French President Emmanuel Macron delivers a speech during a meeting of the Bishops' Conference of France (CEF) at College des Bernardins in Paris, France, April 9, 2018. Picture taken April 9, 2018. Ludovic Marin/Pool via Reuters

POLITIQUE – Ils ont échangé une fois au téléphone. C’était en juin 2017, juste après que Donald Trump a décidé de quitter l’accord de Paris sur le climat.

Un an plus tard, Emmanuel Macron et le pape François vont enfin se rencontrer. Le chef de l’État est invité au Vatican pour une audience qui devrait durer une trentaine de minutes.

L’occasion de voir, selon l’Élysée, « comment accorder deux voix complémentaires et convergentes » sur de nombreux sujets internationaux. Il sera question des migrants, des Chrétiens d’Orient, de la lutte contre le changement climatique et peut-être des sujets sociétaux à l’agenda en France comme la PMA.

Mais l’entourage du chef de l’État met surtout en avant « une rencontre entre deux hommes qui ne se sont jamais rencontrés », et entre qui la relation n’avait pas très bien commencé.

Au palais présidentiel, on n’oublie pas que dans l’entre-deux tours de la présidentielle, le pape François avait refusé de choisir entre les deux candidats, précisant « ne pas savoir d’où vient » Emmanuel Macron.

Depuis, l’atmosphère s’est réchauffée, particulièrement depuis le discours prononcé il y a deux mois devant la Conférence des évêques de France par le président de la République.

Une allocution lue attentivement et bien reçue par le Pape, sans doute séduit par l’appel de son visiteur du jour à « réparer » le lien « abîmé » entre l’Église et l’État.

Un discours qui lui a valu dans la foulée un procès en « atteinte grave à la laïcité » (par les mêmes qui lui reprochent de recevoir le titre de chanoine de Latran), mais qui « fera date dans l’histoire des relations entre l’Église catholique et l’État », comme l’estimait juste après le porte-parole de la Conférence des évêques de France, Monseigneur Olivier Ribadeau Dumas.

 

« Ce n’était pas un éloge de la foi, comme Nicolas Sarkozy avait pu le faire dans son discours de Latran, mais une analyse de ce que la foi apporte à ceux qui l’ont. Dans l’esprit du président, Il n’y aura jamais d’éloge de la foi comme la clé du dépassement de soi », analyse l’Élysée deux mois plus tard.

Baptisé à 12 ans, aujourd’hui « en marge »

Partisan d’une laïcité libérale « apaisée », hostile à ce qui s’apparenterait à une radicalité laïcarde, Emmanuel Macron se démarque de ses prédécesseurs à l’Élysée, qu’ils aient été croyants ou pas, par un itinéraire fluctuant au sein de la communauté des croyants.

Ni athée ni pratiquant, le président de la République a raconté comment, à l’âge de 12 ans, il a demandé le baptême contre l’avis de sa famille « de tradition plutôt laïque ». Un acte de rébellion qui le pousse dans une démarche spirituelle.

Le Monde a narré dans une enquête consacrée au lycée jésuite La Providence, son passage dans cet établissement d’Amiens où Emmanuel Macron a ébloui par son talent et où il a rencontré sa future femme Brigitte, qui y enseignait le français.

Issue d’un milieu plus conservateur, Brigitte Macron est présentée par l’entourage du jeune président comme croyante sans que la première dame n’ait jamais fait l’étalage de sa foi.

« Quand on sort de chez les jésuites, on en sort soit révolté, soit catho », témoigne Jean-Paul Delevoye, une des têtes pensantes d’En Marche! qui a fréquenté les mêmes bancs. S’agissant du futur président, c’est un peu plus compliqué que cela.

De son baptême où il affirme être « allé tout seul à l’Église », Emmanuel Macron a raconté que « ce fut le début d’une période mystique qui a duré plusieurs années.

Après quoi, je me suis éloigné de la religion. » « Aujourd’hui, il revendique d’être en marge de l’Église, indique un conseiller. Il n’est pas croyant, il est agnostique mais revendique sa formation jésuite ». Peut-être un sujet de conversation avec François, premier pape jésuite de l’Histoire.

S’il a pris de la distance avec la religion, le chef de l’État est souvent accompagné par le questionnement spirituel.

« J’ai une réflexion permanente sur la nature de ma propre foi, mais j’ai suffisamment d’humilité pour ne pas prétendre parler à Dieu », confiait-il pendant sa campagne présidentielle à La Vie.

Une équation intime qui a frappé Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction de l’hebdomadaire chrétien. « Macron est un homme qui a une vraie quête intérieure, mais qui ne veut pas se laisser enfermer dans des étiquettes religieuses », raconte-t-il au HuffPost.

« Alors que François Hollande était fermé à la spiritualité et n’envisageait les cultes que dans le cadre d’un rapport de force politique, Emmanuel Macron est un président métaphysique », assure-t-il.

Un goût pour l’imaginaire historique religieux

Si Emmanuel Macron n’est pas une grenouille de bénitier, cela ne l’empêche pas de se plonger avec délice dans des transports sacrés.

Aux Bernardins, « il est allé très loin dans la reconnaissance de la spiritualité, de l’héritage cultuel de l’Église catholique. Il n’hésite pas à rentrer dans l’imaginaire historique du religieux », note encore Jean-Pierre Denis.

De son passage à la basilique de Saint-Denis, nécropole des rois de France, au lendemain de sa déclaration de candidature, jusqu’à son hommage à Jeanne d’Arc à Orléans, le futur président s’est sans cesse inscrit dans la continuité des racines chrétiennes de la France sans pour autant les essentialiser: « Notre République (…) s’ancre dans cette histoire millénaire avec laquelle nous devons savoir renouer, du sacre de Reims à la fête de la Fédération, comme le disait Marc Bloch ».

De cet imaginaire national teinté de religiosité, Emmanuel Macron parsème ses discours, en bon prédicateur d’une transcendance -la présidence préfère le terme « humanisme », moins connoté- qui réconcilie autant qu’elle transporte.

« Je ne sais pas si Emmanuel Macron est catholique. En tout cas, il a ce sens de l’absolu, de la beauté que d’autres peut-être ont moins. C’est un littéraire. C’est un intellectuel. Il y a du poète chez Emmanuel Macron », confiait récemment le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb.

Nourri de cette spiritualité qui imbibe son engagement politique, Emmanuel Macron n’en oublie pas pour autant son rôle de président de la République. De l’avis des observateurs du monde de la foi, le chef de l’État n’a jamais marqué de préférence pour l’Église catholique par rapport à un autre culte, honorant le rendez-vous annuel au dîner du Conseil représentatif des institutions juives (Crif) avec la même ponctualité que devant la Fédération protestante de France à l’occasion des 500 ans de la Réforme.

« Il n’est pas dans un tête-à-tête avec les catholiques », assure un proche. Le gage d’une laïcité d’État capable d’inclure toutes les croyances et non-croyances dans un même cadre.

L’Église catholique, un lobby comme un autre?

« La laïcité ça n’est pas la négation des religions; c’est la capacité à les faire coexister dans un dialogue permanent », a-t-il prévenu devant les Protestants. Le patron de La Vie, Jean-Pierre Denis, se souvient d’un dîner réuni autour des questions bioéthiques.

« L’Église a été reçue au même rang que les autres religions et les associations dont celle de Jean-Luc Roméro [qui défend le droit à mourir dans la dignité, NDLR]. Aux yeux du président, les religions sont ramenées au rang de lobbies comme les autres ».

Sur la PMA, par exemple, l’Élysée indique que « l’Église peut avoir une position mais que celle-ci ne saurait s’imposer à l’État ».

Quoi qu’en pensent ses détracteurs qui lui reprochent d’avoir « abîmé » la laïcité pour courtiser l’électorat catholique, le chef de l’État n’a eu de cesse d’affirmer qu’il savait faire la part des choses entre le domaine de la foi et celui de la loi.

« Chaque individu est libre de croire de manière très intense. Je ne demande à personne d’être discret dans sa pratique religieuse, ou modéré dans ses convictions intimes. Mais en tant que citoyen, l’attachement aux règles républicaines est un préalable. C’est notre socle commun », prévenait-il avant son élection dans La Vie.

De cette vision de la laïcité souvent mal comprise à Rome, Emmanuel Macron et François devraient aussi avoir l’occasion de parler. L’Élysée s’attend en tout cas à ce que le pape demande des précisions.

Par Alexandre Boudet

et Geoffroy Clavel

 

 

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