à l’encontre d’Emmanuel Macron, le président de la République ne peut pas être inquiété durant son mandat, bénéficiant d’une « inviolabilité temporaire ». Selon la juridiction française (articles 67 et 68 de la Constitution), le chef de l’Etat ne peut pas être visé par une procédure administrative, civile ou pénale pour des actes commis en dehors de ses fonctions présidentielles.
Néanmoins, cette inviolabilité ne dure qu’un temps : elle prend automatiquement fin un mois après la fin du mandat présidentiel. Dès lors, « toute action à son encontre pour des faits commis avant ou pendant son mandat peut être engagée », peut-on lire sur le site du gouvernement vie-publique.fr.
Plusieurs chefs de l’Etat ont déjà fait les frais de poursuites judiciaires à la suite de leur mandat. C’est d’abord le cas de Jacques Chirac, condamné par le tribunal correctionnel de Paris en  à deux ans d’emprisonnement avec sursis pour abus de confiance, détournement de fonds publics et prise illégale d’intérêts dans l’affaire des emplois fictifs de la mairie de Paris. Son successeur, Nicolas Sarkozy, a lui aussi été condamné dans deux affaires après son mandat présidentiel.

AFP – JForum

 

 

 

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