Dans cette affaire ukrainienne, tout le monde semble être surpris.

1 – La première et très grosse surprise est que poutine ose envahir un grand pays comme l’Ukraine. Personne n’y croyait malgré les avertissements américains, qui pour cette fois avaient vu juste. Macron a été l’homme qui a le plus parlé à Poutine, pour le pousser à la retenue. Résultat : fiasco total.
2 – La deuxième surprise est pour poutine, qui ne s’attendait pas à une résistance ukrainienne ou une faiblesse russe. Il pensait envahir l’Ukraine, imposer un nouveau gouvernement, et mettre comme à son habitude le monde entier face au fait accompli. Il semble être tombé dans un piège, où la Russie perdra beaucoup, et où les russes vont se poser des questions quant à la santé mentale de leur cher dictateur.
3 – La troisième porte sur la réaction massive occidentale contre la 11E  économie mondiale qui aura du mal à faire face à ce conflit. Mener une guerre nécessite des moyens. Maintenir 120.000 hommes en Ukraine c’est énorme pour un pays qui n’a que la puissance économique de l’Espagne. Les Russes, mais plus encore les oligarques dont l’armée russes sont-ils prés à en payer le prix. Rien n’est moins sûr.
4 – Le monde entier découvre qu’un fou paranoïaque, un sanguin et un autocrate dirige seul la deuxième puissance militaire du monde et la première puissance nucléaire. On lui attribuait des raisons pour envahir (Crimée Donbass et autres territoires), mais ces raisons étaient en fait autant de raisons pour ne rien faire.
5 – Poutine habitué à tant de faiblesse, de la part de l’Occident, est surpris cette fois à une réaction forte, et menace de l’arme nucléaire, en homme coléreux et violent. Mais jusqu’où ne pas aller trop loin pour lui au point de susciter une réaction interne. Les Russes n’ont peut-être pas envie de mourir vitrifiés par l’arme atomique à cause d’un président ukrainien qui déplait à Poutine.
6 – Il y a une autre conséquence à cela, c’est le nucléaire iranien, qui pourrait lui aussi être mis entre les mains de fous de Dieu.

L’Amérique entre analyse et émotion.

La politique américaine sur l’Ukraine vient du mélange de la pensée analytique des experts de la sécurité nationale avec les émotions du public américain qui influencent les politiciens. Du côté analytique, il y a eu une dispute parmi les experts et les responsables pour savoir si l’expansion de l’OTAN aux anciens pays communistes, comme la Pologne, la Bulgarie et la Roumanie, après la guerre froide, a provoqué cette invasion russe de l’Ukraine.
Cet argument est maintenant réglé à Washington. La partie gagnante croit fermement que Poutine est un dictateur dangereux qui veut recréer l’ancien empire russe ou l’Union soviétique. Ils avertissent que si le monde n’arrête pas Poutine maintenant, il attaquera à nouveau un autre pays, par exemple les États baltes, et provoquera une guerre encore plus grande. Biden a donc envoyé davantage de forces américaines en Europe ; le nombre de soldats américains déployés dans les pays de l’OTAN est passé de 65 000 l’an dernier à plus de 90 000 aujourd’hui. Dans le cadre de ce déploiement plus important, les Américains ont doublé le nombre de forces américaines en Pologne à 9 000 et en Roumanie à 2 000. Il n’y a pas de débat ici sur l’augmentation du nombre de forces militaires américaines à la frontière avec l’Ukraine à proximité des forces russes.
Aucun politicien américain n’a demandé aux forces américaines d’entrer en Ukraine et de combattre les Russes ; tout le monde comprend les risques d’une guerre nucléaire. Et il y a aussi une compréhension analytique de l’expérience avec l’Irak de Saddam Hussein ainsi qu’avec l’Iran et la Syrie maintenant que les sanctions, même les sanctions sévères, n’ont qu’un impact limité sur les dictateurs. Mais c’est là que le côté émotionnel de l’Amérique arrive. Les scènes à la télévision et sur les réseaux sociaux de civils et de soldats ukrainiens menant une guerre désespérée contre un ennemi plus grand et impitoyable provoquent la sympathie américaine traditionnelle pour la partie la plus faible dans un combat. De plus, certaines villes américaines comme New York et Chicago ont de grandes communautés ukraino-américaines. Les églises de nombreuses villes organisent des prières spéciales pour l’Ukraine. Dans ce climat émotionnel,
La plus grande poussée sera pour plus de sanctions. L’Union européenne vient d’imposer des sanctions sur les biens personnels du président Poutine et ceux du ministre russe des Affaires étrangères Lavrov. L’administration Biden avait hésité mais l’action européenne obligera probablement Biden à faire de même et à trouver d’autres sanctions également. Les côtés analytique et émotionnel de l’Amérique arrivent tous les deux à la conclusion que Washington ne devrait pas déclencher la Troisième Guerre mondiale, mais qu’il doit faire plus pour punir la Russie et essayer d’aider l’Ukraine.
Un bon observateur politique de la politique américaine prêterait une attention particulière à l’évolution de la position du Parti républicain au cours de la semaine écoulée. Un éminent sénateur américain qui avait manifesté son soutien à l’attaque du 6 janvier contre le bâtiment du Congrès, Josh Hawley, avait déclaré plus tôt cette année que Washington devait rejeter l’adhésion de l’Ukraine à l’OTAN. L’ancien secrétaire d’État Mike Pompeo, qui a de grandes ambitions politiques, a déclaré en janvier qu’il avait un énorme respect pour Poutine et l’a qualifié d ‘«homme d’État talentueux». Mardi et mercredi derniers, l’ancien président Trump a salué Poutine comme un leader fort et Trump a même qualifié Poutine de génie.
Après le début de l’invasion et la montée des émotions du public, Trump est isolé. La position générale du Parti républicain est en train de critiquer Biden pour sa faiblesse et pour exiger une réponse plus importante contre la Russie. Pompeo, compte tenu du climat émotionnel ici, a changé de ton et a déclaré jeudi que Washington devait imposer des coûts plus importants à Poutine afin de dissuader davantage d’agressions russes. Hawley exhorte maintenant Biden à imposer des sanctions plus importantes à la Russie, y compris à son secteur énergétique.
L’administration Biden a jusqu’à présent évité d’imposer des sanctions aux exportations énergétiques russes en raison des inquiétudes concernant la hausse des prix de l’énergie. Jusqu’à présent, le secteur des entreprises ne s’attend pas à ce que la production de schiste bitumineux américain augmente, et les entreprises s’attendent donc à ce que les prix de l’énergie restent élevés. Biden a admis pour la première fois jeudi que le prix de l’essence pour les conducteurs américains allait augmenter.
En outre, la crise ukrainienne perturbera certaines exportations de céréales ukrainiennes et russes et fera monter les prix alimentaires mondiaux. Même avant la crise en Ukraine, l’inflation des prix dans l’économie américaine est la plus élevée depuis quarante ans. Vous pouvez voir les inquiétudes concernant une inflation plus élevée sur le marché boursier américain. Il y a quarante ans, en réponse à l’inflation des prix, la Réserve fédérale a relevé les taux d’intérêt à un niveau si élevé, à 21 %, créant une terrible récession économique. (Je suis diplômé de l’université et il était très difficile de trouver un emploi.) Le moment était alors terrible pour la campagne de réélection du président Jimmy Carter.
Je doute que les taux d’intérêt atteignent 20 %, mais le moment semble à nouveau mal choisi pour le Parti démocrate, huit mois avant d’importantes élections pour le Congrès.
Robert Ford
Robert Ford
Robert Ford est un ancien ambassadeur des États-Unis en Syrie et en Algérie et chercheur principal au Middle East Institute for Near East Policy à Washington

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Schlemihl

Il semble que tout le monde aie oublié le partage de la Pologne, la conquête de la Finlande par les armées d’ Alexandre Ier, l’ invasion de l’ Espagne par l’armée française, l’ invasion de la Belgique et de la France en 1914, l’annexion des Sudètes, l’invasion de la Bohême Moravie, le partage de la Pologne entre Hitler et Staline, l’ invasion de la Finlande, l’annexion de la Lituanie de la Lettonie de l’ Estonie, l’ invasion de la Norvège du Danemark du Luxembourg des Pays bas de la Belgique de la Grèce de la Yougoslavie, la guerre entre Irak et Iran etc …… Ce qui se passe aujourd’hui n’a rien d’extraordinaire, c’ était parfaitement prévisible ( un imbécile que je connais l’avait annoncé sur Causeur depuis trois semaines et plusieurs fois ), et M Poutine n’est probablement pas plus fou que les autres. Simplement, on a perdu l’ habitude de ces façons en Europe depuis 1945.

Qu’en conclure ? Que M Poutine a fait une erreur de calcul, habituelle chez un tyran qui finit par ne s’entourer que de larbins. Il n’a pas prévu la résistance de l’ Ukraine, il doit être très surpris de la réaction de l’ Occident. Pourquoi ces caves se rebiffent ils après avoir tout accepté sans broncher pendant des années ? C’est exactement l’ erreur de Hitler en 1939 : ils ne feront pas la guerre, je les ai vus à Münich, ce sont des petits vers …. L’ Occident ne fera pas la guerre, mais il réagit.

L’ issue d’ une guerre est imprévisible, chose que beaucoup d’agresseurs oublient depuis toujours. Je suppose que l’ Ukraine finira par être écrasée, mais elle sera difficile à tenir : c’est un pays plus grand que la France. Et toute personne sensée sait que si on laisse faire, cela donnera des idées à beaucoup de monde. Et pas seulement à Pékin, un pays européen qui se trouve à l’ est de la France n’a pas du tout oubliée les frontières de 1939 ni la S… ni la P… O…. Et ce n’est qu’un exemple entre autres. M Poutine n’est pas fou, mais il joue gros jeu et peut déchainer des forces incontrôlables.

Autre observation, un peu tardive : il me semble que ce n’était pas la peine de faire une révolution en Russie en 1917.