Réforme des retraites : après le 49.3, le 47.1 ?

Pour faire passer sa très contestée réforme des retraites, présentée ce lundi en Conseil des ministres, le gouvernement pourrait s’appuyer sur un article méconnu de la Constitution : le 47.1. Il permet notamment de couper court aux débats à l’Assemblée. Explications.

Le gouvernement d'Elisabeth Borne a fait le choix d'intégrer la réforme dans un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative (PLFSSR).Le gouvernement d’Elisabeth Borne a fait le choix d’intégrer la réforme dans un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative (PLFSSR). (Thomas SAMSON/AFP)

Et si un nouvel article méconnu de la Constitution volait au secours du gouvernement ? Depuis juin 2022, la Première ministre Elisabeth Borne a déclenché pas moins de dix fois le désormais célèbre 49.3. Véritable arme constitutionnelle, cet article de la Constitution a permis de faire adopter, sans vote des députés de l’Assemblée, le projet de loi de finances 2023.

Mais pour faire passer sa très contestée réforme des retraites , présentée ce lundi en Conseil des ministres, le gouvernement pourrait s’appuyer sur un autre article beaucoup moins connu. Le 47.1 permet notamment de couper court aux débats à l’Assemblée. Explications.

Vingt jours pour se prononcer

Jamais utilisé depuis 1958, l’article 47.1 ne peut être utilisé que dans le cadre des « projets de loi de financement de la Sécurité sociale ». C’est le cas de la réforme des retraites que le gouvernement a fait le choix d’intégrer dans un projet de loi de financement de la Sécurité sociale rectificative (PLFSSR).

Concrètement, le 47.1 permettrait de faire en sorte que l’examen du PLFSSR au Parlement n’excède pas 50 jours. Le 47.1 permet de limiter dans le temps l’examen du projet de loi, à l’Assemblée notamment, où les discussions devraient être agitées. Dans le détail, « si l’Assemblée nationale ne s’est pas prononcée en première lecture dans le délai de vingt jours après le dépôt d’un projet, le Gouvernement saisit le Sénat », explique la Constitution.

Le texte serait alors transmis au Sénat dans sa version initiale et avec des amendements. Deux conditions s’imposent toutefois : les amendements doivent avoir été votés et reçus un avis favorable du gouvernement. La chambre haute du Parlement disposerait, elle, d’un délai de quinze jours pour statuer.

Les sénateurs à la manœuvre

Cette manière de procéder pourrait être avantageuse pour le gouvernement : le Palais du Luxembourg, majoritairement à droite, tente de repousser l’âge légal de départ à la retraite depuis plusieurs années. L’exécutif a d’ailleurs déjà intégré dans son texte trois demandes des Républicains : le report de l’âge à 64 ans, voté chaque année par le Sénat, l’abandon du transfert du recouvrement des cotisations du régime de retraite complémentaire Agirc-Arrco vers la Sécurité sociale, et surtout la revalorisation des petites pensions à 85 % du SMIC pour l’ensemble des retraités.

La partie n’est cependant pas gagnée. LR doute encore. « Aujourd’hui, il y a moins de la moitié des députés LR qui sont d’accord pour voter la réforme », assure à l’AFP un député de droite réfractaire au projet gouvernemental. La majorité est elle aussi traversée par des tensions, alliés d’Horizons et du MoDem compris. Les députés dans leurs circonscriptions sont « inquiets au vu de la mobilisation » de jeudi, souligne une source parlementaire Renaissance.

Aucun amendement recevable

Une fois ces deux étapes passées, et en cas de désaccord entre les deux chambres du Parlement, une commission mixte paritaire – qui réunit sénateurs et députés – peut être mise en place. Elle est chargée de proposer un texte sur les discussions encore en cours. Ce dernier, s’il est adopté, est soumis par le Gouvernement pour approbation aux deux Assemblées. Mais alors, « aucun amendement n’est recevable sauf accord du Gouvernement », précise la Constitution.

Par la suite, « si le Parlement ne s’est pas prononcé dans un délai de cinquante jours, les dispositions du projet peuvent être mises en oeuvre par ordonnance », stipule l’article 47.1. A gauche, les oppositions dénoncent un « 49.3 déguisé » et un délai trop rapide, voire brutal. « Un grand pays ne se dirige pas brutalement », avance le député LFI Alexis Corbière.

Si l’exécutif décide tout de même d’avoir recours à cet article jamais utilisé dans l’histoire de la Ve République, le compte à rebours pourrait être lancé dès le 30 janvier, jour où les députés commenceront à examiner le texte sur la réforme des retraites en commission. Quant aux débats à l’Assemblée nationale ils débuteront le 6 février.

Tifenn Clinkemaillie www.lesechos.fr

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