Siavosh Derakhti, fondateur de l’association Jeunes contre l’antisémitisme et la xénophobie, le 28 février 2019 organise des prises de parole pour sensibiliser les jeunes au génoci © Thibault SAVARY / AFP

 

Venus de Syrie, d’Afghanistan ou de Somalie, beaucoup de jeunes réfugiés en Suède savent situer Israël sur une carte mais ignorent jusqu’à l’existence de l’Holocauste: l’école est souvent leur premier contact avec l’histoire des Juifs d’Europe.

« Un de mes professeurs était harcelé par les élèves. Il est juif, et ils se moquaient tout le temps de lui », témoigne Nergis Resne, 19 ans, de parents turco-macédoniens.

La jeune femme a depuis rejoint l’association « Jeunes contre l’antisémitisme et la xénophobie » créée par Shiavosh Derakthi à Malmö (sud), ville natale du footballeur Zlatan Ibrahimovic dont un habitant sur trois est né à l’étranger.

Malgré les menaces en ligne, il organise des conférences dans les écoles, des groupes de parole et des voyages d’étude sur les sites d’anciens camps de concentration pour sensibiliser les jeunes au génocide des juifs.

« Une partie d’entre eux viennent de dictatures, de zones de guerre aux opinions antisémites, homophobes et antifemmes », explique l’éducateur de 27 ans, originaire d’Iran, récipiendaire en 2013 du premier prix Raoul Wallenberg institué en hommage au diplomate suédois qui sauva des milliers de juifs hongrois.

Comme le montre Shiavosh Derakthi à partir d’un compte Facebook, la communauté éducative a fort à faire face aux préjugés, « fake news » et théories conspirationnistes pullulant sur les réseaux sociaux.

« Le plus populaire est sans conteste YouTube où la propagande de l’extrême droite radicale et la propagande de l’islam radical se rejoignent parfois », explique Jonathan Leman, chercheur à Expo.

Cette fondation créée par Stieg Larson, auteur de la trilogie policière Millenium, vient d’éditer un manuel à l’intention des enseignants pour les aider à lutter contre toutes les formes d’antisémitisme.

L’idée de ce fascicule est née d’un constat à partir d’une enquête d’Expo réalisée auprès de 100 enseignants en 2016: neuf profs sur dix déclaraient se heurter à des théories conspirationnistes, dont deux directement liées aux juifs: les juifs contrôlent le monde, l’Holocauste ne s’est pas produit comme le dit l’histoire.

– L’imam et le rabbin –

A deux pas d’Expo, dans la vieille ville de Stockholm où défilent régulièrement les néonazis, Ingrid Lomfors reçoit des écoliers par milliers au « Forum pour l’histoire vivante ».

Ici, la méthode pour apprendre, faire comprendre, c’est le témoignage plutôt que la leçon de morale.

« L’an dernier j’ai eu un bel échange avec trois jeunes filles musulmanes sur Anne Frank », adolescente juive allemande qui a tenu un journal avant de mourir en déportation, explique Ingrid Lomfors.

« Elles ne savaient rien d’Anne Frank, elles ont parcouru l’exposition. Et puis à la fin deux d’entre elles m’ont confié qu’elles s’étaient identifiées à elle, à cause de l’enfermement, la menace constante, la persécution, ne pas savoir si on sera vivant le lendemain ».

A Malmö, un imam, Salahuddin Barakat, et un rabbin, Moshe-David HaCohen, ont ensemble fondé le projet Amanah pour réunir les deux communautés lors de festivals et de lectures.

Un défi d’autant plus grand que la ségrégation urbaine et scolaire s’accroît en Suède.

– Profil bas –

Selon le dernier rapport du Conseil de prévention de la délinquance datant de 2016, 3% des délits déclarés liés à l’appartenance religieuse, ethnique, politique ou sexuelle revêtaient un caractère antisémite, pour une population estimée à entre 15.000 et 20.000 juifs sur 10 millions d’habitants.

En décembre 2017, de jeunes migrants depuis condamnés, originaires de Syrie et des Territoires palestiniens, ont attaqué la synagogue de Göteborg (sud-ouest) au cocktail Molotov, sans faire de blessés.

Les plaintes enregistrées par la police ne montrent pourtant pas d’augmentation significative des actes antisémites alors que la Suède a accueilli 400.000 migrants depuis 2014, plus que tout autre pays européen par rapport à sa démographie.

Il est par ailleurs impossible d’en déterminer les auteurs en fonction de leurs origines.

En 2016, les délits islamophobes déclarés étaient plus de deux fois plus nombreux (7%). Mosquées et centres pour demandeurs d’asile ont été la cible de multiples attentats.

Par prudence, « beaucoup (de juifs) choisissent de faire profil bas dans l’espace public. Ils peuvent par exemple cacher un pendentif avec l’étoile de David à l’intérieur de leur chemise ou enlever leur kippa dès qu’ils sortent de la synagogue », croit savoir le porte-parole des juifs de Malmö, Fredrik Sieradzki.

Le gouvernement a promis en janvier des moyens supplémentaires pour « permettre aux jeunes de se rendre dans les lieux du souvenir » de l’Holocauste. Et la Suède accueillera en 2020 une conférence internationale sur le génocide.

Source: francesoir.fr

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