Guerre en Ukraine : la chasse aux trésors des oligarques russes est lancée

Des plages de la Côte d’Azur aux sommets des Alpes, les milliardaires russes ont investi depuis vingt ans une partie de leur fortune en France. L’Union européenne, le Royaume-Uni, Monaco et même la Suisse ont annoncé de concert vouloir traquer leurs avoirs, souvent dissimulés, en réponse à l’offensive de Vladimir Poutine sur l’Ukraine.

 

Jeudi 3 mars au matin, l’écho de la guerre en Ukraine a résonné dans le port de la Ciotat. Le superbe yacht « Amore-Vero » (« amour vrai »), trois ponts et 86 mètres de long, propriété d’Igor Setchine, un proche de Vladimir Poutine, a été saisi par les douaniers français. Le patron du géant pétrolier Rosneft, qui avait pourtant prévu des réparations sur son bateau jusqu’en avril, a tenté d’échapper discrètement aux sanctions décidées par l’Union européenne contre les affidés du Kremlin. Mais l’État français en a décidé autrement. « Ça s’est joué à quelques heures », ont expliqué les fonctionnaires qui ont immobilisé le grand albatros blanc, estimé à 120 millions d’euros.

« Aucun oligarque ne passera entre les mailles du filet », a promis cette semaine Bruno Le Maire, ministre de l’Économie. De Paris à la Côte d’Azur en passant par les Alpes, une « task force » traque les biens d’exception appartenant à ces businessmen, dont la fortune s’est bâtie sur les ruines de l’URSS. Identifier les véritables propriétaires de ces villas, yachts et chalets de grand luxe, souvent détenus via des prête-noms ou des sociétés en cascade, n’est toutefois pas chose aisée…

Des personnalités identifiées, aux fortunes bien cachées

Au cap d’Antibes (Alpes-Maritimes), le château de la Croë se dérobe aux regards indiscrets. Ses remparts de trois mètres de haut, hérissés de caméras, enserrent le vaste domaine et la demeure, rénovée pour 100 millions d’euros, de Roman Abramovitch, l’actionnaire majoritaire du club de football Chelsea. Les vagues se brisent au pied de son flanc sud. Du point le plus retiré du sentier littoral, les promeneurs peuvent apercevoir un bout de façade blanche, une balustrade de style victorien et un toit-terrasse. Ce mercredi matin, une silhouette apparaît derrière une porte-fenêtre. Son chiffon glisse sur la vitre. Chaos en Ukraine ou non, le bijou de Roman Abramovitch ne doit pas prendre la poussière. En situation délicate au Royaume-Uni, le milliardaire russe a déjà dû annoncer mercredi 2 mars la mise en vente de son club.

Copains de jeunesse et de judo de Poutine, les frères Boris et Arkadi Rotenberg disposent de sublimes villas sur la Riviera, notamment à Èze et Mouans-Sartoux. Dans la très chic station balnéaire du Lavandou (Var), le magnat du gaz Guennadi Timtchenko reçoit parfois au Club de Cavalière, un hôtel Relais & Châteaux cinq étoiles offert à sa femme il y a quelques années, tout près de sa propre villa. « Cette clientèle demande énormément de bâtiments. Ils veulent pouvoir accueillir beaucoup de personnel : il faut la maison du gardien et celle du gardien du gardien », constate un spécialiste de l’immobilier ultraluxe, témoin de cette « démesure ».

Courchevel (Savoie), 250 km plus au nord. Les combinaisons multicolores s’agglutinent au pied du télésiège Pralong. Rares sont les skieurs qui s’aventurent sur Cospillot. L’étroite piste bleue zigzague dans les sapins et offre une vue imprenable sur la butte de Bellecôte, où se lovent les plus somptueux logis. Dans cette succession de chalets en bois épais, quelques volets ouverts laissent entrevoir salle de sport, piscine et jacuzzi. Ce luxe a un prix. En 2020, deux chalets du hameau ont été vendus pour 14 et 15 millions d’euros.

Depuis la rue, ces propriétés ont tout de forteresses imprenables. Le gardien écarte les curieux. « Non, M. Prokhorov n’habite plus ici depuis deux ans », assure une voix à l’interphone, trop expéditive pour être crédible. Mikhail Prokhorov, 56 ans, 2,03 mètres, 193e fortune mondiale selon Forbes, est connu dans toute la station huppée. Une affaire de proxénétisme lui avait valu une arrestation pendant ses vacances d’hiver 2007. L’ancien leader mondial de l’extraction de nickel et de palladium a, depuis, bénéficié d’un non-lieu.
Ne comptez pas sur les habitants pour dénoncer leurs visiteurs venus de l’Est. Roman Abramovitch possède-t-il toujours son chalet un peu plus haut ? La mairie botte en touche. Les agences immobilières aussi. « On a reçu des instructions de ne pas parler à la presse. Nos clients doivent pouvoir compter sur notre discrétion. Mais, oui, il y a beaucoup de Russes sur la station », concède-t-on chez Cimalpes.

« Les oligarques achètent comme au Monopoly, puis revendent »

Le milliardaire Nikolaï Sarkisov aurait investi dans White & Black Pearl, un ensemble de résidences de luxe louées 120 000 euros la semaine. Propriétaire dans le golfe de Saint-Tropez et à Ramatuelle, ce magnat de l’assurance russe est également à la tête du plus mystérieux bâtiment des Alpes, le chalet de l’Apopka. Derrière des palissades en tôles ondulées, des plaques en laine de verre occultent les fenêtres. Près de sept ans que l’ascenseur entre les deux ailes de ce palace de 2 750 m2 est bloqué au troisième étage. Pour solder le conflit de l’oligarque avec son ex-associé corse, les murs ont été rachetés 24 millions d’euros au tribunal d’Albertville par une mystérieuse entreprise, présumée proche de Sarkisov.
chalet de l’Apopka, de Courchevel
trésors menacés des oligarques russes

Le Russe a aussi investi une partie de son patrimoine de 1,1 milliard d’euros loin des monts enneigés. Direction le Triangle d’or parisien, où le prix au mètre carré tutoie les 20 000 euros. Nikolaï Sarkisov détiendrait plusieurs biens sur l’avenue Foch. À l’abri d’un cerisier en fleurs, un immeuble en colonnes, avec ses tables en marbre rouge dans l’entrée et son escalier aux dorures et tapis vermillon, l’avait conquis.

Même coup de cœur rue de l’Élysée pour Dmitri Rybolovlev. Le président russe de l’AS Monaco, magnat de la potasse, s’est offert il y a quelques années un hôtel particulier avec vue sur le jardin présidentiel. Il l’a revendu sans l’avoir jamais occupé. « L’hôtel n’était même pas meublé, confie un expert du milieu. Les oligarques achètent comme au Monopoly, puis revendent. »

Geoffrey Benoit, directeur exécutif du groupe John Taylor Paris, spécialisé dans les biens à plus de 5 millions d’euros, reconnaît « travailler avec cette clientèle ». « On doit respecter une totale confidentialité. » Ces jours-ci, l’agent en costume impeccable doit vendre l’hôtel particulier d’exception… sans photo. « Mon client a peur qu’elles fassent le tour du monde. » Un autre professionnel du secteur gère un dossier à « plus de 100 millions à Paris » avec un membre de l’élite slave. Qui ? Motus. « Je tiens à ma vie », lâche l’agent. « Mes clients sont extrêmement méfiants. Ils sont sous les radars. On ne peut pas se permettre de trahir leur confiance. » Un culte du secret qui promet de donner du fil à retordre aux administrations fiscales européennes, américaines, japonaises, etc., puisque ces ultra-riches recourent à des myriades de sociétés écrans, parfois domiciliées dans des paradis fiscaux.

« Les oligarques n’ont pas peur de grand-chose »

Sur les pentes de Saint-Jean-Cap-Ferrat (Alpes-Maritimes), où des palaces toisent la mer, tout le monde parle des « milliardaires » mais personne ou presque ne les voit. La patronne d’une entreprise de sécurité a déjà dû signer un contrat… dans un garage. « Ces clients n’aiment pas ouvrir leurs portes. » Depuis une vingtaine d’années, les locaux se sont habitués aux exigences de ces nouveaux venus sans visage. « Quand ils arrivent, il faut que tout soit prêt, résume une gestionnaire. Certains viennent juste pour le week-end. Nice – Saint-Pétersbourg, c’est trois heures de vol. » Ces propriétaires utilisent volontiers des « home managers », des agences indépendantes qui gèrent leurs biens au quotidien. « Ils ont souvent un staff réduit dans chaque maison et sur chaque bateau, illustre l’une d’elles. On s’occupe du reste, par exemple des paysagistes, des équipes d’entretien, etc. »

Les premières sanctions européennes menacent cette belle organisation. « Avec l’expulsion des banques russes de Swift (le système de virement bancaire international), on ne sait même pas comment on va pouvoir être rémunéré et payer nos prestataires… » s’inquiète-t-on dans l’une de ces conciergeries. En bout de chaîne, peu de professionnels savent pour qui ils travaillent vraiment.

Mamo, un célèbre restaurateur de la vieille ville d’Antibes, est un des rares à côtoyer les VIP de l’Est. Sur les murs en pierre de son restaurant, tout ce que la Riviera compte de people — Robert De Niro, Jay-Z et d’autres stars — tient par l’épaule ce petit bonhomme venu de Calabre. Il se dit que Roman Abramovitch est aussi un habitué. Le patron sourit : « Les Russes, j’ai les photos mais je ne les montre pas… » Ceux-là tiennent à rester discrets. « Ils sont plus simples qu’on pourrait le croire », confie un architecte. Ce ponte de la retape de luxe a participé à plusieurs projets « les pieds dans l’eau » avec cette riche clientèle. Des gens « sanguins », « un peu comme des Italiens ». « Ils aiment qu’on leur tienne tête. Si on n’est pas d’accord avec eux, ils peuvent reconnaître une erreur. »

Pas de « vente panique » pour le moment

Sur le port de Beaulieu-sur-Mer, un mécanicien confie avoir eu « un gros client, proche de Poutine ». Il a appris à « accepter le rapport de force ». Ainsi, un jour, un de ses amis skipper a flanqué une rouste au majordome d’un Russe à la suite d’un différend. Réaction du patron ? « Si tu veux sa place, elle est à toi. »
« Les oligarques n’ont pas peur de grand-chose. Ils ont un tel niveau de fortune », reconnaît un agent immobilier. Même du gel, ou, pire, de la saisie de leurs biens ? Sur les hauteurs de Monaco, où le prix du mètre carré culmine à 50 000 euros, les professionnels du marché veulent garder leur sang-froid. Pour la première fois, la principauté est sortie de sa neutralité proverbiale et a promis de reprendre l’intégralité des sanctions européennes. « Ces annonces font l’effet d’un combat de coqs. Je doute que cela impressionne beaucoup nos clients russes… », persifle une employée. Dans son bureau parisien encerclé de vitres, Marie-Hélène Lundgreen, la directrice de Belles Demeures de France, n’a pas non plus été sollicitée pour une « vente panique ». « Après, on n’est qu’au début de la crise… »

Ukraine : cette « task force » française qui traque les milliards des oligarques russes

Le ministère de l’Économie a mis en place une équipe chargée de repérer et geler les avoirs des leaders économiques ou politiques russes proches de Vladimir Poutine et visés par des sanctions de l’Union européenne, détaille Le Parisien.

Ils sont au cœur des sanctions décidées par l’Union européenne en représailles à l’invasion russe de l’Ukraine. Alors que les combats se poursuivent, notamment autour de Kiev, les oligarques russes proches du Kremlin sont traqués de toute part, détaille Le Parisien, dimanche 6 mars. Entre le 23 et le 27 février, pas moins de trois listes ont ainsi été adressées aux 27 États membres de l’UE pour qu’ils gèlent leurs avoirs sur le vieux continent.

 

Une chasse qui est menée, en France, par Tracfin. L’organisme gère plusieurs agents regroupés au sein d’une « task force » composée de la Direction générale des finances publiques (DGFiP), des Douanes et donc des agents du renseignement financier (Tracfin), détaille le quotidien. « Dès qu’un appartement ou une villa appartenant à une des personnes sur la liste est identifié, on modifie instantanément le fichier », détaille le directeur général de la DGFiP, Jérôme Fournel. « On alerte d’un petit drapeau les notaires que ce bien ne peut être vendu ».

Un yacht à plusieurs millions saisis

Ces agents sont chargés de repérer et confisquer tous les avoirs des milliardaires russes, leaders économiques ou politiques proches de Vladimir Poutine, visés par les sanctions européennes. Ils enquêtent également afin d’identifier d’autres noms de riches russes proches de Poutine.

Dans la nuit de mercredi à jeudi, c’est ainsi un yacht de 86 mètres de long, propriété du patron du géant pétrolier Rosneft, Igor Setchine, qui a ainsi été saisi sur un chantier naval de La Ciotat, dans les Bouches-du-Rhône. Le bateau, estimé à 120 millions d’euros, s’apprêtait à prendre le large après des travaux de réparation. Pour le moment, les administrations refusent toutefois de dire combien d’oligarques ont des biens en France, pour quel montant et combien sont gelés, mais les montants pourraient être importants.

 

Sources diverses

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