Alors que les médias voyaient déjà l’État islamique en déroute, il vient d’infliger une sévère défaite à Bachar Al Assad. Qu’en est-il de sa régression réelle ?
L'Etat islamique recule-t-il vraiment ?

Il y a quelques jours, la presse internationale ne parlait que du recul de l’État Islamique sur tous ses fronts. Et le voilà qui donne une raclée aux troupes de Bachar. Essayons d’y voir clair.

En Afrique : Libye et lac Tchad

En Libye, le revers est sérieux : l’EI avait le contrôle d’une bande côtière de 200 km de long et de 40 km de large au centre du littoral, séparant encore plus la Cyrénaïque de la Tripolitaine et menaçant le port d’exportation du pétrole. Les Occidentaux s’agitaient depuis longtemps pour que les Libyens lancent une opération militaire contre lui, mais le nouveau gouvernement reconnu internationalement ne l’est pas dans son propre pays alors que c’est lui et lui seul que les Occidentaux veulent soutenir.

Finalement ce sont les milices tribales de chacune des villes à l’ouest de l’EI qui ont fait le travail et récupéré, au prix de lourdes pertes, la quasi-totalité de cette bande côtière. Il ne resterait que quelques quartiers défendus par les combattants étrangers de l’EI, les combattants libyens s’étant évaporés en profitant leur parenté avec telle ou telle tribu attaquante.

Autour du lac Tchad, l’EI avait également reculé depuis l’arrivée au pouvoir au Nigeria d’un nordiste plus concerné que le président sudiste précédent, et avec la coordination entre son armée et celle du Cameroun, du Tchad et, moins efficacement semble-t-il, du Niger. Des troupes françaises de l’opération Barkhane sont également présentes, mais très occupées dans l’immense Sahel au nord.

En Irak

En Irak, l’EI recule aussi, mais ce n’est pas l’effondrement : il a fallu des semaines de siège pour que les troupes irakiennes finissent par prendre Fallouja. Quant à la grande offensive sur Mossoul, dont la préparation est claironnée depuis des mois, on n’en voit toujours pas le début.

Le problème est toujours le même : sans les milices chiites, l’armée nationale n’est pas assez forte ; mais ces milices exercent des représailles envers la population sunnite des zones de l’EI et ne sont donc utilisés que ponctuellement. Et à Bagdad, on est toujours très loin de tendre la main aux sunnites occupés par l’EI. Leurs représentants au gouvernement semblent plus intéressés par les affaires qu’à leur trouver une représentation attirante dans un pays où la majorité chiite ne pardonne pas les massacres opérés par les sunnites de Saddam, ni les attentats perpétrés aujourd’hui par les sunnites de l’EI à Bagdad ou parmi les pèlerins chiites allant dans les villes saintes proches du front.

En Syrie

En Syrie, l’EI continue à reculer au nord sous la pression des Kurdes, ou plutôt des Kurdo-arabes, car à l’ouest et au sud de la poche kurde rendue célèbre par la bataille de Kobané, la population n’est plus kurde, mais arabe sunnite, et se demande si passer des exactions de l’EI au risque de « nettoyage ethnique » par les Kurdes est vraiment un progrès. D’où le soin que les Américains mettent à parler de troupes partiellement arabes pour rassurer cette population. Qu’en est-il en réalité ? Je n’en sais rien.

En tout cas les Américains soutiennent vigoureusement cette offensive qui coupe l’EI de la Turquie, et menace peut-être son fief de Raqqa. Bien entendu la Turquie est furieuse de voir les Kurdes de se consolider ainsi à sa frontière sud, et de voir les Américains les aider. Peut-être aussi de voir menacées les bonnes affaires du commerce avec l’EI dont il est vraisemblable que de hautes autorités turques profitaient largement.

En tout cas les Américains poussent vivement leurs alliés locaux à descendre au sud vers Raqqa pour y arriver avant les forces de Bachar. Mais l’EI vient de remporter une victoire repoussant ces dernières de 80 km, malgré l’appui de la Russie.

Que font vraiment les Russes ?

Le régime de Bachar avait semblé très menacé au début de l’insurrection, puis s’est redressé avec l’appui de l’Iran et du Hezbollah libanais, puis a semblé s’effondrer de nouveau avant d’être sauvé par les Russes. Ces derniers venaient en principe participer à la lutte contre l’EI en passant par le représentant officiel de la Syrie, mais on constata rapidement que leur force était principalement dirigée contre les autres rebelles, alliés des Occidentaux et des États de la péninsule arabique, qui menaçaient plus directement Bachar.

Ce fut le fameux coup d’éclat de Poutine qui lui permit de rentrer, au moins sur le plan diplomatique, dans la cour des grands, ce qui était son objectif. Les Russes se sont ensuite donnés le luxe d’annoncer leur départ, mais leur participation aux autres offensives du régime, dont la reprise de Palmyre, a semé le doute. Apparemment ils n’ont pas pu empêcher la toute dernière défaite de Bachar… Ou ils n’ont pas essayé, pour lui rappeler à quel point il avait besoin d’eux et –peut-être– pour lui demander d’être plus arrangeant à l’avenir afin de débloquer les tentatives de négociation avec les rebelles non affiliés à l’EI.

Yves Montenay

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Ratfucker

La supériorité de l’armement de la coalition lui assure une victoire en cas de confrontation. Mais ne permet en aucun cas à une minorité ethnique ou à des troupes étrangères d’occuper le terrain de façon durable.