Jérusalem dans l’enseignement du Rav Kook.

J’ai réfléchi à quelques références mais en fait cette relation à Jérusalem dans cet enseignement est diffuse dans toute l’œuvre du rav Kook.

Malgré tout, il y a deux chapitres qui ont été édités dans les dernières éditions des manuscrits du Rav Kook qui rassemblent aussi un certain nombre d’articles reproduits dans des revues israéliennes au début du siècle, et qui sont deux volumes nommés les Maamarei Hareyiah.

Le terme de Reyiah est un terme important de l’enseignement talmudique en général. Reiyah signifie se voir, s’entrevoir. Le terme associé réayione est passé dans l’hébreu moderne et signifie l’interview, qui signifie s’entrevoir.

Il s’agit d’une référence à l’une des mitzvot principales de la fête de pèlerinage où les chefs de famille de l’ensemble des tribus d’Israël devaient se rassembler dans le temple de Jérusalem à Pessa’h, Shavouot, Soukot, fêtes commémorant l’événement fondateur de l’histoire d’Israël comme peuple à partir de la sortie d’Egypte comme unité collective (klal).

La mitzvah du pèlerinage s’accompagne de l’obligation pour les individus dispersés dans l’ensemble du pays et de la nation de se connaitre de visage à visage à propos de ce rassemblement pendant les fêtes de pèlerinage.

Par coïncidence, le mot de Reyiah est constitué des Rashei Tévot du nom du Rav Kook qui est Rabbi Avraham Yits’haq HaKohen.

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Rav Kook: penseur du sionisme religieux

Cet article a paru en 1915. Il comporte plus qu’un pressentiment de ce que Jérusalem doit représenter pour nous aujourd’hui, en référence à l’unité du peuple. En ce temps-là, on ne voyait pas apparaitre les problèmes concrets au niveau sociologique du rassemblement des tribus d’Israël.

Nous sommes à une époque de l’histoire d’Israël où apparemment il n’y a  plus de filiation par tribu. Elle s’est arrêtée au temps du deuxième exil. Le premier exil étant celui d’Egypte. Le deuxième exil qui a suivi la destruction du 1er temple, le bayit rishone.

Mais il y a quand même quelque chose d’analogue dans le temps contemporain, c’est le rassemblement des communautés qui, après 2000 ans d’exil actuel, se rassemblant depuis plusieurs paysages culturels humains radicalement différents, tentent dans ce creuset d’unité que représente Israël par rapport au peuple juif de refaire l’unité de la nation hébraïque.

 C’est cet enjeu que le Rav Kook a voulu désigné dans son enseignement en général, et en particulier vis-à-vis de Jérusalem.

Dans le rassemblement des communautés – ha-édot – il y a quelque chose d’analogue du problème du rassemblement des tribus du temps biblique.

Il y a un grand principe de la tradition juive : l’idéal que l’on se désigne indique par là-même la valeur la plus essentielle pour la conscience qui y est sensible mais indique également que cette valeur n’est pas encore intégrée, raison pour laquelle est désignée comme idéale. Si cette valeur était déjà réalisée elle ne serait plus un idéal mais une réalité intégrée.

En ce qui concerne Israël, ce terme ayant le sens le plus général à travers l’espace et le temps, il est bien évident que l’idéal est l’unité. Cela implique que cette unité est à réaliser.

Dieu a confié à chaque manière d’être homme qu’il a créé en tant que nation une valeur en particulier dans chaque nation qui semble être la plus compétente. Et Dieu a choisi pour la valeur d’unité le seul peuple qui pouvait la réaliser.

C’est un paradoxe car apparemment nous sommes la société la plus divisée. J’indiquerais les grandes cassures et brisures que le Rav Kouk donne dans son enseignement en désignant Jérusalem comme la ville significative de l’unité.

Lorsqu’une conscience est sensible à une valeur dans un premier temps elle y est sensible dans la prise de conscience du manque. Alors on peut lui faire confiance précisément lorsque cette expérience du manque est authentique qu’elle finira par l’atteindre et la réaliser.

Ce n’est pas à n’importe quelle conscience que l’on confie telle ou telle valeur, c’est à la  conscience qui est particulièrement sensible au manque de telle ou telle valeur.

Ce n’est donc pas par hasard que le peuple dont l’idéal est l’unité donne jusqu’au moment de sa réalisation l’apparence de la société la plus divisée. Il y a à la fois un constat de lucidité à faire et un constat d’espérance.

Dans ce chapitre intitulé « Yeroushalayim », le Rav a utilisé, je pense de façon centrale, un des grands principes de l’enseignement du Talmud, repris dans beaucoup de slogans, et qui désigne les trois dimensions de l’identité d’Israël :

-Am Israel : le peuple

-Torat Israel : la Torah

-Eretz Israel : la terre d’Israël

Seule l’unité absolue de ces trois dimensions peut faire l’identité d’Israël authentique. C’est là je crois la ligne centrale de cet enseignement dans ce chapitre.

Or, pour le Rav Kouk c’est essentiellement Jérusalem qui rend possible l’unité de ces trois dimensions.

Etre Israël selon la relation à la terre d’Israël, être Israël selon la relation au peuple d’Israël, être Israël selon la relation à la Torah d’Israël.

Nous sommes encore à un stade de notre histoire où cela peut être trois manières d’être juives différentes. Et lorsqu’elles sont différentes et séparées l’une de l’autre, elles risquent de s’opposer et de se combattre. Car en s’autonomisant elles se caricaturent alors qu’à la racine elles sont une même chose. Et dans l’existence apparait autant d’engagements juifs, authentiques lorsqu’ils sont unis, mais lorsqu’ils sont désunis se combattent et dévoilent par là même qu’ils sont devenus inauthentiques.

Le temps est venu de familiariser à cette évidence. Il est important de signaler que le Rav Kouk dont nous signalons l’enseignement ce soir l’avait déjà mis en évidence il y a très longtemps.

Avant même que la réalité au niveau de la société du rassemblement des Juifs en Israël pose les problèmes concrets qui se révèlent à nous et auxquels nous sommes confrontés.

Cette unité absolue de ces trois manières d’être Israël dont parlent les sources et que nous vivons dans la réalité, lorsque cette unité se fait réelle et authentique elle ne peut se faire qu’au travers de Jérusalem. Voilà l’objet de ce chapitre.

Il y a une référence en filigrane tirée de l’enseignement du Zohar : « Qoudsha Brikh Hou, Torah veIsrael ‘Hadhou ». La traduction à laquelle vous êtes sans doute familiers n’est pas très exacte :

Le Saint Béni Soit-Il, la Torah et Israël sont une même chose.

En réalité, si le Zohar voulait dire Ha Qadosh Baroukh Hou en araméen il aurait dit « Qadisha Brikh Hou » et non pas « Qoudshah Brih Hou » !

HaQadosh Baroukh Hou = Qadisha Brikh Hou = Celui qui est la Sainteté en personne.

Mais Qoudshah Brih Hou serait en hébreu HaQodesh Baroukh Hou : l’être de sainteté.

Et l’être de sainteté au niveau de la réalité c’est la terre d’Israël d’après le Zohar.

« Qoudsha Brikh Hou, Torah veIsrael ‘Hadhou ».

 C’est la référence du Zohar de cet enseignement que nous avons d’autre part chez les talmudistes que les trois dimensions de l’identité d’Israël ne sont authentiques que si elles sont unies : la terre d’Israël, la Torah d’Israël et le peuple d’Israël.

Il y a chez les grands Maîtres, en particulier chez le Maharal, toute une étude pour savoir quel est l’ordre d’importance de ces trois facteurs. Qui passe d’abord ? Est-ce le peuple, est-ce la Torah ou est-ce la terre ? C’est un sujet important et très vaste.

En réalité, la dignité de ces trois facteurs est au même niveau mais c’est dans l’histoire qu’il y a souvent un ordre d’urgence.

D’un point de vue théorique, c’est le peuple d’abord, la terre ensuite et finalement la torah. Parce que nous vivons une histoire particulière qui consiste à faire descendre au niveau de la réalité ce qui est sous l’aspect de l’éternité dans le monde de la vérité.

Dans le monde de la vérité il n’y a pas de question de primauté entre la Torah, le peuple ou Eretz Israël.

Vous connaissez l’expression talmudique : Ein Mouqdam ouMeou’har BaTorah – il n’y a  pas d’avant ni d’après dans la Torah. Pourtant lorsque nous ouvrons un livre de Torah nous voyons bien qu’il y a un ordre !

Le Gaon de Vilna enseigne la différence entre la Torah et le Sefer Torah qui lui possède un ordre. Cela veut dire que dans la Torah mise par écrit, dévoilée dans la réalité, il y a un ordre. Dans la Torah au niveau de la réalité il n’y a pas d’ordre, ni avant ni après.

On ne peut dire d’une vérité qu’elle précède une autre vérité. En tant que vérité elles sont toutes au même niveau d’éternité. Il y a un ordre d’exposition de dévoilement, d’insertion dans l’histoire.

Il en est ainsi également pour ces trois facteurs aussi. Il y a un ordre historique d’importance. Il a a fallu d’abord que le peuple d’Israël se constitue, et qu’il soit sur sa terre pour que la Torah prenne force de loi.

Bien entendu, je touche là à un problème en controverse chez les autorités juives contemporaines. Mais je vous donne un point de vue traditionnel et israélien à la fois.

Cela ne signifie pas qu’on ne puisse pas plaider aussi les autres dossiers, mais ils sont peut-être anachroniques. Je veux dire que suivant les époques, l’ordre d’urgence semble être différent.

Mais comme nous vivons à une époque charnière, il faut restituer l’ordre, je ne dirais pas théorique, mais en tout cas l’ordre vrai du point de vue de la Torah indépendamment de l’ordre historique vécu à chaque époque de l’histoire suivant l’ordonnance du Sefer Torah.

Or, le Rav Kouk dans ce chapitre indique que c’est bien Jérusalem qui a réalisé cette unité des trois facteurs, pour les raisons que je vais essayer de développer.

La première référence qu’il nous donne est tirée des Psaumes.

En particulier celui que nous avons l’habitude de lire pendant les fêtes de pèlerinage et qui fait allusion à l’unité de Jérusalem.

122.3

ג יְרוּשָׁלִַם הַבְּנוּיָה– כְּעִיר, שֶׁחֻבְּרָה-לָּהּ יַחְדָּו. ד שֶׁשָּׁם עָלוּ שְׁבָטִים, שִׁבְטֵי-יָהּ

« Yerushalayim habenuyah ke’ir she’huba lah ya’hdav »

Lorsque Jérusalem est construite comme une ville qui les unit tous ensemble.

C’est là-bas que montaient les tribus de Dieu.

Et il s’agit de l’unité des tribus d’Israël. Effectivement, l’unité des tribus se faisaient concrètement à l’occasion de cette mitzvah de reiyiah pendant les fêtes de pèlerinage.

Au moment de la fête de pèlerinage, Jérusalem se dévoile comme étant vraiment le point d’unité des trois manières d’être Israël, par la terre, par le peuple, par la torah, mais au niveau du rassemblement des tribus.

Si l’on faisait une analyse sociologique même sommaire de l’état du problème de l’unité dans les sociétés contemporaines, je prendrais le cas de la France qui nous est le plus familier, on s’aperçoit que l’unité est au niveau du fait de société, et dans ce cas il s’agit du fait national, alors que les facteurs qui mènent à la division sont au niveau de la communauté, c’est-à-dire dans l’ordre spirituel.

Dans le vocabulaire de la sociologie française les hommes se réunissent en société autour d’intérêt et se réunissent en communauté autour d’idéaux. Dans  l’exemple français, il y a une unité de la nation  avec des intérêts « nobles », et on parlera de familles spirituelles de la France constituées des communautés de la France, qui sont non seulement différentes et divergentes, mais divisées en tensions et en conflit.

Il est possible que toutes les sociétés humaines à l’origine aient un statut exactement inverse.

Et tout se passe comme si la société d’Israël dans l’aire culturelle occidentale (mais probablement pas la seule dans le vaste monde) gardait le schéma traditionnel de l’antiquité de toutes les sociétés :

L’unité est au niveau de la communauté, autour des idéaux, et donc d’ordre spirituel.

La divergence apparait au niveau national.

C’est le problème des tribus.

Chaque tribu d’Israël peut constituer à elle seule un peuple d’Israël séparé !

Or, ce facteur de différenciation, qui est d’autre part un facteur d’enrichissement, nous le recevons de la diaspora de l’humanité. Il était déjà vrai au temps biblique que la différence des manières d’être des tribus procédait de la diaspora d’où Israël était sorti pour se constituer en nation. Vous le lirez attentivement dans l’histoire de l’exil de Yaaqov chez Lavan qui est le premier modèle des exils.

On y voit que tous les fondateurs des tribus, les enfants de Yaaqov sont nés en exil chez Lavan à l’exception de Benyamin, conçu dans l’exil mais qui nait dans le retour au pays. Vous voyez l’analogie importante pour ceux qui vivent cette histoire de notre temps : la naissance de Benjamin !

De la même manière, de notre temps, la différence des communautés – eidot – parallèles à celle des tribus – shevatim – aux temps bibliques, qui fait qu’il y a divergence dans la même société, procède (peut être par délégation) de la différence des nations où Israël se trouvait en dispersion et en exil.

Je dirais plus précisément en catégorie biblique stricte que cela procède de la diaspora des nations.

Il y a un cliché à dissoudre : l’idée que la manière naturelle d’Israël d’Israël serait d’être en diaspora et que le cas particulier serait le rassemblement d’unité sur sa terre. D’après le récit biblique, la vérité est exactement l’inverse.

Lorsque la Torah raconte l’humanité recommençant après le déluge à partir de la famille de Noé, elle décrit d’abord la diaspora des nations et il n’existe pas encore de nation Israël.

Et c’est le résultat de l’éclatement de l’unité humaine universelle qui a eu pour résultat les nations. C’est la raison pour laquelle la notion de diaspora désigne la manière d’être naturelle des goyim et non pas d’Israël! La diaspora du peuple d’Israël, devenu le peuple juif dans l’histoire contemporaine depuis la destruction de Jérusalem par Rome, est une diaspora seconde greffée sur la diaspora des nations.

Ce n’est qu’à partir de la constitution des 70 nations de base, résultat de l’éclatement de l’unité humaine, qu’apparait seulement la nation d’Israël à partir d’Avraham, Yits’haq et Yaaqov, qui viendra se greffer sur la diaspora des nations dans l’espérance messianiques des prophètes bibliques de trouver le moyen de réunifier cette unité éclatée dans les différentes manières d’être homme que l’on appelle les goyim, les nations.

C’est une histoire intéressante à étudier pour elle-même selon les catégories bibliques et non pas dans la projection des notions sociologiques dérivées des intuitions des catégories gréco-romaines.

C’est pourquoi lorsque les tribus se rassemblent elles ramènent avec elles un principe de divergence au niveau sociétal qu’elles ont recueilli au niveau de l’universel humain éclaté.

Sans un principe spirituel de réunification perpétuel à travers le rite de la reyiah décrit au début, ces divergences iraient en s’approfondissant avec le risque que les douze tribus se constituent en douze peuples d’Israël séparés plutôt qu’en une nation unie idéale.

Le Rav note dans la suite de son exposé que lorsqu’on parle de Jérusalem on parle de l’identité d’Israël au-delà de ce qui fait les principes de divergences et de différences qui nous viennent des cultures étrangères.

Il y a semble-t-il dit le Rav un consensus de tous les membres de la nation d’Israël. Je ne dis plus le terme de « peuple juif » parce que je parle de Jérusalem et ce n’est plus le peuple juif dispersé mais, à travers la société israélienne, c’est de nouveau la nation hébraïque.

Lorsqu’on parle de Jérusalem, il y a semble-t-il un consensus pour dépasser tous les principes de divergence pour parler de quelque chose d’autre, de ce qui est le caractère spécifique d’Israël dans son unité.

C’est le mérite du Rav Kouk de l’avoir mis en évidence : c’est au-delà de toutes ces divergences d’options, qu’elles soient idéologiques, intellectuelles, spirituelles, culturelles, politiques ou folkloriques, qui font la division des tribus d’Israël.

Parce que ces principes de différences qui sont en eux-mêmes des principes d’enrichissement, en l’absence du facteur d’unité ne viennent pas de l’identité d’Israël mais du reflet de l’identité des nations dont le travail messianique de gestation d’unité a été délégué à Israël.

Lorsqu’on parle de Jérusalem, c’est là seulement qu’on se réfère à la sainteté spécifique de l’identité d’Israël.

C’est pourquoi, apparemment mystérieusement, il y a un consensus de tous les Juifs et à travers eux du  monde entier sur Jérusalem dans sa sainteté spécifique parce qu’elle est au-delà de la différence des tribus.

Jérusalem est un phénomène qui dépasse la divergence des tribus, Et cette divergence des tribus est  le reflet des divergences des nations entre elles, divergences qui ont été projetées sur l’identité juive dans ses voyages de l’exil.

Il faut retenir dans cette analyse les deux dimensions à la fois : il y a une portée positive dans cette projection de la dispersion humaine en Israël qui est dans l’espoir d’une unification messianique.

Tant qu’elle n’est pas réalisée l’aspect négatif, le facteur de divergence, renforce d’autant plus par contraste la réalité d’unité que représente Jérusalem.

Si on comprend cela on a compris la clef de ce ‘hidoush, ce renouvellement d’enseignement que le Rav nous donne à ce sujet.

Le Rav indique, avec une précision extraordinaire dans le jeu de citations d’énormément de versets bibliques et de sources du Midrash et du Talmud et du Zohar, qu’il existe trois forces principales dans la Jérusalem biblique qui font cette unité.

C’est  la sainteté, la vaillance (Gvourah) et lorsqu’elles sont alliées, la force de la prophétie. J’en dirais quelques mots rapidement.

La sainteté pour la Torah c’est l’unité de toutes les valeurs.

Vous voyez comment à travers l’unité des tribus, et dépassant la manière spécifique de chaque tribu représentant le génie humain où ce qu’il en reste depuis que l’unité a éclaté au temps de la tour de Babel, la sainteté est dans tous les cas l’unité des valeurs.

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