L’héritage juif égyptien, jusque là laissé abandon, renaît

Les volontaires qui tentent de faire revivre l’héritage juif égyptien sont régulièrement confrontés à des choses qu’ils auraient préféré ne pas voir : des cours de synagogue devenues des dépotoirs, des cimetières juifs détruits et d’anciens manuscrits jetés et négligés. « Nous sommes arrivés dans des endroits fermés depuis 70 ans qui sont devenus – je regrette de le dire – de véritables dépotoirs, avec des dégâts suite à une négligence épouvantable », déclare le professeur Yoram Meital du département d’études sur le Moyen-Orient de l’Université Ben Gourion.

Depuis cinq ans, Meital, 63 ans, un spécialiste de l’Égypte, participe à un projet visant à conserver des synagogues, des cimetières et d’autres sites juifs en Égypte. Le projet est mené par la petite communauté juive qui reste en Égypte, avec un financement américain et la coopération des autorités égyptiennes. Consultant sur l’histoire de la communauté juive, Meital documente les conditions existantes à travers des photographies et des textes, et crée une base de données détaillée des sites juifs restants en Égypte.

Un trésor révélé

« Je documente les dimensions des synagogues, l’état des rideaux recouvrant l’arche sainte (parochet), l’écriture sur les plaques commémoratives dans les synagogues et les noms des personnes sur les plaques signalétiques apposées sur les chaises de la synagogue », dit-il. Non moins importante est la collecte et la conservation des manuscrits juifs, dont certains sont rares et précieux, découverts au cours de sa documentation. La décharge du quartier Le mois dernier, le projet s’est concentré sur un ancien cimetière juif au Caire. « Quelques 250 camions à ordures ont été utilisés pour nettoyer la zone. L’endroit était devenu le dépotoir du quartier », raconte Meital. Pendant le nettoyage du site, Meital a reçu un message WhatsApp alors qu’il était en Israël. Qui l’a stupéfait. « Ils m’ont envoyé une photo de l’aperçu une genizah (dépôt) à l’intérieur d’une chambre funéraire », dit-il avec enthousiasme. Mais avant d’avoir pu examiner le matériel trouvé là-bas, des fonctionnaires du Conseil suprême égyptien des antiquités sont arrivés et ont emporté les 165 sacs de documents. « Nous ne pouvons pas dire ce qu’ils contiennent et à quel point cela pourrait être précieux », dit-il. Dans le même souffle, il note que c’est à proximité, qu’il y a 120 ans ont été découvertes des parties de la célèbre Genizah du Caire, une collection de manuscrits juifs du IXe au XIXe siècle. Il note que l’un des principes directeurs du projet d’héritage juif est de conserver ce qui se trouve en Égypte. « Nous nous opposons par principe à l’idée de faire sortir des artefacts judaïques d’Égypte, nous privilégions la préservation de ce qui reste du passé juif dans ses lieux d’origine», ajoute-t-il.

Un juif communiste converti à l’islam, qui était un pilier de la Communauté

Le moteur du projet est Magda Haroun, 70 ans, chef de la petite communauté juive d’Égypte, avec Samy Ibrahim, fils d’Albert Arie, un juif communiste converti à l’islam mais qui était autrefois l’un des piliers de la communauté. À son apogée ,dans les années 1940, la communauté comptait 80 000 personnes, la plupart vivant au Caire et à Alexandrie, quelques-unes résidant dans des villes et des villages plus petits. Le nombre de Juifs vivant en Égypte aujourd’hui peut se compter sur une main.

Que va-t-on faire de tous les trésors qui resteront  ?

« Nous nous demandons ce qui se passera quand il n’y aura plus de Juifs ici. Que va-t-on faire de tous les trésors laissés derrière eux ? Les synagogues, les cimetières, dont l’un a plus de 1000 ans, et la Genizah du Caire ? s’interroge Meital. Une idée qu’ils veulent voir se concrétiser est d’utiliser les synagogues comme centres culturels pour les communautés égyptiennes locales, « à condition qu’elles ne changent rien aux artefacts et à l’architecture », dit-il. Le premier test de coopération avec les membres de la communauté locale a été un succès. « Nous avons publié une invitation à visiter la synagogue du Caire sur Facebook après qu’elle ait été fermée pendant 70 ans. Nous avions peur que personne ne vienne, car une synagogue est associée à des Juifs, qui sont identifiés à Israël, etc., mais nous avons essayé », explique Meital. Pas moins de 5 000 personnes ont manifesté leur intérêt, même si les autorités n’ont autorisé qu’une vingtaine de visiteurs. « Mais, grâce au partage sur les réseaux sociaux, les photos et les informations ont atteint des dizaines de milliers de personnes », déclare Meital avec satisfaction. « Tout d’un coup, on a parlé d’un bâtiment qui n’était qu’une façade  devant laquelle les gens passaient sans la voir, pendant des décennies, sans savoir ce qu’il y avait à l’intérieur. »

Synagogue Maïmonide: avant et après rénovation

 

Des rénovations majeures avec un gouvernement généreux et décidé à préserver le patrimoine juif

Il y a 16 synagogues en Égypte, dont 13 au Caire. La moitié d’entre elles sont en « assez bon état », selon Meital. Dans l’une d’elles, se trouve un bureau du gouvernement que la communauté tente de faire partir. Dans la ville d’El-Mahalla El-Kubra, au centre du delta du Nil, Meital et ses partenaires ont trouvé les restes d’une synagogue. Lorsqu’ils y sont arrivés, ils ont été surpris de découvrir que les habitants connaissaient le site, malgré le fait qu’il n’y ait plus aucun juif dans la ville. Ils ont érigé une porte pour le fermer et éviter que cela ne continue à être utilisé comme « un dépotoir et un repaire de drogue », comme l’appelle Meital. L’apogée de la campagne de conservation a eu lieu en 2020 avec l’achèvement de la rénovation de la synagogue Eliyahu Hanavi à Alexandrie, qui a été construite à l’origine au XIXe siècle. Le gouvernement égyptien a couvert tous les coûts de rénovation de la structure.  Cette semaine, pendant Hol Hamoed, les jours intermédiaires de la Pâque, le ministère égyptien du Tourisme et des Antiquités a annoncé qu’il avait commencé à restaurer la synagogue Ben Ezra au Caire, construite il y a près de 1 200 ans, l’une des plus anciennes synagogues du monde. Cette synagogue est le site de la célèbre Geniza du Caire, qui, à ce jour, est la principale source d’écriture de l’histoire des communautés juives orientales. « L’année dernière, l’état du bâtiment s’est sérieusement dégradé. C’est une étape importante et encourageante, qui témoigne de l’engagement des autorités à préserver le patrimoine », a déclaré Meital.

Depuis le printemps arabe, un engouement certain pour le passé juif

La synagogue Sha’ar Hashamayim au Caire, construite en 1905, accueille des organisations de Seder de la Pâque depuis 2017 (mais pas cette année), auxquels les Égyptiens intéressés par le patrimoine juif sont invités. « De simples Égyptiens s’assoient à table et lisent la Haggadah », explique Meital. « Ils s’interrogent sur l’histoire et posent des questions. » Il dit qu’à part quelques excentriques, la plupart des visiteurs montrent un véritable intérêt pour les Juifs d’Égypte, une tendance nouvelle Le printemps arabe a provoqué un relecture de leur identité et de leur histoire par les égyptiens. Meital fait remonter le regain d’intérêt égyptien pour son héritage juif au printemps arabe de 2011. « Nous sommes au milieu d’un processus nouveau et sans précédent, que je peux voir en tant qu’historien, dans lequel le passé juif subit une révision », déclare Meital. « Le printemps arabe a généré un changement politique et social, ouvrant une boîte de Pandore historique, qui a amené les Égyptiens à réexaminer leur identité. » La prise en compte de l’attitude de l’Égypte envers ses minorités est devenue partie intégrante du processus d’auto-examen. Sous le régime d’Abdel Fattah al-Sissi, au pouvoir depuis 2013, la petite communauté juive a obtenu l’autorisation d’entreprendre de nouveaux projets destinés à conserver le patrimoine juif local. Ce processus, décrit par Meital, sans précédent dans son ampleur, rencontre encore des difficultés posées par certaines autorités, mais il espère avancer malgré cela. « La poursuite de ce processus bienvenu de conservation du patrimoine juif dans le cadre du patrimoine égyptien dépend du large soutien de la société et du gouvernement égyptiens », dit-il.  Comme prévu, les opposants au régime ne saluent pas le renouveau juif. « Les Frères musulmans, persécutés par le régime, s’opposent à nos projets. Toute la question évoque un débat interne dans la société égyptienne », déclare Meital.

Des éditions rarissimes miraculeusement préservées

 Jusqu’à présent, dit-il, son équipe a collecté environ 1 000 livres qui ont été « éparpillés partout ». Certaines d’entre elles sont des éditions rares datant des XVIe ou XVIIe siècles. « Parmi ces importantes collections, nous avons trouvé quelques éditions rares ainsi qu’un corpus de manuscrits karaïtes », raconte-t-il. La découverte la plus importante est venue de la synagogue karaïte du Caire, un manuscrit de la Bible écrit il y a 1 000 ans sur du vélin  « conservé en excellent état », dit-il. « C’est incroyable. Ce livre était situé à un endroit où n’importe qui aurait pu le prendre… Il est d’une valeur inestimable. Ce livre de 616 pages, daté de 1028, déjà documenté par des chercheurs, avait ensuite disparu.

Pour la première fois, des informations sur la vie ashkenaze en Egypte

Une autre découverte récente a été trouvée dans la cave d’une synagogue du Caire. « Un petit conteneur en métal était plein de papiers. Lorsque je les ai examinés, j’ai vu qu’il s’agissait d’un registre de toute la communauté ashkénaze en Égypte, y compris les noms, les dates de naissance, l’émigration, les professions et de nombreux autres trésors du passé de la communauté, comme les lettres de plainte », explique Meital. « Tout était rangé à la synagogue, y compris l’histoire d’un médecin juif de Vienne, qui s’est échappé d’Autriche après l’Anschluss, est arrivé à Alexandrie, puis s’est installé au Caire. Lorsqu’il a demandé à être accepté par la communauté juive, il a dit avoir quitté Vienne avec l’aide d’un officier SS », explique Meital. Il a également trouvé des documents sur un théâtre yiddish qui fonctionnait au Caire, mettant en scène des pièces de Shalom Aleichem, ainsi que des invitations à un Pourimspiel. « Nous sommes en mesure pour la première fois de documenter de manière significative la vie de la communauté ashkénaze en Égypte », dit-il avec enthousiasme. Si la vision des organisateurs du projet se réalise, une bibliothèque centrale sera créée au Caire dont les fonds comprendront des manuscrits qui sont actuellement en cours de conservation. Ils sont actuellement détenus dans un endroit sûr, dit Meital, refusant de donner des détails.

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le chat dort

quel trésor ????

c’est Arce l’ Or Meital ???

c ‘ est fini ces oripeaux de souvenirs!!

elli fète mète…..