Berlin : premières Olympiades juives sur les lieux des JO nazis

Plus de 2000 athlètes se réunissent à partir du 27 juillet dans le cadre de la 14e édition des « European Maccabi Games », adaptation juive des Jeux olympiques.

Le défilé des délégations lors des Jeux olympiques juifs, en 2013
Crédit : GALI TIBBON / AFP

Le défilé des délégations lors des Jeux olympiques juifs, en 2013

Soixante-dix ans après la fin de la Seconde guerre mondiale, Berlin accueille à partir de lundi plus de 2.000 athlètes pour les 14e European Maccabi Games, variante juive des jeux Olympiques, sur les lieux des Jeux nazis de 1936. « Normalisation », « mémoire », « affirmation »: rarement un tel vocabulaire n’aura entouré l’annonce d’un événement sportif, avec 19 épreuves allant du football aux échecs et 2.300 athlètes de 36 pays attendus jusqu’au 5 août, soit une participation record. « Ce sont les Jeux de la réconciliation », a répété à la presse Alon Meyer, président de la fédération Maccabi Allemagne, hôte pour la première fois des Olympiades organisées par la communauté juive.

Sous haute surveillance, cet événement « a une forte signification historique et politique », a renchéri la chancelière Angela Merkel, exprimant dans son message d’accueil aux athlètes la « gratitude » de l’Allemagne pour la renaissance du judaïsme sur ses terres. Après une « cérémonie du souvenir »lundi dans l’ancien camp de concentration de Sachsenhausen, au nord de Berlin, le président allemand Joachim Gauck donnera devant 15.000 spectateurs le coup d’envoi officiel mardi soir à la Waldbühne, théâtre en plein air au cœur du Parc olympique où Hitler avait fait mettre en scène les JO d’été de 1936.

La quête du « Juif musclé »

Les principales épreuves se tiendront dans l’enceinte construite pour les jeux nazis, paroxysme de l’exclusion des athlètes juifs qui couvait depuis plusieurs décennies, dans une Europe imprégnée par l’antisémitisme. L’interdiction faite aux Juifs d’intégrer certains clubs sportifs est d’ailleurs l’une des racines du mouvement Maccabi fondé à la fin du XIXe siècle, a expliqué Oren Osterer, ancien basketteur et responsable de l’organisation de ces Jeux, à la radio allemande RBB.

D’inspiration sioniste, le Maccabi y puise sa quête du « Juif musclé », complète Alon Meyer, ainsi que sa dimension éducative, qui accorde une importance égale aux cadets, juniors, seniors et vétérans, et mêle aux sports populaires des disciplines très éloignées de l’olympisme classique. A côté du basket, du football, du tennis, de la natation et de l’escrime, les Maccabi Games proposent des compétitions de bowling, d’échecs et de bridge – « sport des mamies juives », plaisante Oren Osterer -, mais aucune des épreuves d’athlétisme sur stade.

Pas que du sport

En marge de l’événement, les jeux tenteront également d’établir « un record non sportif », poursuit M. Osterer, en battant celui de la plus grande fête de shabbat établi l’an dernier à Tel Aviv. Cinquante ans après l’établissement de relations diplomatiques entre Israël et l’Allemagne de l’Ouest, la compétition marque aussi l’affirmation de la communauté juive allemande, dont l’identité demeure troublée par la mémoire de la Shoah. Jusqu’aux Jeux européens de Vienne en 2011, « personne se voulait se présenter comme Allemand » lors des Maccabi Games, et la délégation germanique défilait sous les couleurs d’Israël plutôt que derrière un drapeau noir-rouge-or trop évocateur du IIIe Reich, rappelle Alon Meyer.

Pour beaucoup d’entre nous, il est difficile d’appeler ‘notre maison’ ce pays qui commence par la lettre A

Rebecca Gop

« Certains ont douté qu’il soit juste d’amener les jeux à Berlin tant qu’il reste des survivants de l’Holocauste », poursuit-il. « Mais nous sommes une nouvelle génération (…) et la question de la culpabilité est résolue depuis longtemps ». Le magazine interne des olympiades juives consacre néanmoins plusieurs pages au témoignage de Margot Friedländer, rescapée des camps âgée de 93 ans revenue s’installer à Berlin en 2010, puis à la question: « l’Allemagne peut-elle être une patrie pour les Juifs ? »

Rebecca Gop, au nom des Juifs berlinois nés après guerre, qui ont « scrupuleusement appris l’hébreu » et imaginaient que leurs enfants partiraient en Israël, y décrit son ambivalence en découvrant l’attachement de son fils à l’Allemagne. « Aujourd’hui, mon mur intérieur est tombé(…) Mais je sais aussi que pour beaucoup d’entre nous, il est difficile d’appeler ‘notre maison’ ce pays qui commence par la lettre A », conclut-elle.

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