Présenté par le sénateur LR Bruneau Retailleau, la résolution adoptée mardi vise à «désamorcer les veto des grandes nations de l’Onu» pour saisir la Cour pénale internationale sur les crimes de l’État islamique.
L’initiative est symbolique, mais elle a le mérite d’avoir réuni une large majorité transpartisane derrière elle. Le Sénat a voté mardi à l’unanimité une résolution visant à reconnaître les crimes de génocide commis par l’État islamique contre les minorités ethniques et religieuses, ainsi que les populations civiles en Syrie et en Irak.
Présentée par le filloniste Bruneau Retailleau, elle a reçu le soutien des groupes socialiste et écologiste. Seuls les communistes se sont abstenus.
«Éradiquer Daech militairement, c’est l’objectif prioritaire», explique le sénateur de Vendée, Bruneau Retailleau. «Mais il faut aussi le combattre par le droit», poursuit l’élu Les Républicains, par ailleurs président du groupe de liaison avec les chrétiens et les minorité au Moyen-Orient.
Pas de reconstruction sans réconciliation
La résolution dispose donc que les actes commis par l’État islamique contre «les populations chrétiennes, yazidies, des autres minorités et des populations civiles» sont des «crimes de guerre», des «crimes contre l’humanité» et constituent un «génocide».
En partant auprès de l’organisation terroriste, les djihadistes français se rendent donc «coupables de ces crimes». Le texte invite ainsi le gouvernement à «utiliser toutes les voies de droit» pour faire reconnaître et juger ces crimes.
En ligne de mire, la Cour pénale internationale (CPI) qui est habilitée à juger de tels crimes. «La reconstruction de ces pays ne se fera pas sans réconciliation, et il n’y aura pas de réconciliation sans que justice soit rendue», estime Bruno Retailleau. Une position que salue Mgr Pascal Gollnisch, président de l’Oeuvre d’Orient: «Cette résolution est symbolique, mais les symboles sont extrêmement importants. Les populations traumatisées par Daech ont besoin de voir que les instances internationales ne laisseront pas passer ces crimes.»
L’initiative a été unanimement saluée dans l’hémicycle, malgré quelques réserves. Daech «est bien un totalitarisme puisqu’il conjugue terreur et idéologie», estime la sénatrice socialiste Bariza Khiari. L’élue de Paris approuve l’initiative du sénateur Les Républicains, tout en émettant une réserve qui reviendra à plusieurs reprises dans les rangs de l’opposition: La condamnation de ces crimes «ne doit pas varier selon l’origine des victimes», explique-t-elle en citant les propos de Laurent Fabius lors de la conférence de Paris sur les victimes de violences ethniques et religieuse au Moyen Orient en septembre 2015. «N’oublions pas que les premières victimes de Daech sont bel et bien des musulmans», poursuit-elle en citant l’ancien ministre des Affaires étrangères. Elle souligne ainsi que Daech se livre à une «éradication ethnique et religieuse» systématique de tous ceux qui «refusent de se soumettre».
La sénatrice EE-LV Esther Benbassa, qui soutient la résolution, regrette également qu’il ne soit fait aucune mention «des autorités syriennes», de ses «alliés russes» et des «milices étrangères» qui commettent «quotidiennement des crimes de guerre notamment à Alep».
La France a déjà tenté de faire saisir la Cour pénale internationale des crimes commis en Syrie, en vain. En mai 2014, elle avait proposé une résolution qui dénonçait les crimes commis tant par l’État islamique que par le régime syrien. Sans surprise, le texte est bloqué par un veto de deux membres permanents, la Russie et la Chine. C’est pourquoi Bruno Retailleau préconise de se concentrer sur Daech, pour «désamorcer les veto des grandes nations de l’ONU». Une démarche qu’approuve Mgr Gollnish: «Il faut établir une priorité des actions à mener, c’est une question de sens politique», estime-t-il. «Quand la guerre a éclaté en 2011, on disait que Bachar el Assad tomberait au bout de 15 jours. Cinq ans plus tard, force est de constater qu’il y a eu une erreur d’appréciation. La position française du «ni Daech, ni Bachar», n’a plus aucun crédit.»