LE FANTÔME DE L’INFLATION
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Depuis quelques temps, le sujet de l’inflation refait surface pour au moins trois raisons :
  • Une résurgence de l’inflation atténuerait le poids des dettes et surtout des dettes publiques qui ont explosé avec l’accroissement des déficits dus à la lutte contre les effets de la pandémie. Aussi, de nombreux responsables et commentateurs n’hésitent pas l’appeler de leurs vœux et à inciter les gouvernements à tout faire pour la susciter.
Même s’il est difficile de décréter l’inflation, un gouvernement peut susciter et alimenter une tendance inflationniste par
  • La revalorisation du salaire minimum au-delà du minimum légal ; il s’ensuit, par contagion, une forte probabilité de propagation aux salaires privés et, par vagues successives, une inflation par les coûts,
  • L’augmentation des salaires des agents publics avec la même probabilité de diffusion à l’ensemble de l’économie que précédemment,
  • L’accroissement des prix des services publics qui justifient des demandes de revalorisation salariale et déclenchent, à leur tour, la spirale infernale des augmentations prix/salaires.
  • Certains prédisent que l’actuelle remontée des taux d’intérêt américains préfigurerait un retour de l’inflation. Certes les milliers de milliards de dollars du dernier plan de relance américain viennent s’ajouter aux milliers de milliards de dollars des deux précédents plans et entraînent une création monétaire inégalée dans l’histoire du Monde et un niveau de la dette fédérale exceptionnelle dans l’histoire américaine. Pour autant, l’augmentation récente des taux est un des effets collatéraux de ce tsunami monétaire. C’est aussi un premier signe de la crainte des épargnants, investisseurs et autres créanciers. Mais il n’est pas sûr qu’elle se diffuse à l’ensemble des taux, et qu’elle se transforme en inflation.
  • L’envolée du prix du baril et de certaines matières premières est considérée comme l’amorçage d’un mouvement inflationniste. Avec les premiers confinements du début 2020 et le ralentissement économique, le pétrole chute avec un plus bas de moins de 20 $ ou € en avril. Un an après, son prix autour de 65 $ ou € a plus que triplé et interpelle. Les causes de cette explosion n’apparaissent pas au premier abord. Est-ce le signe d’une activité économique plus soutenue que ne le laisse envisager les prévisions ? Est-ce la manifestation d’une défiance vis-à-vis des monnaies qui seraient moins protectrices de l’épargne des opérateurs économiques ? Est-ce le symbole du recours à des produits « refuge » ?
Assiste-t-on à un retour de l’inflation, et notamment à une évolution identique à celle occasionnée dans les années soixante-dix avec le quadruplement du prix du pétrole ?
Au-delà de cet éventuel démarrage de l’inflation, ses principales causes sont nombreuses :
  • L’inflation par la demande. Sur un marché, le prix est déterminé par la rencontre de l’offre et de la demande ; lorsque la demande excède l’offre, l’équilibre se réalise par une augmentation des prix, et l’accroissement du prix d’un produit peut progressivement se généraliser et se transformer en inflation.
  • L’excès de signes monétaires peut entraîner, selon la théorie monétariste, une hausse automatique des valeurs nominales des biens. Cette relation explique la recommandation monétariste de caler la création monétaire sur la production économique et de s’y tenir sur longue durée. Or depuis une dizaine d’années, les banques centrales ont développé des politiques non conventionnelles qui inondent les marchés de liquidités. La lutte contre la pandémie a aggravé cette situation. Et il ne se passe rien ! L’absence de manifestation ne doit pas empêcher de craindre le pire !
On ne peut indéfiniment emprunter sans limite. On ne peut indéfiniment faire marcher la planche à billets sans conséquence. À un moment ou un autre, lorsque le niveau de la dette deviendra insoutenable, les responsables politiques finiront par utiliser les bilans des banques centrales. Les présidents et gouverneurs de banque centrale sont obligés de faire rempart face à un tel risque cataclysmique. La tentation est cependant grande d’utiliser les réserves pour effacer les créances publiques portées par les banques centrales… !
  • L’inflation par les coûts et plus particulièrement les salaires, schématisée par « la courbe de Philips » qui établit la corrélation entre hausse des salaires et niveau des prix. La pression de la concurrence internationale a conduit à contrôler strictement les salaires et donc le risque de ce type d’inflation.
  • L’inflation par l’indexation. Le principal effet collatéral de l’inflation est la diminution du pouvoir d’achat des opérateurs économiques. Aussi, pour la contrecarrer, des mécanismes d’indexation sont souvent mis en place, mais ont pour conséquence d’auto entretenir le mouvement…
Au-delà de l’existence d’autres causes de l’inflation, force est de constater que ces principaux mécanismes explicatifs de l’inflation n’ont pas fonctionné depuis une trentaine d’années. C’est un des bienfaits de la mondialisation. En effet, la concurrence débridée et généralisée entraînée par l’ouverture des frontières a exercé une pression sur les prix nonobstant toutes les manifestations des causes traditionnelles d’inflation, et ce pour le plus grand bien des consommateurs. Leur pouvoir d’achat a été amélioré par deux phénomènes concomitants, des prix contenus et des revenus préservés par l’absence d’inflation.
Prenons garde que les remises en cause du libre-échange n’atténuent ces bénéfices et conduisent à la reconstitution de secteurs protégés et de rentes. Si la mondialisation a des effets négatifs, ce n’est pas à cause de la liberté de commercer de par le monde, mais à cause du non-respect d’une règle essentielle, l’adaptation du change. L’intérêt des Nations à commercer ensemble réside dans le fait que chacune doit être gagnante, qu’il ne peut y avoir de perdante. Il s’ensuit que l’apparition d’un déficit de la balance commerciale doit entraîner une dévaluation de la monnaie et qu’en sens inverse, un excédent doit se traduire par une revalorisation du change. Ce mécanisme d’ajustement automatique est indispensable.
Or depuis trente ans, la Chine ne cesse d’engranger des excédents et n’hésite pas à déprécier le yuan pour maintenir sa suprématie d’atelier du monde. Cela ne fait qu’accentuer les déséquilibres et justifie les positions américaines de contestation des conditions de certains échanges. Tant que la communauté internationale n’aborde pas ce sujet, il subsiste et subsistera un dysfonctionnement dans la mondialisation qui est et sera critiquée pour de mauvaises raisons.
N’oublions pas que l’inflation est une augmentation générale et durable des prix qui entraine une perte du pouvoir d’achat de la monnaie. N’oublions pas que l’inflation entraine un appauvrissement de
  • La Nation qui est obligée d’acheter plus cher les produits importés et vend moins cher les fruits du travail de sa main d’œuvre. De 1918 à la fin des années quatre-vingt-dix, et à l’exception de la décennie soixante, la France a connu cette situation et n’a pu se développer qu’au prix de dévaluations répétées…
  • Certaines catégories de la population et plus particulièrement de celles dont les revenus ne sont pas immédiatement indexés sur la hausse des prix. Ainsi, les actifs sont confrontés à l’appauvrissement alors que les nantis et particulièrement les propriétaires assistent, « même en dormant », à leur enrichissement. L’inflation creuse les inégalités et ronge une société.
N’oublions pas que l’hyper inflation allemande des années vingt a facilité l’arrivée des nazis au pouvoir. Ne jouons pas avec le feu ! Comme avait coutume de dire Jean-Claude TRICHET, l’inflation est comme la pâte de dentifrice ; quand elle sort du tube, il est difficile, voire impossible, de l’y retourner.
Dov ZERAH

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