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Cuba, Iran: la paix, je veux l’avoir et je l’aurai

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Les présentateurs de journaux radio et télé – à ne pas confondre avec des journalistes – se gargarisent en ce moment de l’adjectif « historique » accolé aux accords internationaux négociés par Barack Obama avec les plus vieux ennemis encore actifs de la puissance américaine : Cuba des frères Castro, et l’Iran des mollahs chiites. Pour une fois, les bateleurs de l’info n’ont pas totalement tort : avant de quitter la scène politique active, le président des Etats-Unis a dénoué deux dossiers bloqués depuis des décennies. L’hostilité ouverte, marquée par l’absence de relations diplomatiques et l’imposition de sanctions économiques contre les régimes en place à La Havane et Téhéran se voit remplacée par une forme de coexistence apaisée ouvrant la voie à une normalisation totale.

L’argument le plus fort de Barack Obama face à ses détracteurs l’accusant de reculade face à « l’empire du mal » consiste à dire que l’autre politique, celles du blocus de Cuba et des sanctions économiques imposées à l’Iran n’a pas obtenu les résultats escomptés. Le pouvoir communiste et son cortège de violations des droits humains ne se sont pas écroulés dans la grande île caraïbe, et la théocratie iranienne se maintient depuis trente-cinq ans, montrant une réelle faculté d’adaptation aux évolutions de la société civile, sans toutefois lâcher sur l’essentiel, le pouvoir aux barbus enturbannés.

Si l’on se place dans une perspective bestialement « realpoliticienne », la démarche de Barack Obama est parfaitement logique : ni Cuba, ni l’Iran ne constituent des menaces stratégiques, même à moyen et long terme, pour les Etats-Unis. A supposer même que Téhéran viole les accords conclus à Vienne, et se dote de l’arme nucléaire, l’Iran ne menacerait pas plus le territoire des Etats-Unis que ne le fait aujourd’hui la Corée du Nord. Pour Israël, et même pour l’Union européenne, dont les deux tiers du territoire sont aujourd’hui à portée de missile iranien, la question se pose différemment, mais Barack Obama peut, à juste titre, faire valoir qu’il assure aux alliés européens de l’Otan la garantie du parapluie nucléaire américain, et qu’il fournit à Israël l’essentiel des armes lui permettant de faire face à une menace stratégique, c’est-à-dire à une agression mettant en danger son existence.

Les résidus du « monde d’avant », la France gaullienne forte de sa dissuasion du «  faible au fort » fondée sur un arsenal nucléaire autonome, permet à Laurent Fabius de gonfler des muscles, et de jouer un temps le « bad cop » dans le bras de fer diplomatique avec l’Iran, mais au bout du compte, la raison US l’emporte. La blonde Federica Mogherini, haute représentante de l’UE pour la politique extérieure, peut alors exceller dans le rôle de perruche (féminin de perroquet) du discours de la Maison Blanche.

Tout cela serait fort sympathique si les choix de Barack Obama ne se fondaient sur des paris, dont la première victime, en cas de pari perdu ne seraient pas les Etats-Unis, mais quelques-uns des plus proches alliés des Etats Unis, avec , dans l’ordre croissant de risques encourus, L’Egypte et les monarchies du Golfe, Israël, et une Europe prise en tenaille entre le néo-impérialisme poutinien, et un Iran dominateur au Proche et Moyen Orient. Miser avec l’argent d’autrui (en l’occurrence sa sécurité) est la meilleure méthode pour éviter de perdre…Par ailleurs, la garantie nucléaire américaine est soumise à l’évaluation de la menace par celui qui détient les moyens militaires, et celle-ci peut être différente de l’analyse des victimes potentielles. En cas de conflit avec un Iran nucléarisé, il est tentant pour la puissance protectrice, non directement menacée, de demander à ses protégés de faire montre de souplesse pour éviter une catastrophe… Cela s’appelle le chantage atomique.

Ce scénario du pire n’est sans doute pas inéluctable, et sa version optimiste verrait une société civile iranienne secouer le joug de la dictature théocratique qui l’opprime, et se présenter alors comme la grande nation d’un Islam moderne réconcilié avec la démocratie et les droits humains, ceux de la femme en particulier. On nous permettra de rester sur la réserve dans nos pronostics à moyen et long terme, et de nous inquiéter, pour le court terme, de l’usage qui va être fait, par le régime de Téhéran des milliards de dollars ou d’euros que l’accord de Vienne va lui procurer avec la levée des sanctions. Le soutien à Bachar El Assad et à ses alliés du Hezbollah libanais ne devrait pas pâtir de la nouvelle donne, car rien dans le texte de Vienne, n’aborde le sujet du financement d’un ami dictateur sanglant, et d’une organisation terroriste dont l’objectif affiché est l’éradication de l’Etat juif…

Enfin, et il est surprenant qu’aucun de nos brillants analystes médiatiques ne l’ait souligné (ou alors cela m’aurait échappé), on constate que dans le cas de Cuba comme dans celui de l’Iran, aucune exigence en matière de respect des droits humains fondamentaux, ne faisait partie du « paquet » des négociations. Raul Castro et sa bande peuvent continuer à emprisonner les dissidents, museler la presse et l’accès internet,  à organiser un système prostitutionnel paraétatique à l’usage des touristes, dont la clique militaro-politique au pouvoir tire les principaux bénéfices. La pendaison des homosexuels à des grues, l’emprisonnement pour adultère, le tchador imposé resteront la norme chez les Perses. En agissant ainsi, Barack Obama rompt avec une tradition vieille d’un siècle, inaugurée par le président Woodrow Wilson au lendemain de la première guerre mondiale : la puissance américaine n’est pas seulement au service des intérêts économiques et stratégiques des Etats-Unis, mais s’efforce de promouvoir sur l’ensemble de la planète des valeurs considérées comme universelles, comme la démocratie, la liberté de croyance et d’expression… Même le président Jimmy Carter, qui n’appartient pas à l’espèce des faucons néo-cons, avait inclus cette dimension dans la grande négociation avec l’URSS de Brejnev, qui avait abouti, en 1975, à la signature des accords d’Helsinki. Une troisième corbeille, en plus des accords stratégiques et économiques, était consacrée à l’affirmation du respect des libertés fondamentales par les parties signataires. Bien entendu, les communistes soviétiques n’en tinrent aucun compte, mais ils donnèrent une base juridique internationale à l’action des dissidents dans tous les pays du bloc soviétique, préparant ainsi les futures élites de l’ère post communiste en Europe.

Les démocrates cubains ou iraniens n’auront pas cette chance, et la responsabilité historique en revient à Barack Obama.

*Photo : Ron Sachs/Pool/sipausa.sipausa_15541102/1507012045

Luc Rosenzweig est journaliste.

causeur.fr

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