L’Etat Nation du peuple juif aménage son cadre institutionnel

Le 30 avril 2018, la Knesset a adopté, en première lecture, une série de textes renforçant le cadre institutionnel du pays. Il en est, tout d’abord, de la Loi qui fait d’Israël, l’Etat Nation du peuple juif (le projet avait été voté en mars 2018). Le texte n’a, toutefois, abordé qu’une conséquence de cette nature spécifique du pays au regard des langues officielles d’Israël : la langue arabe cesse d’en faire partie.

Le même jour, la Knesset a voté un amendement à la Loi fondamentale sur le Gouvernement. Désormais, le Premier ministre pourra décider, seul, du déclenchement d’opérations de belligérance, sans préalablement obtenir, l’autorisation du gouvernement. Sur ce point, le statut du Premier Ministre israélien se rapprochera de la fonction de chef des armées attaché à celui des Présidents de la République dans les démocraties occidentales (l’article 15 de la Constitution française le consacre, alors que l’article 5 de ce texte fait de lui le garant de l’indépendance nationale et de l’intégrité du territoire).

La troisième Loi adoptée le 30 avril 2018, concerne la hiérarchie des normes : le texte fait obligation aux tribunaux de privilégier « la loi et la tradition juive » dans le règlement des litiges. Ainsi, les principes législatifs tirés de la Halakha primeront les principes issus de la législation civile qui ne trouvent pas leur source dans le corpus de textes juifs. Autrement dit, les Tribunaux seront tenus d’appliquer la règle juive en cas de contrariété entre deux textes.

Notons également que dans le prolongement de l’adoption de ces textes, un projet de Loi a été soumis à la Knesset afin de restituer la supériorité du pouvoir normatif de la Loi, en cas de contestation avec les principes dégagés par la jurisprudence de la Cour Suprême. Aussi, et en cas d’adoption de la Loi intitulée « le passage en force », une majorité simple de la Knesset (61 voix sur 120) pourra prendre des mesures contraires aux décisions jurisprudentielles prises par la Haute Cour, qui les primeront.

Il en est par exemple ainsi, de l’expulsion de personnes en situations irrégulières sur le territoire national (principe qui se retrouve dans toutes les grandes démocraties occidentales). Actuellement, la Cour Suprême interdit le renvoi dans leur pays d’origine, de milliers de personnes africaines qui se présentent comme étant des réfugiés politiques, alors qu’il s’agit de réfugiés économiques. Or, il n’appartient pas à Israël de régler le problème de la misère dans les pays africains en accueillant sur son territoire les personnes qui souffrent de conditions de vie économiques difficile dans leur pays, mais bien à l’Onu.

(Si le concept de « République », c’est-à-dire de « Res Publica » ou encore de « chose publique », devenait un concept absolu en Droit international, les ressortissants d’un pays disposeraient d’un droit de créance sur l’Etat dont ils sont originaires. Aussi, les dirigeants corrompus seraient tenus de répartir les richesses nationales entre tous, sans faire supporter aux autres pays le coût de la gestion de leurs ressortissants).

De même, « le passage en force » permettre à l’Etat juif d’incorporer dans son territoire (par l’annexion) , les implantations juives situées en zone C de Cisjordanie, c’est-à-dire implantées sur des terres sur lesquelles Israël disposent des prérogatives civiles, administratives et militaires exclusives, en vertu des accords de paix israélo palestiniens signés par Yasser Arafat, fondateur de l’Olp.

Ces textes fourniront alors des outils juridiques à Israël pour gérer son territoire conformément à la volonté des fondateurs. A la suite de la déclaration d’indépendance du 14 mai 1948, l’Etat d’Israël a « nationalisé » 93 % de ses terres, et s’est fixé de les détenir, telle une sorte de fiducie, au profit des membres de la nation juive mondiale. En d’autres termes, l’Etat d’Israël est devenu juridiquement propriétaire de son territoire, à charge pour lui de le mettre à disposition du peuple juif, jusqu’à la fin des temps.

Actuellement, se pose une difficulté pour les localités spécifiquement juives qui entendent le rester, en s’opposant à l’attribution de biens fonciers à des personnes d’origine juive. Des centaines de villages juifs contrôlant la plupart des « terres nationales » ont créé des comités d’admission pour les candidats à l’installation. Ces localités ont mises en avant la nécessité de préserver leur caractère juif et sioniste, empêchant des personnes non juives de s’y établir.

Or, certaines localités créées en Galilée pour accueillir des familles juives (telles Nazareth Illit, Karmiel, Afoula, Nofit, Tzfat et Nahariya) ne disposent pas de comités d’admission pour empêcher l’installation de familles non juives. Des décisions juridictionnelles ont alors été prises, au cas par cas, pour valider les refus d’installation de personnes non juives. Ainsi, à Nazareth Illit, le tribunal de district a accepté le principe des appels d’offres restrictifs pour que les juifs religieux puissent vivre dans des communautés indépendantes. De même, en 2016, le Tribunal de district validé le choix de la municipalité d’Afoula de bloquer l’installation de 48 familles non juives ayant remporté des appels d’offres immobiliers. Récemment, le maire de Kfar Vadim (crée en 1984) a défendu la décision de geler la construction d’un nouveau quartier comprenant 2000 habitations réservées à des non juifs, afin de préserver le caractère « sioniste et juif » de la ville, ce qu’a déploré le député palestinien de la Knesset Jamal Zahalka, en qualifiant la mesure « d’apartheid ». Effectivement, ces décisions peuvent sembler discriminatoires.

L’Etat d’Israël doit donc aller plus loin dans la gestion de son patrimoine foncier en instituant un droit de préemption national à l’occasion de chaque de vente de bien immobiliers, de sorte qu’il acquiert les 7 % de territoire dont il n’est pas propriétaire. L’interdiction de vendre ou louer des biens immobiliers à une catégorie de personne en considération de ses origines,  est illégale. Pour autant, Les juifs ont historiquement compris que leur indépendance et leur autodétermination exigeaient d’être collectivement propriétaire de leur sol. Or, le Droit de préemption est lui, légal.

Le droit de propriété est le droit le plus absolu qu’une personne détient sur son bien (voir notamment Baba Metzia, second traité de l’ordre néziquin de la Michnah). La Bible lui accorde d’ailleurs une nature quasi divine (voir notamment Ex 22,6-14 ; 24-26 ; Lévitique 25, 14.35-37 ; Dt 22,1-4). Le droit de préemption national respectera, alors, le principe juif concernant la propriété du sol (Lévitique 25,23 : «  Et la terre ne se vendra pas à perpétuité ; car la terre est à moi ; car vous êtes chez moi des étrangers et des gens en séjour »).

Israël est sur le point d’embrasser sa vocation historique. Aussi, et dans le prolongement de ce cadre institutionnel, Israël pourra distinguer, à l’instar de ce qui se rencontre dans les grandes démocraties, le statut réservé aux nationaux et celui des non nationaux en situation régulière : les citoyens non juifs de l’Etat (en situation régulière), continueront de jouir des mêmes droits que les nationaux (les citoyens juifs), à l’exception des prérogatives réservées exclusivement aux membres de la nation (notamment le droit de vote et le droit d’être éligible aux scrutins nationaux, et théoriquement, le droit d’être fonctionnaire…).

 

Par Maître Bertrand Ramas-Muhlbach

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