Le « jeu » qu’Israël et l’Iran doivent jouer en Syrie

 

 

BESA Centre Perspectives Paper n ° 825, 8 mai 2018

SOMMAIRE EXÉCUTIF : Israël n’a ni le pouvoir ni la motivation pour influencer de manière significative l’issue de la guerre pour le contrôle de toutes les parties de la Syrie. L’objectif d’Israël en Syrie est d’empêcher l’Iran de construire là-bas des installations militaires qui augmentent sa capacité à attaquer Israël. La seule façon pour qu’Israël puisse atteindre ses objectifs est de détruire toutes ces installations que l’Iran construit, ou de finir par persuader l’Iran de ne construire aucune installation menaçante par crainte qu’Israël ne la détruise aussitôt.  

Israël ne peut pas faire grand-chose pour influer sur les résultats de la lutte pour le contrôle de la Syrie et de ses composantes. Jérusalem n’a pas de fortes préférences, parmi les résultats alternatifs probables, qui sont tous mauvais pour Israël. (Pour des raisons humanitaires, Israël souhaite que les attaques sanglantes contre des civils s’arrêtent, mais les bénéfices s’accumulent, pour la sécurité d’Israël, tant que ses ennemis se battent entre eux. [1] )

Les principaux intérêts pratiques pour Jérusalem en Syrie sont d’empêcher là-bas la construction d’installations militaires qui augmenteraient la capacité de l’Iran à attaquer Israël et d’empêcher l’Iran de contrôler le territoire près des hauteurs du Golan.

Israël a fait des efforts politiques pour protéger ses intérêts en Syrie, mais il n’y a pas beaucoup de chances que de tels efforts puissent réussir. Même si, pour une raison quelconque, un parti extérieur comme la Russie incite l’Iran à ne pas construire de base qui menacerait Israël, on ne peut pas compter sur l’Iran pour s’en tenir un tel accord formel, et personne d’autre n’aura d’influence suffisante pour insister afin que l’Iran y renonce. L’Iran se soucie plus de cette question que quiconque, excepté Israël.

Israël doit donc essayer d’empêcher l’Iran d’acquérir de nouvelles capacités qui puissent le menacer depuis la Syrie. Il ne peut le faire à travers des demandes diplomatiques ou d’autres formes de négociations avec l’Iran. Mais Israël peut empêcher l’Iran d’avoir de nouvelles installations militaires en Syrie – telles que des bases ou des usines – en bombardant toutes ces installations que l’Iran construit, de sorte qu’elles deviennent inutilisables.

Ce « jeu » stratégique est bien compris, à la fois par Israël et par l’Iran. Pour l’instant, aucun des deux camps ne veut une guerre, mais chacun est prêt à prendre des mesures qui pourraient porter à incandescence le risque de guerre. Ils seront tous les deux prudents, mais aucun n’est susceptible de rester passif. Le « jeu » comporte plus de complexités et de nuances que nous ne pourrions le présenter ici.

Le premier niveau de complexité est que les deux parties lancent des menaces plus lourdes que ce qu’elles sont prêtes à réaliser. Téhéran menace d’attaquer Israël s’il bombarde des bases iraniennes en Syrie, tandis que Jérusalem dit qu’il n’acceptera pas la présence des actifs iraniens qui menacent Israël partout en Syrie. Chaque partie tente d’amener les autres parties à intervenir pour arrêter son ennemi afin d’empêcher une nouvelle guerre.

Chaque camp comprend que les menaces de son ennemi sont exagérées, mais aucun n’est certain de ce que l’autre fera réellement. L’Iran a déjà commencé en construisant une petite base dans le sud de la Syrie à partir de laquelle il a lancé un drone pour faire exploser une petite bombe au nord d’Israël. En détruisant les installations iraniennes de cette base, Israël a démontré sa volonté et sa capacité à empêcher l’Iran d’accumuler des forces si proches d’Israël. L’Iran a appris qu’il lui faudrait garder une plus grande distance ou risquer un revers militaire humiliant.

Les deux parties ont dû payer un prix pour bénéficier de cette expérience d’enseignement / apprentissage. L’Iran a perdu tout ce qu’il avait investi dans la construction de la base. Plus important encore, il a subi l’embarras d’être attaqué sans avoir la capacité d’apporter une réplique suffisante – c’est-à-dire que certaines de ses menaces se révélaient instantanément comme creuses. Alors qu’Israël a atteint son objectif immédiat, il a aussi eu un prix à payer. Toute attaque militaire implique des coûts et des risques, même si les dangers qui sont envisagés ne se produisent pas. Et bien qu’il y ait des avantages politiques à utiliser la puissance militaire avec succès, il y a aussi des contreparties politiques.

L’Iran doit maintenant savoir s’il peut construire en toute sécurité une installation plus loin de la frontière avec Israël. A Combien de distance s’évalue cette nécessité d’éloignement? Israël ne tracera pas une ligne précise, car un certain degré d’incertitude peut jouer en sa faveur. La juste distance jusqu’à laquelle Israël exclura toute installation iranienne dépend de toutes sortes de détails et de considérations politiques. La seule façon dont l’Iran peut déterminer les limites que s’accorde Jérusalem est de construire quelque chose et de voir si Israël le détruit. Mais si elle traverse une ligne rouge israélienne, l’Iran subira des pertes, comme celles de la destruction israélienne de sa base de lancement de drones le mois dernier.

Les dirigeants iraniens se soucient beaucoup plus de savoir qui contrôle la Syrie que de la construction de bases en Syrie qui menacent Israël, et ils ne semblent pas vouloir mener une guerre avec Israël en ce moment. Donc, pour l’instant, Israël peut probablement empêcher l’Iran de construire des installations militaires en Syrie qu’il trouve menaçantes et inacceptables, contribuant ainsi à la paix et à la sécurité de la région. Cette capacité repose sur le fait que Téhéran continue de croire que Jérusalem peut et va utiliser des frappes militaires pour empêcher la Syrie de devenir une base pour les attaques iraniennes contre Israël.

Lorsque la question du contrôle de toutes les parties de la Syrie sera définitivement réglée – ce qui prendra probablement encore au moins plusieurs années -, l’Iran pourrait mettre davantage l’accent sur son objectif de pouvoir utiliser la Syrie comme une autre base pour attaquer Israël. Peut-être sera-t-il moins préoccupé à ce moment-là d’éviter la guerre avec Israël, surtout s’il a obtenu des armes nucléaires d’ici là. Si cela se produit, Israël aura moins de capacité à limiter la construction des installations militaires de Téhéran en Syrie, bien que cela dépende aussi, dans une certaine mesure, de la nature du nouveau régime ou des régimes en Syrie.

Il est également tout à fait possible qu’au moment où la guerre en Syrie sera réglée, il y aura un nouveau régime dirigeant l’Iran. Cela mettrait fin au « jeu » décrit ici et réduirait considérablement beaucoup d’autres problèmes qui sème le trouble, à présent, la région.

Par le le 8 mai 2018

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M. Singer, fondateur et agrégé supérieur de l’Institut Hudson, est chargé de cours au Centre Begin-Sadat pour les études stratégiques à l’Université Bar-Ilan en Israël.

BESA Center Perspectives Papers sont publiés grâce à la générosité de la famille Greg Rosshandler

[1] La capacité de toute démocratie à influencer le résultat est limitée par ce que l’on pourrait appeler « le problème de Sabra et Shatilla »; c’est-à-dire un manque d’alliés locaux à qui l’on peut faire confiance pour s’abstenir de massacres et de nettoyage ethnique.

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