« Le licite et l’illicite en Islam » : un livre antisémite, homophobe, misogyne… en vente libre en France

Le livre « Le licite et l’illicite en Islam » du « grand penseur » des frères musulmans Youssef Al-Qaradhâwî[1] est en vente libre dans des chaînes de librairies de référence en France, à l’image notamment de Gibert Joseph*. Ces entreprises doivent prendre conscience de l’irresponsabilité qui consiste dans la vente de tels ouvrages haineux, sans appareils critiques et/ou sans avertissements.

Un ouvrage interdit à la circulation, à la distribution et à la mise en vente en France en 1995 et finalement ré-autorisé en pleine campagne électorale…

Précisons que l’ouvrage de ce gourou religieux intégriste fut interdit à la circulation, à la distribution et à la mise en vente par un arrêté en date du 24 avril 1995 puis retiré de la liste des interdictions par un arrêté du 16 mai 1995[2]. Comme l’écrivaient deux journalistes de Libération de cette époque, le ministère de l’Intérieur virait finalement de bord. Un des proches de Charles Pasqua assurait alors : « C’est un couac des services juridiques. Un malheureux dysfonctionnement. Le livre de Qaradhawi n’a rien de spécialement attentatoire à la République et à l’ordre public. Il est sévère sur certaines choses, mais autant interdire la Bagavadgîta où l’on dit qu’il faut brûler les veuves, les publications des juifs orthodoxes ou la dernière encyclique du pape Evangelium vitae…»La question électoraliste de ce revirement dans le contexte de 1995 fut évidemment posée par ces journalistes[3].

« Est-ce que l’on tue l’actif et le passif ? Par quel moyen les tuer ? Est-ce avec un sabre ou le feu, ou en les jetant du haut d’un mur ? »

Pour ce monsieur l’homosexualité est « acte vicieux, (…) une perversion de la nature, une plongée dans le cloaque de la saleté, une dépravation de la virilité et un crime contre les droits de la féminité ». Il poursuit ses réflexions : « Quand ce péché répugnant se propage dans une société, la vie de ses membres devient mauvaise et il fait d’eux des esclaves. Il leur fait oublier toute morale, toutes bonnes mœurs et toute bonne manière ». […]« Quand l’homme se féminise et que la femme se virilise, c’est le signe du chaos et de la dégradation des mœurs ». Il précise enfin que « les savants en jurisprudence ne furent pas d’accord sur le châtiment que l’on doit infliger à l’auteur de cette immoralité. Est-ce que les deux partenaires reçoivent le châtiment du fornicateur ? Est-ce que l’on tue l’actif et le passif ? Par quel moyen les tuer ? Est-ce avec un sabre ou le feu, ou en les jetant du haut d’un mur ? Cette sévérité qui semblerait inhumaine n’est qu’un moyen pour épurer la société islamique de ces êtres nocifs qui ne conduisent qu’à la perte de l’humanité »[4].

Quant aux femmes et aux juifs …

Monsieur Al-Qaradâwî n’est pas plus tendre à l’égard des juifs en raison de leur seule appartenance à cette communauté. Cet homme reste assez péremptoire quant à la relation que les musulmans devraient avoir avec les personnes juives : « Il n’y a pas de dialogue entre nous et les Juifs, hormis par le sabre et le fusil »[5].

Sa conception des relations entre les hommes et les femmes est également assez singulière dans cet ouvrage, rassurez-vous, si l’homme peut battre sa femme, ce n’est seulement que lorsqu’il a déjà tenté d’autres méthodes : « Quand le mari voit chez sa femme des signes de fierté ou d’insubordination, il lui appartient d’essayer d’arranger la situation avec tous les moyens possibles en commençant par la bonne parole, le discours convaincant et les sages conseils. Si cette méthode ne donne aucun résultat, il doit la bouder au lit, dans le but de réveiller en elle l’instinct féminin et l’amener ainsi à lui obéir pour que leurs relations redeviennent sereines. Si cela s’avère inutile, il essaie de la corriger avec la main tout en évitant de la frapper durement et en épargnant son visage»[6].

Une honte dans le contexte de tensions actuelles

La France engage d’importants moyens pour la lutte contre les violences faites aux femmes, contre l’homophobie et contre l’antisémitisme. Rappelons le contexte inquiétant d’augmentation des actes homophobes et transphobes (+4,8% en 2017, +15% d’agressions physiques) en France[7]. Un attentat qui visait les homosexuels fut d’ailleurs déjoué il y a une semaine[8]. Rappelons le contexte où les violences faites aux femmes sont également en augmentation (voir le rapport de la MIPROF de 2016 sur les violences faites aux femmes en France[9]). Rappelons le contexte d’augmentation des actes antisémites extrêmement violents[10], comme celui récent de Madame Mireille Knoll, (poignardée et brûlée chez elle).

Un des vecteurs de ces haines se trouve dans les écrits d’un certains nombres d’islamistes radicaux légitimant ces violences en prônant une vision rétrograde et dévoyée de l’Islam. Rappelons que Monsieur Youssef Al-Qaradâwî fut interdit de séjour en France en 2012 après les attentats perpétrés à Toulouse contre nos militaires et des civils dans une école parce qu’ils étaient juifs. Pourtant, en juin 2018, ses livres (dont le licite et l’illicite en Islam) sont largement commercialisés par de nombreux distributeurs qui ont pignon sur rue en France.

Comment peut-on tolérer dans le contexte actuel la distribution de ce genre d’ouvrage sans appareil critique ni avertissement ? Comment prétendre lutter contre la radicalisation en laissant dans le rayon religion d’une librairie ce livre qui appelle à la haine et au meurtre ? Comment prétendre lutter contre les actes anti-musulmans et permettre la distribution en ligne et en boutique de ces interprétations moyenâgeuses et radicales ? Enfin, comment une librairie de référence comme Gibert Joseph peut-elle résumer un tel ouvrage comme cela sur son site internet :

« Le licite et l’illicite est un domaine important de la législation islamique, il définit ce qui est permis et interdit au Musulman. L’auteur, connu dans le monde musulman pour ses conférences et ses ouvrages, s’est appliqué à définir le licite et l’illicite dans la vie personnelle, familiale et sociale du Musulman : les aliments, les vêtements, le mariage, les enfants, les traditions, les relations commerciales et sociales, les loisirs. Il se base sur les sources authentiques de la jurisprudence islamique, tout en expliquant les causes et la sagesse divine de chaque autorisation ou interdiction. C’est un ouvrage de référence, qui présente l’essentiel de la législation musulmane. »

Ce qui est certain en revanche, c’est que le livre se vend bien. Sur le site Internet de ladite librairie, il est en rupture de stock …

*Droit de réponse de GibertLe 27.06

« Les libraires du groupe Gibert (Gibert Joseph et Gibert Jeune), ainsi que son site internet, ont été vivement interpelés par l’article publié par M. Pierre Juston. Elles souhaitent apporter les précisions suivantes face à une rédaction chargée d’allégations mal étayées :

– Sur le site Gibert, le visuel remonté sur la base de données n’est pas corrélable avec des ventes associées et une éventuelle « rupture de stock », car le titre n’y est ni vendu, ni acheté. S’il était visible, c’est que l’image de couverture a pu exister dans des bases de données d’ouvrages un temps disponibles, de même que la reprise de la notice descriptive de son éditeur, sans aucun changement, jugement ou appréciation émanant du site Gibert lui-même.

– Aucun des magasins de l’enseigne Gibert Joseph ne détient ce titre en stock, car il est épuisé en neuf, et est interdit de rachat en occasion.

– Seul un des points de vente de l’enseigne Gibert Jeune en détenait un exemplaire en vente.

Pour éviter tout regain de publicité susceptible d’être donnée à cet ouvrage, il est évident que l’exemplaire existant a été retiré de la vente dans ce magasin, et le visuel supprimé sur le site. D’autres sites que le notre ont pu, ou peuvent, détenir cet ouvrage en édition papier ou téléchargeable, alors que nous sommes les seuls cités. Nous le regrettons. »

Pierre Juston

Membre du collectif En-Commun

Doctorant en Droit public

 


[2] JORF n°114 du 16 mai 1995 page 8217

[4] Youssef al-Qaradhawi, Le Licite et l’illicite, 1992, p. 175.

[5] Anonyme, L’infiltrée. Une femme au cœur des réseaux terroristes islamistes, 2003, Grasset, p. 177.

[6] Youssef al-Qaradhawi, Le licite et l’illicite, 1992, p. 91.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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