L’antisémitisme, Pourim et nous par Rav Eliahou Rahamim Zini

Les meilleurs historiens de l’antisémitisme n’arrivent pas à mettre le doigt sur l’essence de cette haine qui semble être apparue après le second exil. La Torah envisage ce problème sous un tout autre angle.

Pharaon est le premier à marquer les signes de cette haine aveugle après avoir été le premier à nous reconnaître comme peuple. Bilaam le suit de près en faisant gicler dans tous sens des slogans antisémites que Dieu transforme en bénédictions. Évidemment Amalek décernant avant tout autre l’envergure particulière de notre peuple se lance à son extermination. Depuis on entend moins parler d’antisémitisme jusqu’au premier exil, et pour cause, l’antisémitisme ne se révèle que par le biais du contact entre Israël et les nations, donc en diaspora. Le phénomène est donc antique, même s’il s’estompe au courant de certaines périodes.

Il faut reconnaître que même notre peuple n’a jamais rien compris à ce phénomène sauf exceptions. Ce n’est pas trop difficile à comprendre parce qu’il ne se révèle que lorsque le peuple juif marque une volonté de s’insérer ou de s’assimiler dans la société non juive, faute de compréhension de son identité profonde. L’apparition de Hamann sur la scène de l’histoire va provoquer un bouleversement intellectuel qui forcera notre peuple à prendre conscience de son identité pour la première fois. Près de mille  ans de présence en Israël n’avaient pas réussi à amener à cette conscience qui va être prise pour la première fois par le biais de la rencontre entre Mordehaï et Hamann.

Une question que soulèvent nos Sages à savoir comment se fait-il que Mordehaï ait mis en danger tout le peuple juif en refusant de se prosterner devant Hamann, question à laquelle un des géants de notre peuple, le Radbaz répond en précisant que Mordehaï n’a pas imaginé un seul instant que Hamann pourrait porter atteinte à tout notre peuple pour la faute d’un seul individu, et que le roi accepterait de nous livrer à cette mort sans aucune raison. Comment des rapports compliqués entre un goy et un Juif suffisent-ils pour soulever une volonté de génocide ?

Une solution simple

La solution de cette énigme est très simple même si nombreux parmi nos frères se refusent à l’accepter : seuls les antisémites ont réussi à comprendre l’essence, l’unicité et la solidarité du peuple de D., peuple où individu et nation sont indissociables, et la sainteté de la nation s’infiltre jusqu’au sein de chaque juif, consciemment et inconsciemment, et le dernier d’entre nous, même le plus assimilé, reste juif jusqu’à la moelle de ses os, même dans son refus du judaïsme. Il suffit de rappeler que lorsque le gouvernement allemand avait demandé à Fichte son avis concernant l’éventuel accord de la nationalité allemande aux Juifs à la suite de la révolution française, celui-ci avait répondu : «Je ne vois aucune possibilité à cela sauf si on coupait à tous la tête en une même nuit et qu’on la remplaçait par une tête qui ne contiendrait aucune idée juive».

Notre peuple a appris sa spécificité par la voie difficile. La haine qui l’a entouré de toutes parts, sans qu’il réussisse à en comprendre la source et l’origine, et j’oserais même dire l’absurde de cette haine aveugle, est celle qui l’a amené à une introspection qui lui aura permis d’aborder les plus profondes strates de son âme et par là de comprendre sa nature différente, qui fait de lui «un peuple qui demeurera seul et ne tiendra pas compte des nations». Il est différent de tout le monde, non pas parce qu’il le désire, mais bien au contraire, parce qu’il ne réussit jamais à être comme tout le monde, même lorsqu’il s’efforce de tout son cœur de s’identifier à lui !

La noblesse d’un prince rejaillit même lorsqu’il s’habille de haillons. Les plus grands antisémites l’ont bien compris, au point qu’aux côtés d’une haine viscérale ils n’hésitent pas à couvrir notre peuple de compliments conscients du fait qu’il est  le seul à pouvoir bouleverser toute l’histoire, la forger en lui donnant un sens. Un d’entre eux, Ernest Renan, n’hésitait pas à écrire : « Israël a-t-il rempli sa vocation ? A-t-il gardé, dans la grande mêlée des peuples, le poste qui lui fut primitivement confié ? Oui, répondrons-nous sans hésiter. Israël a été la tige sur laquelle s’est greffée la foi du genre humain. Nul peuple autant qu’Israël n’a pris sa destinée au sérieux, nul n’a senti si vivement ses joies et ses douleurs de nation, nul n’a plus vécu pour une idée. Israël a vaincu le temps et usé tous ses oppresseurs ».

C’est ce que nous continuerons à faire. Pourim Sameah.

Rav Eliahou Rahamim Zini

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