Israel flag with a view of old city Jerusalem and the KOTEL- Western wall

 Par Denis Charbit

Le président américain Donald Trump, une fois de plus, a surpris et bravé la communauté internationale en déclarant Jérusalem capitale d’Israël. Pour les nombreux touristes de toute confession qui se sont promenés à Jérusalem, a fortiori pour la majorité des Israéliens et des juifs dans le monde, Jérusalem est la capitale d’Israël comme deux et deux font quatre.
Mais ce qui relève de l’évidence pour Donald Trump et Benjamin Netanyahou ne l’est pas pour l’ONU, l’Europe et le monde arabe. Pourquoi cette décision est-elle jugée regrettable, perçue comme un coup de poignard dans le processus de paix, un facteur d’embrasement susceptible de déclencher une nouvelle Intifada ? Une clarification s’impose, à l’issue de laquelle on se rendra compte que, des deux côtés, des arguments sont soulevés qui méritent d’être entendus et qui peuvent être réconciliés quoi qu’on en dise.

Pour comprendre la controverse suscitée par la déclaration présidentielle, il faut revenir à la résolution 181 des Nations-Unies approuvée le 29 novembre 1947, il y a tout juste soixante-dix ans. Destinée à fixer le sort politique de la Palestine, la résolution, plus connue sous le nom de « plan de partage », stipulait la fin du Mandat britannique établi depuis 1920 et la création de deux Etats : un Etat juif et un Etat arabe.
Pour contourner la question sensible de Jérusalem, il fut décidé de l’exclure du champ de la souveraineté de l’un et de l’autre; autrement dit, Jérusalem ne serait ni la capitale d’Israël ni celle de l’Etat arabe de Palestine, mais traitée à part – un corpus separatum.

Le refus palestinien et arabe de se plier à cette résolution votée par l’ONU signifiait que le sort de la Palestine et de Jérusalem serait sanctionné par les armes. Israël a gagné la guerre, mais à l’issue des hostilités, il ne détenait que la partie ouest de la ville tandis que la Légion arabe de Transjordanie établissait son autorité sur la partie orientale et sur la vieille ville dont furent évacués les habitants du quartier juif.

La distinction entre est et ouest issue de la ligne de démarcation établie par le cessez-le-feu entre les parties était née. Le président du conseil israélien, David Ben Gourion, décréta unilatéralement que la ville de Jérusalem sous autorité israélienne serait désormais capitale de l’Etat juif. Cette déclaration ne résultant guère d’un traité de paix entre les belligérants, la communauté internationale estima devoir reconnaître l’Etat d’Israël, lequel eut son siège à l’ONU, tout en s’abstenant d’entériner la décision de Ben-Gourion concernant Jérusalem.
C’est la raison pour laquelle les ambassades furent dès lors établies à Tel-Aviv en attendant un règlement définitif. Depuis, la diplomatie internationale assume ce hiatus entre la lettre et la pratique: formellement, Tel Aviv est la capitale d’Israël; de facto, tous les chefs d’Etat étrangers en visite officielle en Israël se rendent évidemment à Jérusalem pour rencontrer les autorités israéliennes.
L’obstination à ne pas reconnaître Jérusalem–ouest comme la capitale d’Israël devenait, avec les ans, d’autant plus dérisoire que nul n’entend sérieusement revenir à la proposition onusienne d’internationalisation de la ville et que nul acteur politique, y compris l’Autorité palestinienne, ne présente de revendication concurrente sur Jérusalem-Ouest. Il est probable que les Etats auraient avec le temps transféré leurs ambassades à Jérusalem-Ouest si ce n’est que la guerre des Six-jours en juin 1967 a bouleversé la donne : Jérusalem-est est tombée alors entre les mains du gouvernement israélien, lequel a aussitôt proclamé la réunification de la ville en annexant la partie détenue jusque-là par la Jordanie.
Mais, à la différence de la guerre de 1948, Israël fut l’agresseur en 1967, déclenchant les hostilités en bombardant l’aviation égyptienne au sol. En conséquence, la communauté internationale a décrété illégitime la conquête par la force et déclaré qu’elle se rangerait à toute solution politique résultant d’une négociation entre Israël et les Etats arabes.
On mesure donc maintenant en quoi la déclaration de Donald Trump a violé ce consensus. Certes, il a affirmé que les parties pourraient négocier une solution sur le statut politique de la ville, mais sans attendre l’issue de cette négociation, il a semé volontairement la confusion en s’abstenant de distinguer entre les deux parties de la ville. Or, si reconnaître Jérusalem-ouest comme capitale et y transférer l’ambassade répare une anomalie diplomatique obsolète, ne pas faire la distinction entre les deux parties de la ville était prendre fait et cause pour le gouvernement israélien.
Trump s’est montré généreux envers son allié et n’a exigé aucune contrepartie, il a perdu toutefois sa crédibilité comme « honnête courtier » après avoir endossé une revendication si contestée. En outre, l’idée selon laquelle la reconnaissance de Jérusalem comme capitale d’Israël favorise le processus de paix, comme Trump l’a affirmé, relève cette fois du non-sens, non de l’évidence.

L’Histoire peut et doit rappeler aux uns et aux autres que les Juifs ont été les premiers et les seuls à faire de Jérusalem une capitale et que l’islam l’a conservée sous sa coupe pendant près de 1500 ans. Mais le sort politique de la ville ne peut être réglé uniquement par l’antériorité historique des Juifs, le plus grand nombre de références à Jérusalem dans la Bible comparé à celui du Coran ou bien, inversement, la splendeur du dôme du Rocher à côté de la simplicité du Mur occidental ou enfin, l’identité religieuse de Soliman le magnifique, bâtisseur des murailles qui entourent la vieille ville. Au-delà des attachements symboliques qu’il serait stupide de nier et d’ignorer, des personnes vivent à Jérusalem, Juifs et Arabes, qui ne prétendent pas faire partie de la même nation.
Le gouvernement israélien, appuyé par Trump, proclame que Jérusalem est la capitale d’Israël, mais l’inégalité structurelle et la discrimination qui frappe la partie arabe (38% de la population) affecte gravement la prétention israélienne à régner sur toute la ville. Depuis 1967, les Arabes de Jérusalem sont des résidents permanents, ce qui leur confère des droits sociaux, ce ne sont pas des citoyens à part entière. Il faut choisir : ou l’égalité ou le droit à l’autodétermination. Toute autre issue est contraire à la justice et à la raison et, s’agissant de Jérusalem, viole la parole de Dieu dont, de part et d’autre, on invoque le Nom en vain.

Denis Charbit
Jérusalem Le 17/12/17

Sociologue, politologue, et brillant maître de conférences au département de sociologie, science politique et communication à l’Open University d’Israël, Denis Charbit est l’un des observateurs les plus avertis de la société israélienne et, partant, de l’ensemble du Moyen-Orient.Denis Charbit est réputé pour parler avec mesure de la société israélienne.
Il est l’auteur de plusieurs livres et articles qui portent sur la nation en Israël et en France. Parmi ses publications récentes, « Qu’est-ce que le sionisme ? » (Albin Michel, 2007), « Les Intellectuels et l’Etat d’Israël » (éditions de l’éclat, 2009). Il a publié à l’automne 2013, en hébreu une anthologie de textes des Lumières et de la Révolution française aux éditions Carmel.

Enfin il vient de publier aux éditions du Cavalier bleu dans la collection idées reçues « Israël et ses paradoxes » où il dépeint brillamment les paradoxes de la société israélienne.
Nous tenons tout particulièrement à remercier Denis Charbit pour sa très aimable et amicale autorisation de publier sa chronique parue dans le Figaro.
Leo Keller

blogazoï

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Rony d'Alger

Denis Charbit, manifestement toujours de gauche, commet une faute évidente qui est contraire à sa fonction d’universitaire dans la mesure où il semble ignorer que le casus belli remonte aux jours où le dictateur égyptien, gamal Abdel nasser, avait fermé de détroit de Tiran, donnant accès à la mer rouge, et par conséquent au seul port d’Israël sur cette mer, à savoir le port d’Eilat, et en même temps massé des troupes à sa frontière avec Israël, sur le Sinaï et à Gaza. Parallèlement d’autres armées arabes comme l’armée jordanienne et l’armée syrienne, en accord avec l’Egypte, et sous les ordres de cette dernière, étaient massées aux frontières de l’Etat Juif. Le roi de Jordanie hussein, avait avoué à Moshé Dayan qu’il était obligé de se plier aux ordres de nasser, car son pays faisait partie de la coalition arabe, et même qu’un général égyptien venait d’arriver dans sa capitale pour prendre le commandement de l’armée jordanienne, et donc pour se substituer à lui. De surcroît, comme le dit Cohen R, tous les despotes arabes se donnaient rendez-vous à Tel-Aviv pour jeter  » Les Juifs à la Mer « , en se gardant les jeunes soldates, » POURL,ES VIOLER « , et l’immonde mégère oum kalsoum, « le rossignol du monde arabe », en réalité son corbeau putréfié,  » DE MEMOIRE MAUDITE « , parcourait les théâtres aux armées dans le Sinaï en chantant, et psalmodiant :  » ETBAH, ETBAH, ETBAH,( EGORGE, EGORGE, EGORGE ). Denis Charbit raconte, COMME TOUJOURS, DES BALIVERNES. Il faut également rappeler que nasser avait demandé, et obtenu, le départ des observateurs de l’ONU, stationnés à la frontière de l’égypte avec Israël.

Cohen R

Un sacré gauchiste ce monsieur. Il semble oublier l’ambiance qui régnait les mois qui précédés la guerre des 6 jours : tous les rois et présidents arabes se donnaient le rendez-vous à Tel Aviv (et non pas à Jérusalem) pour fêter la victoire et le massacre des juifs. Et c’est ce que ce monsieur affirme que c’est Israel qui a attaqué.
Que ce soit par écrit ou sur les ondes, il attaque toujours Israel. Que fait-il dans ce pays qu’il déteste ? De l’autre côté de la frontière il fait bon vivre : qu’il y aille.

Réal Bergeron

Jérusalem l’indivisible, capital d’Israël, tout est dit.