L’identité hébraïque: entretien avec P. Lurçat (vidéo)

La ”Nouvelle droite” : un espoir pour la politique israélienne? Pierre Lurçat

L’hébreu moderne comporte deux mots différents signifiant politique. Le premier, “politika”, est un emprunt au grec.

Le second, “médiniout”, est le terme hébraïque dérivé du mot ”médina” qui signifie l’Etat.

S’ils semblent à première vue interchangeables, il apparaît néanmoins que le premier est le plus couramment employé pour désigner la politique de tous les jours, ou “politique politicienne”, tandis que le second est réservé au signifiant plus noble, celui que le français désigne par “grande politique” – à savoir, la politique au sens de projet stratégique, et non de simple gestion courante.

La différence entre ces deux sens est encore plus flagrante en hébreu lorsqu’on parle de l’homme politique.

Le “politikaï” – c’est le politicien, celui qui s’occupe de choses politiques comme d’autres s’occupent de leur portefeuille d’actions ou de leur voiture : toutes choses honorables par ailleurs, mais qui ont peu à voir avec la grande politique.

Le “medinaï”, lui, est un homme politique au sens plein et entier du terme. Il ne vit pas de la politique, mais pour la politique, c’est-à-dire pour appliquer un projet et des idées, bonnes ou mauvaises, mais jamais dans le seul but de perdurer et de garder le pouvoir à tout prix.

On comprendra aisément que les médias israéliens emploient à tour de bras le mot “politikaï”, tandis que celui de “médinaï” semble avoir disparu du lexique politique depuis de nombreuses années.

Cela n’est guère étonnant, depuis que la politique a été largement dépréciée par les politiciens eux-mêmes, surtout depuis les accords d’Oslo (votés à une voix près, celle d’un politicien acheté au prix d’une Mitsubishi).

Des politiciens comme Ehoud Olmert, Ehoud Barak, Tsipi Livni ou Yaïr Lapid ont largement contribué au discrédit actuel de la classe politique en Israël.

Tsippi Livni et Ehoud Olmert : le discrédit de la politique

Et Benjamin Nétanyahou? Comme je l’écrivais il y a quelques semaines, celui-ci demeure à de nombreux égards une énigme (1).

Le 14e Premier ministre israélien, qui est en passe de ravir à David Ben Gourion le record de longévité à ce poste, est tantôt décrit comme un modèle de pragmatisme – voire d’opportunisme politique – tantôt comme un idéologue de droite.

Malgré ses qualités d’homme d’Etat et ses succès indéniables, notamment dans les domaines de l’économie et de la politique étrangère, Nétanyahou n’a pas entièrement réussi à s’imposer comme l’inspirateur d’une véritable politique, au sens le plus noble du terme.

Dans ce contexte, Naftali Bennett et Ayelet Shaked incarnent une nouvelle génération, et surtout un nouveau modèle d’homme (et de femme) politiques.

Tout d’abord en raison de leur parcours individuel. Tous deux ont été pendant longtemps des alliés fidèles de Benjamin Nétanyahou (Ayelet Shaked a dirigé son cabinet, alors qu’il était le chef de l’opposition entre 2006 et 2008, et c’est elle qui a recruté Naftali Bennett pour diriger l’état-major de campagne de Nétanyahou).

Ils ont tous eux créé le mouvement politique “Les Israéliens” en 2012, aux côtés du rabbin Avihaï Rontski (ancien aumônier militaire de Tsahal, récemment décédé), avant de rejoindre le parti du Bayit Hayehudi (“Foyer juif”) dont Naftali Bennett a pris la tête en 2016.

 

Ayelet Shaked et Naftali Bennett  lors de leur conférence de presse samedi soir

L’annonce dramatique faite par Shaked et Bennett samedi soir, de leur départ du Bayit Hayehudi et de la création d’un nouveau parti, Hayamin hahadah (“la Nouvelle droite”) est conforme à leur idéologie et à leur itinéraire politique jusqu’alors.

Contrairement à de nombreux politiciens, dont les exemples les plus frappants sont Ariel Sharon (fondateur de l’éphémère parti Kadima) ou Tsippi Livni, actuelle dirigeante de l’opposition après avoir quitté le Likoud pour rejoindre Kadima, puis un très éphémère parti au nom aussi vide que son contenu, Hatenua (“le mouvement”), Shaked et Bennett n’ont jamais pratiqué l’opportunisme politique ni fait défection pour des raisons purement électoralistes ou carriéristes.

Tout leur engagement atteste d’une fidélité à des principes fondateurs, qu’ils ont défendu avec constance et acharnement depuis le début de leur engagement politique. (2)

 

Avishai Rontski z.l.

Ce n’est pas un hasard s’ils ont choisi, samedi soir, lors de leur annonce dramatique, d’évoquer le nom du rabbin Avishaï Rontski, aux côtés duquel ils avaient fondé le mouvement “les Israéliens” au début de leur parcours politique. Rontski est en effet celui qui a le plus oeuvré pour faire de Tsahal une armée juive au plein sens du terme, grâce au département “Une conscience juive pour une armée victorieuse” qu’il avait créé (3). C’est dans le même esprit d’ouverture et de fidélité à la tradition qu’Ayelet Shaked et Bennett ont eux aussi voulu imprimer leur marque sur la politique israélienne.

Le travail accompli par Ayelet Shaked au ministère de la Justice (et, dans une moindre mesure, celui de Bennett en tant que ministre de l’Education) attestent qu’ils sont tous les deux des hommes politiques de conviction, et non des politiciens à idéologie variable (comme les exemples cités plus haut).

Le combat mené par Shaked contre l’establishment judiciaire et contre l’activisme judiciaire de la Cour suprême, qui s’est érigée depuis deux décennies en “pouvoir suprême”, au mépris de la loi et de la démocratie (4), est sans doute une des réalisations les plus importantes du dernier gouvernement de Benjamin Nétanyahou.

L’avenir dira si la Nouvelle droite parviendra à incarner véritablement l’espoir d’une politique véritablement de droite et authentiquement juive, pour le bien de l’Etat d’Israël.

Pierre Lurçat

(1) “Qui est véritablement Benjamin Nétanyahou”? http://vudejerusalem.over-blog.com/2018/11/qui-est-veritablement-binyamin-netanyahou-par-pierre-lurcat-bibi-la-vie-et-l-epoque-turbulente-de-benjamin-netanyahou.html

(2) Voir à ce sujet la plateforme du mouvement “Les Israéliens” créé en 2012, qui est pour l’essentiel identique aux idées qu’ils défendent jusqu’à aujourd’hui.

(3) Je renvoie à mes nombreux articles sur ce sujet crucial, et notamment ici : “Comment la gauche israélienne est devenue une minorité tyrannique”.

(4) J’évoque la figure et l’action du rabbin Rontski dans mon livre La trahison des clercs, La Maison d’édition 2016.

__________________________________________________________MoMon dernier livre, Israël, le rêve inachevé, vient de paraître aux éditions de Paris/Max Chaleil.
“Un travail intéressant. Une réflexion nécessaire et utile”. Jean-Pierre Allali, Crif.org

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DANIELLE

Pour élire une personne, il faut connaitre son programme, et expliquer son programme c’est dire ou prend-t-on l’argent pour faire autre chose.
C’est d’ailleurs ce qui a fait gagner un jeune monsieur Emmanuel Macron en France, c’est le seul à avoir procédé ainsi pendant que la droite et la gauche se crêpaient le chignon !La suite on la connait, il n’a pas toujours respecté ses dires, mais ça c’est une autre affaire.
En Israel ce sera pareil, si les programmes ne sont pas explicites, Binyamin Nethanyu sera réélu.
Surtout quand on voit tous ces partis sortir de je ne sais ou ! subitement tout le monde veut être premier ministre ?
Vous êtes comiques les politikai et même les médiniout !

ixiane

Je vois cela de loin n’étant pas juive mais je défends l’ETAT JUIF et j’avais toujours une admiration pour ces 2 personnages de cette nouvelle Droite et je souhaite leur réussite !!

Yéochoua Sultan

Les deux politiciens Benêt et Chaked sont accusés de trahison par le parti qui leur a permis de se hisser au pouvoir. On leur reproche d’avoir pris 4 000 000 dans la caisse de ce parti pour servir leur avancement personnel. C’est ce que révèle un article d’Arié Yoéli paru la semaine dernière sur le site « Srugim ».
Qu’avez-vous à répondre à ces allégations?

Marc

Qu’elles relèvent du judiciaire et que si vous avez des preuves solides hormis des « allégations » lancées à la cantonade sur Internet, lancez-donc la procédure idoine, sans quoi vous resteriez au stade de la diffamation primaire.

ixiane

leur parti se venge ….et les médias sont ce qu’ils sont , des langues fourchues !