Matignon sonne la mobilisation générale avec un plan gouvernemental composé de 80 mesures qui devraient être annoncées ce lundi.

Le Premier ministre, Manuel Valls, à l'Assemblée nationale, le 4 mai 2016. Le chef du gouvernement présentera ce lundi matin la feuille de route du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR).

Le Premier ministre, Manuel Valls, à l’Assemblée nationale, le 4 mai 2016. Le chef du gouvernement présentera ce lundi matin la feuille de route du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). (AFP/BERTRAND GUAY)

Pour le Premier ministre, Manuel Valls, il s’agit d’un « document stratégique de type livret blanc », censé résumer la politique du gouvernement en matière de lutte contre la radicalisation et le terrorisme.

Entouré d’une ribambelle de ministres (Intérieur, Justice, Défense, Education nationale, Recherche, Santé, Culture, Jeunesse et Sports…), le chef du gouvernement présentera ce lundi matin la feuille de route du Comité interministériel pour la prévention de la délinquance et de la radicalisation (CIPDR). Un catalogue de 80 mesures plus ou moins inédites, qui vont de la mobilisation des armées sur le terrain à la meilleure prise en charge des victimes de terrorisme, qui révèle surtout le souci d’associer le plus grand nombre d’acteurs de la société, publics comme privés, laïcs mais aussi religieux, à cette problématique.

Une « mobilisation générale », dixit Manuel Valls, qui part d’un constat sans concession. « La radicalisation et le terrorisme sont liés, argumente le Premier ministre. On est face à un phénomène sournois qui a pénétré très largement la société et qui la menace, car il peut se massifier. La radicalisation d’une partie de notre jeunesse, séduite par un modèle de contre-société mortifère, est à mon sens le défi le plus grave auquel nous faisons face depuis la Seconde Guerre mondiale, car il abîme en profondeur le pacte républicain. »

Doubler les capacités de prise en charge des personnes radicalisées

Si le plan présenté ce lundi matin comporte toute une série de mesures purement sécuritaires, il met aussi l’accent sur la déradicalisation. Sans fixer de doctrine, mais avec un objectif général : doubler d’ici à deux ans les capacités de prise en charge des personnes radicalisées ou en voie de radicalisation, et de leurs familles. Le système mis en place en 2014, avec l’instauration du numéro vert de signalement et la création de cellules de suivi préfectorales, est amplifié.

Une « cellule nationale de coordination » doit aussi voir le jour au sein du CIPDR. Une manière de répondre aux nombreuses critiques sur l’hétérogénéité et l’efficacité variable des structures sollicitées en urgence pour mener la déradicalisation. « Certaines associations sont débordées ou pas à la hauteur de la tâche », regrettait par exemple publiquement Nathalie Bécache, la procureur de la République de Créteil (Val-de-Marne), lors d’un colloque organisé il y a dix jours par le CIPDR. « C’est vrai qu’on a tâtonné, admet Manuel Valls, mais ça a été le cas dans tous les pays confrontés au problème. » Une « grille d’indicateurs de sortie de la radicalisation » sera élaborée afin de mesurer l’efficacité des programmes entrepris.

La recherche encouragée

Le plan prévoit enfin d’encourager la recherche, avec la mise en place d’un « conseil scientifique permanent sur la radicalisation et le terrorisme » et l’attribution de bourses universitaires pour les travaux relevant de ce champ. Il n’y a pas si longtemps, Manuel Valls s’attirait pourtant les foudres du monde de la recherche avec sa fameuse déclaration : « Expliquer, c’est déjà vouloir un peu excuser. » « Je tenais simplement à rappeler que la responsabilité individuelle des personnes qui vont combattre ne devait pas être occultée, se défend-il. Mais nous avons bien entendu besoin d’approfondir nos connaissances sur la question. Nous devons mettre en place une école de pensée française qui nous permette d’avoir un temps d’avance. »

Timothée Boutry

QUESTION DU JOUR. Pensez-vous que la déradicalisation est utile dans la lutte contre le terrorisme ?

Le nouvel arsenal contre le djihad

Le catalogue de 80 mesures amplifie les principes fixés par le premier plan de lutte contre la radicalisation, déployé il y a deux ans. Il consacre les engagements pris en matière de renforcement d’effectifs (dans les services de renseignement, notamment) et rassemble aussi un certain nombre de décisions déjà débattues au Parlement.

Sensibiliser

Mieux détecter les signes de radicalisation devient une préoccupation générale. Le plan de prévention interne à l’Education nationale est complété, avec notamment un nouveau cycle de formations du personnel. Le contrôle est également mis sur l’enseignement à domicile, en plein essor. Les collectivités territoriales, dont les élus se sentent souvent démunis, pourront être représentées au sein du comité interministériel et le problème de la radicalisation est désormais systématiquement intégré aux contrats de ville.

Le contrôle sera renforcé sur les clubs sportifs, avec menace de retrait de l’agrément en cas de dérive avérée. Un module de prévention est également intégré à la journée défense et citoyenneté, à laquelle tous les jeunes doivent se soumettre entre 16 et 25 ans. Les initiatives des institutions représentatives du culte musulman seront par ailleurs encouragées.

Enfermer

Même si une résistance locale s’est développée, un premier centre de réinsertion et de citoyenneté devrait ouvrir cet été à Beaumont-en-Véron (Indre-et-Loire). Ce centre d’hébergement vise à accueillir, pour une période donnée, une trentaine de jeunes en voie de radicalisation avec un encadrement pluridisciplinaire renforcé. L’objectif est de créer d’ici la fin de l’année prochaine un centre dans chaque région, soit une dizaine. Certains d’entre eux pourraient accueillir des personnes dont l’ancrage dans la radicalisation est plus important, faisant éventuellement l’objet d’un suivi judiciaire, voire de retour d’une zone de conflit. « Je suis hostile à ces djihad academy, raille le chercheur Asiem El Difraoui. Certains radicalisés sont passés maîtres dans l’art de la dissimulation. Il suffit d’un leadeur pour retourner tout un groupe. »

Surveiller

La France devrait se doter cet été de son propre dispositif PNR (données des dossiers passagers, c’est-à-dire l’ensemble des informations des voyageurs prenant l’avion sur son territoire). L’efficacité d’un tel dispositif n’a cependant de sens que si tous les pays de l’espace Schengen s’y mettent. Les discussions sont en cours à Bruxelles.

Par ailleurs, la protection des sites sensibles est accentuée. Le contrôle des personnes exerçant une profession réglementée ou disposant d’un accès en zone sensible (aéroport, centrale nucléaire…) sera désormais quasi permanent. « Il faut s’adapter aux trajectoires de radicalisation extrêmement rapides. Les enquêtes administratives tous les trois ans ne suffisent plus », explique-t-on à Matignon.

La surveillance s’accroît également en prison. Dans le cadre du projet de loi renforçant la lutte contre le crime organisé et le terrorisme, encore à l’examen, les parlementaires ont décidé de rattacher le service de renseignement pénitentiaire à la communauté du renseignement. Au grand dam notamment du contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL), les agents de l’administration pénitentiaire pourront donc avoir recours à des méthodes intrusives.

Enfin, des améliorations techniques sont programmées. La nouvelle plate-forme nationale des interceptions judiciaires (PNIJ), dont la Cour des comptes vient de dénoncer le coût exorbitant, devra être mise au niveau technologique pour mieux déchiffrer les communications cryptées. Le contrôle de la propagande sur Internet sera également amélioré.

Et punir

C’est l’une des mesures les plus symboliques du projet de loi sur la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. Avec l’accord du gouvernement, les députés ont adopté le principe de la perpétuité réelle pour les auteurs d’actes de terrorisme. Concrètement, la période de sûreté pour les condamnés à la perpétuité serait relevée de vingt-deux à trente ans, comme c’est aujourd’hui le cas pour les meurtres d’enfants accompagnés de viol ou d’actes de torture et ceux commis contre des représentants des forces de l’ordre.

Timothée Boutry et Eric Hacquemand

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