Il y a quarante ans, au cours de l’été 1976, avait lieu une prise d’otages qui allait tenir le monde en haleine pendant près d’une semaine : le détournement d’Entebbe. Quatre terroristes pro-palestiniens détournaient sur l’Ouganda un avion d’Air France reliant Tel-Aviv à Paris avec plus de 240 passagers à son bord. Leur revendication : la libération d’une cinquantaine de prisonniers. Après une semaine de négociations, où les yeux du monde étaient rivés sur l’Ouganda, l’armée israélienne effectuait contre toute attente un raid sur l’aéroport d’Entebbe, libérant la quasi-totalité des otages et tuant tous les terroristes. Le retentissement de l’affaire fut immense et la plupart des pays occidentaux saluèrent la prouesse militaire de l’Etat hébreu.

Aujourd’hui, grâce à l’ouverture des archives diplomatiques sur le détournement d’Entebbe, de nombreuses informations sont devenues accessibles. Certaines d’entre elles viennent donner une lecture différente de plusieurs aspects du récit de la prise d’otages, tel qu’il avait été établi il y a quarante ans.

La prise d’otages d’Entebbe est un drame en cinq actes. Le premier raconte l’enlèvement de 240 personnes au-dessus de la Méditerranée, le dernier voit la communauté internationale consacrer leurs libérateurs. Ce drame met en scène des personnages forts, tels qu’un libraire allemand reconverti en pirate de l’air, un dictateur ougandais qui a voulu tirer parti d’une situation qui lui a échappé, un commandant de bord prêt à mettre sa vie en danger pour ses passagers ou encore un soldat israélien mort pour rendre la liberté à ses compatriotes. Pour chacun de ces actes, Le Monde. fr propose une analyse sur un des aspects du récit qui pose question : le degré de connivence d’Amin Dada avec les terroristes, le sens du tri entre les passagers, les complicités dont a bénéficié Israël, les pertes ougandaises, le côté obscur du raid, vous saurez tout sur ces histoires dans l’histoire.

 

 

Acte I : Le détournement

L’histoire d’Entebbe commence à 10 000 pieds d’altitude, quelque part au-dessus du canal de Corinthe. Le vol Air France 139 reliant Tel-Aviv à Paris vient de décoller d’Athènes, où il faisait escale, le 27 juin 1976 en fin de matinée, avec à son bord 246 passagers et 12 membres d’équipage. L’avion continue de s’élever dans les cieux quand trois hommes et une femme quittent leur siège, se mettent à crier, dévoilent leurs armes à feu et déclenchent la panique à bord. Les passagers sont priés de se lever et de garder les mains derrière la tête. Le chef des pirates (…) pénètre dans le poste de pilotage, s’assoit à la place du copilote et s’empare du micro pour délivrer un message : « Ceci est un détournement. Nous venons de prendre le contrôle du vol. L’avion est rebaptisé Haïfa. » L’homme s’appelle Wilfried Böse. Fondateur de la librairie Etoile rouge de Francfort, il fait partie, avec son acolyte Brigitte Kuhlmann, de la Fraction armée rouge, également appelée la « Bande à Baader », organisation terroriste allemande d’extrême gauche. Les deux autres pirates de l’air sont de jeunes Palestiniens issus du FPLP (Front populaire de libération de la Palestine). Böse affirme avoir posé des charges sur les issues de secours et ordonne au commandant de bord, Michel Bacos, de se diriger vers la Libye. L’avion se pose donc une première fois à Benghazi, pour y faire le plein de kérosène. Là, une passagère anglo-israélienne laisse croire qu’elle est sur le point de faire une fausse couche et, sous prétexte de l’urgence de la soigner, parvient à être débarquée.

L’Airbus repart donc avec une otage en moins et trente-cinq tonnes de carburant en plus. Direction le sud de l’Afrique. Vers 4 heures du matin le 28 juin, alors qu’il tournait sur lui-même depuis plus d’une heure, l’appareil atteint enfin sa destination finale : l’aéroport d’Entebbe, en Ouganda, situé à une trentaine de kilomètres de la capitale Kampala. Longtemps sommés de rester à bord, les otages finissent par être évacués et transportés dans un terminal désaffecté, escortés par des soldats ougandais en armes. C’est Idi Amin Dada lui-même, le dictateur de l’Ouganda, qui leur fournit de l’eau, de la nourriture et de quoi vivre dans des conditions décentes.

Acte II : Le tri entre passagers

A Entebbe, les quatre auteurs du détournement sont rapidement rejoints par trois complices palestiniens. Les sept terroristes diffusent alors un communiqué dans lequel ils énoncent leurs exigences : la libération de 53 prisonniers pro-palestiniens détenus pour la plupart en Israël mais aussi en Allemagne de l’Ouest, au Kenya, en France et en Suisse. Parmi eux se trouvent Kozo Okamoto, responsable de la mort de 26 personnes dans le massacre de Lod en 1972, et l’archevêque Hilarion Capucci, arrêté pour avoir transporté des armes en Cisjordanie, mais aussi des membres de la RAF comme Fritz Teufel ou Inge Viett. Ces revendications faites, les ravisseurs libèrent, le 30 juin, 47 passagers, principalement les femmes, les enfants et les personnes âgées, et fixent un ultimatum : si leurs demandes ne sont pas satisfaites avant le 1er juillet à 15 heures, ils feront sauter l’avion et tous les otages restants. Mais face à l’impossibilité pour les pays concernés de respecter ce délai, ils se ravisent le lendemain : l’ultimatum est repoussé au 4 juillet à 11 heures et un second groupe de passagers est libéré : 100 autres personnes quittent Entebbe saines et sauves, en majorité celles qui ne possèdent pas de passeport israélien. L’équipage d’Air France est un cas particulier : aucun de ses membres ne possédait un passeport israélien. Mais quand le commandant de bord, Michel Bacos, a appris que des otages seraient libérés, il a rassemblé ses collègues et leur a dit : « il est hors de question que nous quittions nos passagers, nous avons le devoir de rester avec eux jusqu’à la fin quoi qu’il arrive », avant d’informer Wilfried Böse de sa décision. Il reste alors 106 otages dans le vieux terminal de l’aéroport. Jusqu’alors, le gouvernement israélien, fidèle à sa politique, s’était montré inflexible, refusant de discuter avec les ravisseurs. Mais ces deux vagues de libération, ajoutées à la forte mobilisation des familles des otages israéliens, allaient changer la donne. Pour la première fois de son histoire, Israël semble prêt à négocier avec des terroristes.

Acte III : Des négociations au raid

A la table des négociations pour la libération des otages d’un côté, et des prisonniers de l’autre, il y a trois catégories distinctes de protagonistes. Les terroristes du FPLP et de la RAF nomment comme porte-parole l’ambassadeur de Somalie, M. Hasni Abdullah Farah, parce qu’il est « le doyen des ambassadeurs arabes » du pays. Les gouvernements concernés, dont la France et Israël, sont représentés par l’ambassadeur de France en Ouganda, M. Pierre-Henri Renard. Quant à Idi Amin Dada, présent lui aussi, il joue le rôle de « médiateur » et prétend œuvrer pour l’intérêt des otages. Les négociations progressent péniblement : le 1er juillet, M. Renard transmet à M. Farah un message du gouvernement israélien destiné aux terroristes : celui-ci est prêt à libérer « un certain nombre de prisonniers » et propose que les négociations s’établissent sous l’égide des Nations unies. Deux suggestions refusées le lendemain par les terroristes, qui affirment avoir fait suffisamment de concessions avec la libération de 147 otages et la prolongation de l’ultimatum. Le 3 juillet, Israël dit avoir commencé le processus de libération des prisonniers et demande que l’aéroport d’échange se trouve en territoire français. Une proposition une fois encore rejetée par le FPLP. Ce nouveau refus pourrait bien avoir décidé le gouvernement israélien à opter pour l’alternative qu’il envisageait. Car, en réalité, depuis le début de la prise d’otages, ce dernier ne préparait pas seulement la libération des prisonniers : il préparait également, dans le plus grand secret, un raid militaire visant à libérer les otages retenus à Entebbe. Une opération rendue envisageable par deux éléments : la description des lieux et des forces en présence faite par les otages libérés, dont plusieurs avaient été interrogés par le Mossad après leur libération, et un fait pour le moins insolite : l’ancien terminal où se trouvaient les otages avait été construit par une compagnie israélienne, qui en avait fourni les plans détaillés à l’armée. Forte de ces informations capitales, l’armée israélienne était en mesure de tenter, à 4 000 kilomètres de ses bases, une mission de sauvetage.

Vers 23 heures, après près de huit heures de vol, le premier C – 130 atterrit à Entebbe, sans rencontrer de difficulté particulière. Immédiatement, trois véhicules en sortent, remplis de soldats israéliens : deux Land Rover et une Mercedes noire. L’usage de la Mercedes était une ruse : l’armée israélienne savait qu’Idi Amin Dada utilisait ce type de véhicule lorsqu’il rendait visite aux otages et espérait ainsi se faire passer pour lui auprès des soldats ougandais qui surveillaient l’aéroport. La tactique s’avère payante : le convoi n’est pas inquiété avant d’atteindre l’ancien terminal. Dans la salle où sont retenus les otages, c’est encore le calme plat. Les passagers sont couchés sur des matelas, certains dorment, d’autres sont trop inquiets de l’approche de l’ultimatum et de l’attitude irritée des terroristes pour trouver le sommeil. Soudain, des coups de feu retentissent : le commando israélien fait irruption dans la pièce.

L’effet de surprise est total et le raid foudroyant : en à peine vingt minutes, les 7 terroristes sont tués et 102 des 105 otages restants mis en sécurité. Un seul soldat israélien est tué dans l’opération : le chef du commando, Jonathan Nétanyahou, vraisemblablement atteint par des balles ougandaises. Un autre est grièvement blessé et restera paralysé à vie. Trois otages perdent également la vie : Jean-Jacques Mimouni, Pasco Cohen et Ida Borochovitch. Quant à l’armée ougandaise, elle subit de graves pertes humaines et des dégâts matériels importants. Le commando s’était en effet assuré d’endommager suffisamment les avions de ligne ougandais pour ne pas risquer d’être suivi.

Acte V : Les suites

La retentissante affaire de la prise d’otages d’Entebbe ne se termine pas avec la libération des otages. Derrière lui, le commando israélien laisse de nombreux morts parmi les soldats ougandais, une force aérienne abîmée, un maréchal-président courroucé. Il a également laissé derrière lui une otage : Dora Bloch, une Anglo-Israélienne de 73 ans, transportée à l’hôpital de Kampala à la suite d’un étouffement. Enfin, l’Airbus d’Air France se trouve toujours à l’aéroport d’Entebbe et Amin Dada réclame une compensation au gouvernement français. Dans les jours qui suivent le raid, l’Ouganda, soutenu par l’Organisation de l’unité africaine, convoque une session du Conseil de sécurité des Nations unies, afin d’obtenir une condamnation de l’intervention israélienne pour violation de sa souveraineté nationale. Les débats font rage pendant plusieurs jours à New York, Idi Amin se posant notamment comme une victime dans cette affaire, lui qui avait accueilli l’Airbus « pour des raisons humanitaires » et avait œuvré pour la libération des otages. Mais l’initiative ougandaise est finalement rejetée par le Conseil, qui estime que l’action israélienne n’avait « pas pour but de nuire à l’Ouganda, mais de libérer leurs ressortissants, menacés de mort par des terroristes ». Ce n’est qu’à l’issue des discussions qu’Idi Amin, face à l’insistance de la diplomatie française, se décide enfin à restituer l’Airbus à la France, apparemment sans concession. Quant à Dora Bloch, le silence de l’Ouganda face aux multiples sollicitations des Britanniques, inquiets pour leur citoyenne, fait craindre le pire. Pierre-Henri Renard soupçonne qu’elle a été tuée par des soldats ougandais au lendemain du raid. Une version qui sera confirmée près d’un an plus tard par le ministre de la santé, Henry Kyemba, lors d’un entretien au journal anglais London Sunday Times. L’affaire Dora Bloch aura eu pour conséquences la rupture des relations diplomatiques entre la Grande-Bretagne et l’Ouganda.

Marc Ouahnon

Source : lemonde.fr

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4 Commentaires
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ted

IMPOSIBLE DE LIRE L’ARTICLEEEEEEEE… IL RESTE COUVERT à DROITE!!!

Krausz Tibor

lors du retour en France du commandant de bord, un journaliste lui demande à sa descente
d’avion: saviez vous que s’étaient des israéliens qui sont venus à votre secours?
réponse du commandant, mais qui d’autre…..bravo la France

Jcg

La meme operation , aujourd hui sera condamnee par l onu , l equipage d air france ne serait pas restee , et surtout , tous les Israeliens ou Juifs seront massacres !