«Le Journal d’Anne Frank est un texte d’une grande sensibilité où une adolescente couche sur le papier, pendant les deux ans que dure son retrait du monde, ses moments d’angoisse, de détresse, de joie, de tourment, de révolte, de rire, d’émotion.» Capture d’écran Internet

«L’écriture servait de refuge à Anne Frank durant son retrait du monde»

FIGAROVOX/TRIBUNE – L’écrivain Salomon Malka a profité du confinement pour découvrir le Journal d’Anne Frank. Il y voit une ode très sensible à la vie, empreinte d’une grande maturité compte tenu de l’âge de son auteur.

Par Salomon Malka 

Salomon Malka est journaliste et écrivain. Il a récemment publié Dieu, la République et Macron (Cerf, 2019).


C’est une faute lourde, je la confesse honteusement, je n’avais encore jamais lu le Journal d’Anne Frank. Le témoignage de Miep Gies, la femme qui aida la famille Frank pendant la guerre, oui. Les films, les pièces de théâtre, les chansons, les visites au Musée d’Amsterdam, difficile de passer à côté. Mais pour des raisons mystérieuses et ignorées de moi, le Journal intime était resté non-ouvert dans ma bibliothèque. Heureusement, c’est une des rares vertus du Covid 19, il a permis à nombre de lecteurs de réparer quelques manques criants. Et c’est une découverte. Un texte d’une grande sensibilité où une adolescente couche sur le papier, pendant les deux ans que dure son retrait du monde, ses moments d’angoisse, de détresse, de joie, de tourment, de révolte, de rire, d’émotion.

Anna Frank a 13 ans quand elle entre en confinement.

Elle a 13 ans quand elle entre en confinement. Elle a emporté avec elle un petit cahier à couverture de tissu orange à carreaux que son père lui a offert pour son anniversaire, quelques jours avant le départ pour leur cachette commune.

La cachette? C’est un immeuble dans une rue centrale d’Amsterdam, la Prisengracht. Au-dessus de l’entrepôt d’Otto Frank, au deuxième étage, une porte armoire fait communiquer l’Entrepôt avec ce qu’Anne Frank a toujours appelé «l’Annexe» (elle voulait même écrire un livre qui porterait ce nom, en redoutant que ça ne fasse penser à un roman policier). Une bibliothèque était entreposée devant la porte de la cachette.

Lorsqu’on ouvrait la porte, la bibliothèque pivotait de manière à donner accès à la cachette. C’était ingénieux, partant de l’idée qu’il fallait se dissimuler derrière ce qu’il y avait de plus voyant et de plus évident. Dans la cachette, ont vécu M. et Mme Frank, Anne et sa sœur aînée Margot, Hermann Van Dean, son épouse et son fils Peter. Sept clandestins auxquels se joindra plus tard le Dr Dussel, un dentiste ami de la famille («Quand il y en a pour sept, il y en a pour huit»).

Le journal intime d’Anne Frank commence dès le lendemain de son anniversaire. Elle raconte les scènes de la vie quotidienne dans son lycée, les jalousies, les rivalités, les chicaneries, les amourettes entre camarades de classe. Défilent les appréciations sur les garçons de l’école. Celui-ci est un admirateur, l’autre un casse-pieds, le troisième un barbant. Elle se livre sans fards, et même avec une joie gourmande, tout en se demandant qui pourrait s’intéresser aux confidences d’une écolière de treize ans. À vrai dire, elle n’en a cure. Elle est douée d’un solide caractère et a une furieuse envie d’écrire, de relater tout ce qui lui passe par la tête et de le partager avec une amie fictive à laquelle elle s’adresse: «Le papier a plus de patience que les gens.»

Silence total pendant la journée.

Dans la cachette désormais, elle décrit les menus faits et gestes de son quotidien, s’amuse à dessiner les portraits de tous les protagonistes et raconte les humeurs des uns et des autres. Silence total pendant la journée. La vie reprend dès que le dernier employé est parti. Les passages de relais, tôt le matin, dans la salle de bains avant l’arrivée des employés à l’atelier. Ou l’utilisation d’un baquet à tour de rôle, chacun dans le coin qu’il a choisi.

La radio est réglée sur Londres, à bas bruit. La vie s’organise, mais la petite famille ne fait rien d’autre que tenter d’accélérer le déroulement des journées – lectures, études, radio, apprentissage des langues, français, latin, sténo, mythologie grecque et romaine… – et d’attendre que le confinement finisse par s’arrêter. De temps en temps, des moments d’angoisse, comme lorsqu’Anne est devenue très myope et qu’on a décidé de la faire accompagner par Miep Gies chez l’oculiste. Mélange de panique et de joie, avant que le père ne les force à renoncer, parce qu’il vient d’entendre à la radio que les Anglais ont débarqué en Sicile, et qu’il juge préférable d’abandonner le projet.

Le musée Anne Frank d’Amsterdam réaménagé pour la «nouvelle génération»

«Le Journal d’Anne Frank est un texte d’une grande sensibilité où une adolescente couche sur le papier, pendant les deux ans que dure son retrait du monde, ses moments d’angoisse, de détresse, de joie, de tourment, de révolte, de rire, d’émotion.»

«Le Journal d’Anne Frank est un texte d’une grande sensibilité où une adolescente couche sur le papier, pendant les deux ans que dure son retrait du monde, ses moments d’angoisse, de détresse, de joie, de tourment, de révolte, de rire, d’émotion.» Capture d’écran Internet

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