RENSEIGNEMENT : LA CONNEXION ISRAËL-ABOU DHABI

Pourquoi MBZ est devenu un allié proche de l’Etat juif.

Rapport de renseignement: La connexion Israël-Abou Dhabi

Le prince héritier d’Abou Dhabi, Cheikh Mohammed Bin Zayed, lors du Conseil de coopération du Golfe à La Mecque, le 30 mai 2019. (crédit photo: BANDAR ALGALOUD / COUR ROYALE SAOUDITE / REUTERS)

Le New York Times a récemment publié un profil élaboré de Mohammed Bin Zayed, prince héritier connu sous le nom de MBZ et souverain de facto d’Abou Dhabi. MBZ contraste avec le célèbre et controversé MBS – Mohammed Bin Salman – le prince héritier d’Arabie saoudite.

Dans cet article, Israël n’est mentionné que brièvement, notamment en disant qu’Israël avait vendu du matériel de renseignement et modernisé des avions de combat F-16 fabriqués aux États-Unis à la principauté, qui est une partie dominante de l’entité fédérée connue sous le nom d’Émirats arabes unis (EAU).

Néanmoins, dans l’article du Times, toute une partie du monde clandestin des relations israélo-arabes est dévoilée. Avec les articles précédents, le rapport met en lumière l’étendue, la profondeur et la nature des relations secrètes entre Israël et Abou Dhabi. Mais il offre également une perspective plus large sur les relations particulières en développement entre Israël et les autres États sunnites.

L’article affirme qu’au cours du dernier quart de siècle, le prince, âgé de 58 ans, a transformé son minuscule fief en une force dominante au Moyen-Orient, mais également en ce que le Times prétend être une « source d’instabilité extrême dans la région », sans tenir compte du fait qu’elle n’est jamais qu’en miroir de la véritable menace pour la région : l’Iran.

La coopération entre Israël et Abou Dhabi repose sur deux groupes d’intérêts communs : le premier est la réplique à l’animosité de l’Iran et le second est la volonté de contenir les risques locaux, régionaux et mondiaux inhérents à l’avènement du mouvement des Frères Musulmans.

Pour atteindre ses objectifs, MBZ a acheté, au fil des ans, des armes et d’autres équipements militaires d’une valeur de plusieurs centaines de milliards de dollars, principalement aux États-Unis, mais également à Israël.

Son père, le cheikh Khalifa, analphabète, est en mauvaise santé, mais est toujours officiellement le souverain du pays, et porte le titre de président des Émirats arabes unis. Il avait nommé comme tuteur pour son fils un prédicateur islamiste radical qui a essayé de lui laver le cerveau avec des idées djihadistes.

Le jeune MBZ a rejeté les sermons du tuteur, qui l’ont traumatisé. Au lieu de cela, il a acquis une éducation occidentale et a développé une défiance sans fin à l’encontre des Frères musulmans. Ces sentiments informent sa politique diplomatique et militaire et son implication dans la création d’alliances régionales.

Il est un rival acharné du Qatar et de la Turquie, dont les dirigeants soutiennent les branches des Frères musulmans dans le monde arabe. Mais c’est un ami du Bahreïn, de l’Égypte, de la Jordanie et, dans une moindre mesure, de l’Arabie saoudite, qui s’opposent tous aux Frères musulmans.

Le président égyptien Abdel Fatah al-Sisi, puissant opposant au Hamas, qui est l’extension palestinienne de la branche égyptienne de la fraternité musulmane, considère MBZ comme un puissant allié. En ce sens, il en va de même pour Israël, bien que la politique israélienne, telle que conçue par le Premier ministre Benjamin Netanyahu à l’égard du Hamas, ne soit pas une simple rivalité, mais plutôt plus compliquée.

Pour Netanyahu, une des principales raisons pour laquelle le Hamas n’est pas écrasé, est qu’il représente une sorte de « frenemy » – une combinaison d’ennemi mais également d’allié objectif : Certes, le Hamas, qui contrôle Gaza et défie l’Autorité palestinienne et l’Organisation de libération de la Palestine (OLP), fait la démonstration quasi-quotidienne d’un des principaux objectifs de la cause palestinienne dans son ensemble : éradiquer l’Etat Juif / se substituer à Israël.

Mais, de fait, sa gouvernance à Gaza accentue la scission idéologique entre les deux frères ennemis palestiniens, ce qui met à mal les aspirations d’unité « nationale » palestiniennes et, en cours de route, réduit la notion de deux États au stade purement fictionnel : il semble impossible, après de nombreuses tentatives y compris égyptiennes, de renouer le fil du dialogue entre Gaza et Cisjordanie, Hamas et Fatah.

L’article du Times ne dit pas quelle compagnie israélienne a mis à niveau les avions de combat F-16 d’Abou Dhabi – Israel Aerospace Industries (IAI) et Elbit Systems participent activement à la modernisation des avions de combat russes et américains, entre les mains de l’armée du Prince.

Dans le passé, les deux sociétés se faisaient concurrence, utilisant même des campagnes de discrédit de l’une par l’autre, dans leurs efforts pour obtenir des appels d’offres internationaux. Ce faisant, ils ont réduit leurs propres chances de gagner des contrats.

Après un incident, dans le cadre d’un objectif visant à améliorer les armes des combattants colombiens, le ministère de la Défense est intervenu et les a forcés à travailler ensemble. Il fallait, notamment qu’ils coopèrent dans certaines affaires délicates, telles que la vente d’armes à des pays arabes et musulmans – rendant ainsi ce type de transaction de sécurité et d’armement, moins privé et plus de type gouvernement à gouvernement (G2G).

On peut supposer que la modernisation du F-16 d’Abou Dhabi est un cas similaire dans lequel le ministère de la Défense l’a non seulement approuvé, mais a également imposé une aventure entrepreneuriale commune à IAI et à Elbit. Il ne fait aucun doute que l’accord devait également être approuvé par le gouvernement américain. Dans chaque accord impliquant des systèmes militaires américains, Israël doit recevoir une licence du Pentagone et de la Maison Blanche. Dans le cas d’Abou Dhabi, il était facile d’obtenir l’approbation, puisque les administrations américaines successives, et en particulier la présidence de Donald Trump, considèrent les Émirats arabes unis, Abou Dhabi et MBZ, en particulier, comme leurs amis et alliés.

En ce qui concerne les relations de renseignement, on a rapporté dans le passé que NSO et Verint – deux sociétés basées à Herzliya, avec des filiales internationales – avaient vendu leurs systèmes à Abu Dhabi. Verint, qui se définit comme «un chef de file en matière de renseignement décisionnel», fabrique et vend des logiciels de bogue des équipements pour intercepter les téléphones, les fax, les communications radio et les ordinateurs, ainsi que pour analyser les données obtenues.

NSO a vendu à MBZ – qui est également commandant adjoint des forces armées des EAU – son logiciel réputé Pegasus. Le logiciel permet à ses opérateurs d’infiltrer furtivement toutes sortes de smartphones, de voler des données et de placer l’utilisateur sous une surveillance constante (dont le Baron de la drogue El Chapo, dans le registre de la traquez criminelle), sans que personne ne le remarque. Des groupes de défense des droits de l’homme du monde entier ont reproché à MBZ, à son gouvernement, à la police et aux services de sécurité d’utiliser du matériel fabriqué par Israël pour espionner les opposants politiques (dont des courants affiliés aux Frères Musulmans -mais tous les moyens sont-ils toujours bons?), harceler les défenseurs des droits de l’homme et maltraiter les dissidents.

NSO a souvent été associé à une cyber-guerre agressive en vendant Pegasus à de nombreux services de sécurité, notamment à des régimes tyranniques tels que le Myanmar, leur permettant de persécuter des défenseurs des droits de l’homme et des dissidents politiques.

Au Mexique, le nom de l’entreprise était même lié à la mort d’un journaliste d’investigation local. L’un des fondateurs et propriétaire actuel de NSO, Julio Shiloh, tente de réparer certains dégâts occasionnés et laver son nom de tout soupçon, en accordant des interviews à des intervieweurs sympathiques. Malgré le fait que la NSO ait porté atteinte à l’image d’Israël, accusé d’être un fournisseur peu scrupuleux d’armes meurtrières, le ministère de la Défense continue de le soutenir en approuvant sa demande de licences d’exportation.

Les liens avec Abou Dhabi ont commencé sous le radar, bénéficiant des efforts résolus de la part de la sécurité israélienne pour les dissimuler et empêcher leur publication dans les médias. C’est un homme d’affaires israélien, Mati Kochavi, qui a ouvert les portes de la technologie et des produits militaires israéliens aux petits émirats. Alors qu’il s’est laissé aller à des poussées d’ego pour se glorifier, Kochavi a révélé dans un discours prononcé à Singapour, il y a plus de dix ans qu’il vendait du matériel et des logiciels israéliens à Abu Dhabi.

Par l’intermédiaire de ses sociétés basées en Suisse et de sa société israélienne locale, Logic, il a vendu du matériel de sécurité intérieure pour protéger les installations pétrolières et gazières de la principauté, en leur fournissant, à la fois, un bouclier de cyberdéfense et une sécurité physique pour les drones.

Kochavi a employé de hauts experts militaires israéliens et d’anciens chefs des services de renseignement et de l’armée, tels que le général Amos Malka, ancien chef du renseignement militaire, et le général Eitan Ben-Eliyahu, ancien commandant de l’armée de l’air israélienne.

Pour cette entreprise enivrante, Kochavi a affrété un avion de transport de passagers privé et a transporté des dizaines d’experts israéliens de Tel-Aviv via Chypre pour dissimuler ses relations avec Abou Dhabi. Ses employés sont restés dans un quartier chic isolé et ont travaillé par quarts de travail alternés d’une semaine à deux semaines.

Vers 2012, le charme et la chance de Kochavi ont commencé à faire défaut. Lentement mais sûrement, ses affaires et son influence ont diminué. Avi Leumi, le fondateur controversé et PDG de Aeronautics Defence System (ADS), un fabricant israélien de drones, s’est engouffré dans le vide qu’il avait créé.

Leumi travaillait avec Kochavi, mais si le service de sécurité d’Abou Dhabi n’était pas satisfait des performances de ses drones, il a, malgré tout, réussi à rester dans la course. Cette crise professionnelle et financière entre les deux États a menacé de nuire à leur coopération stratégique en ce qui concerne l’Iran et les Frères Musulmans. Le Mossad, l’agence extérieure d’espionnage d’Israël, est intervenue pour sauver les relations, un temps compromise par des spéculations commerciales.

L’une des tâches traditionnelles du Mossad est de fonctionner comme un ministère des Affaires étrangères alternatif et de gérer les liens secrets entre l’État juif et le monde arabe et musulman.

Tevel est le département spécial du Mossad chargé de cette mission. À l’époque, David Meidan était à la tête de Tevel. Aujourd’hui, lui et Leumi, qui a transféré son entreprise à Chypre, sont des partenaires représentant l’IAI et d’autres producteurs de sécurité israéliens dans les émirats.

L’argent considérable, étalé par les Emirats, a ébloui certains Israéliens impliqués dans les accords, et ils se sont retrouvés en train de se battre dans des batailles juridiques devant des tribunaux et des arbitrages, dont certains sont toujours en cours.

Un autre sous-produit des liens privilégiés Israël-Abou Dhabi, ce qui n’est pas une coïncidence, est que les F-16 de l’Émirat, aux côtés de leurs homologues égyptiens, ont bombardé des positions de l’Etat islamique dans la péninsule du Sinaï.

Selon de nombreuses informations, Tsahal a, également, participé à cette guerre contre le terrorisme, en fournissant à l’armée égyptienne et à ses alliés des données de renseignement et en envoyant ses forces aériennes pour des opérations ponctuelles.

Plus à l’est, les forces aériennes des Émirats arabes unis collaborent également avec l’Égypte dans la guerre civile en Libye, aidant les forces du général Khalifa Haftar, qui tente de conquérir le pays tout entier et qui est soutenu par les États-Unis, la France et la Russie.

Est-ce une autre coïncidence que le bulletin d’information français Intelligence on Line ait annoncé il y a quelques mois que des représentants des services de renseignements israéliens avaient rencontré le général Haftar?

Netanyahu s’est exprimé à maintes reprises, pour dire qu’Israël avait réussi à former une coalition anti-iranienne avec certains États arabes connus sous le nom d ‘«Alliance sunnite», tels que l’Arabie saoudite, les Émirats arabes unis, Bahreïn, l’Égypte, le Maroc et la Jordanie.

Bien que cela soit vrai, il est également vrai que la contribution israélienne à l’alliance, qui passe sous le radar, consiste principalement à vendre du renseignement et d’autres équipements militaires. Mais les chances que les relations se dévoilent un jour au grand jour sont très minces, tant qu’on ne voit pas poindre de « solution » sur le front israélo-palestinien. Et cette probabilité est très faible tant que le Hamas et le Fatah se livreront une guerre interne sans merci et sans issue.

Pourtant, force est de constater que les liens secrets avec Abou Dhabi et les autres pays sunnites ont fourni à Netanyahu au moins un dividende important, pour lui-même et pour sa vision régionale. En quête de la technologie et de l’équipement militaires israéliens, les États sunnites ont fini par admettre qu’il fallait passer outre le front du refus autour de la question palestinienne et tracer de nouvelles perspectives, notamment économiques (sommet de Bahrein fin juin 2019), pour le mieux être global des peuples du Moyen-Orient.

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Soliloque

Très bon article synthétique!
Kol hakavod MBZ!

LACHKAR Norbert

LET’S GO MY BROTHERS !!!!!!!!