Des musiciens de jazz en train de jouer au sein du Beit HaAmudim Daniel TcheTchik

Lorsque l’on vous dit « Israël », vous pensez sûrement à Jérusalem, aux falafels, au houmous, peut-être aussi à l’architecture Bauhaus de Tel-Aviv, mais sûrement pas au jazz… Ou toutefois, pas encore…

Créée par les communautés noire et créole afro-américaines des Etats-Unis au début du XXème siècle, la musique jazz a connu de nombreux changements au fil du temps et des voyages qu’elle a effectués, y compris dans l’Etat hébreu, avant même que sa création ne soit officiellement déclarée.

« Il y a toujours eu du jazz en Israël », raconte Barak Weiss, directeur artistique du festival de jazz qui se déroule actuellement à Tel-Aviv.

« Cela a commencé à l’époque du mandat britannique [avec l’orchestre de la police juive] ».

Ce dernier fût créé en 1921, au sein de la Palestine mandataire et donnait à l’époque des concerts gratuits, toutes les deux semaines.

« Dans les années 70-80, il y a eu de nombreuses alyot (arrivées d’immigrants en Israël, NDLR) », explique Barak Weiss à i24NEWS.

Des Juifs venant « des Etats-Unis, de France ou encore d’URSS s’installent en Israël ».

Leurs cultures les accompagnent. « Si les Américains ont apporté le capitalisme, ils sont également venus avec des bonnes choses, en l’occurrence le jazz », explique le directeur artistique.

 

מופר פוטו Le groupe de jazz israélien « HaOrchestra », qui se produit notamment au festival de Tel-Aviv  מופר פוטו

 

« Cependant, c’est entre 1992 et 2002 qu’a eu lieu le vrai big bang de la musique jazz en Israël », poursuit Barak Weiss. Et ce notamment grâce à l’arrivée du jazzman américain Arnie Lawrence dans l’Etat hébreu.

« C’est lui qui a fondé le Centre international pour la musique créative à Jérusalem et a permis que Juifs et Arabes jouent ensemble », explique le directeur artistique israélien.

« Cet homme est devenu un magnet pour les gens, un mentor qui n’existait pas encore en Israël », explique Barak Weiss.

Selon lui, le musicien né à Brooklyn a donné l’envie à de jeunes jazzmen israéliens en devenir de persévérer dans leur passion pour la musique.

Un petit pays aux grands talents

La clarinettiste Anat Cohen, son frère, Avishai, qui joue de la trompette, ou encore l’aîné de la fratrie, Yuval, font partie de ces nouveaux talents. A eux trois, ils ont fondé le groupe de jazz « Les 3 Cohens ».

« A la maison, nous avons été exposés à la musique », raconte Yuval Cohen à i24NEWS. « Nous écoutions beaucoup la radio, des chansons des années 60 et 70. Le jazz, on l’a découvert par nous-mêmes », poursuit le trompettiste.

« Ma musique c’est aussi un mix avec les classiques israéliens tels que ceux de Chava Alberstein ou des sonorités issues des livres de prières juives », explique le musicien.

Et la combinaison marche! Depuis quelques années les jazzistes de l’Etat hébreu sont particulièrement demandés à l’étranger: Jazz in Marciac, Brosella Folk & Jazz de Bruxelles, Deutsches Jazz Festival de Francfort, Charlie Parker Jazz Festival à Harlem…

Les Israéliens sont partout. Le contrebassiste Avishai Cohen a même composé la bande-originale du film « Le sens de la fête » d’Eric toledano et Olivier Nakache l’année dernière.

« Le plafond de verre s’est brisé avec la signature des accords d’Oslo: on a commencé à voir les Israéliens comme des partenaires et non plus comme des ennemis », estime Barak Weiss.

« Les artistes n’ont plus eu peur de jouer de la musique orientale, arabe, palestinienne… », poursuit le directeur artistique, expliquant que le changement a été le même pour les chefs israéliens, qui ont, à partir de ce moment, commencé à affirmer leur réelle identité dans leur cuisine.

« Contrairement aux grands clubs de jazz de New-York ou de Paris, en Israël, on ne voit pas la musique comme quelque chose de sacré, mais il y a beaucoup de respect », explique Yael Hadany, en charge de la programmation au sein du Beit HaAmudim de Tel-Aviv.

Gilad Bar Shalev L’extérieur de l’établissement de jazz, Best HaAmudim à Tel-Aviv  Gilad Bar Shalev

Situé dans un vieux bâtiment du centre de la ville blanche, l’établissement fêtera ses huit ans dans moins de deux semaines.

Pour les fans de jazz, le lieu – qui ne paie pourtant pas de mine – est une institution. « Ici, on ne fait pas de manières. J’ai toujours fait passer la musique en priorité, quitte à mettre de côté certains détails », explique Yael.

Faire aimer le jazz israélien… aux Israéliens

« Lorsque l’on a commencé, tous les concerts étaient gratuits. De toute façon, il n’y avait personne à qui vendre les places », plaisante l’Israélienne.

Aujourd’hui, le petit bar de la rue Rambam fait régulièrement salle comble et propose des tarifs plus qu’abordables.

« Mais ce sont toujours les mêmes personnes qui viennent, des habitués », explique Yael Hadany.

« Si l’on n’a pas grandi dans le monde du jazz, que l’on ne connaît pas cette musique, comment peut-on l’aimer ? », se questionne-t-elle, critiquant les récentes décisions prises par l’actuelle ministre israélienne de la Culture, Miri Reguev.

« A une époque, nous avions une radio dédiée à la musique jazz, aujourd’hui, c’est la musique orientale que l’on met en avant », explique Yael.

Yossi Zwecker Yael Hadany, chargée de la programmation au sein du Best HaAmudim de Tel-Aviv  Yossi Zwecker

 

Une situation à laquelle Ronny Wertheimer, programmateur et présentateur pour 88 FM et Kol HaMuzika veut remédier.

Il y a trois mois, il a mis en place une émission israélienne où jeunes talents et musiciens confirmés jouent ensemble.

« Le but, c’est que la culture du jazz se développe en Israël », explique-t-il à i24NEWS.

Dans le grand studio du conservatoire de musique situé à Tel-Aviv, ce jour là, Yonathan Avishai est au piano.

Face à lui, un contrebassiste d’une vingtaine d’années pince les cordes de son instrument avec application.

Un batteur aux dreadlocks d’à peu près le même âge l’accompagne, alors qu’un jeune soldat en uniforme kaki, un peu en retrait, frappe doucement la mesure à l’aide de ses rangers.

« Lors du festival de jazz de Tel-Aviv, nous proposons de nombreux concerts gratuits. Il ne faut pas seulement montrer les artistes les plus connus, mais tous ceux qui sont talentueux! On a actuellement la meilleure génération de musiciens qu’il soit! », annonce Barak Weiss, prometteur.

Laura Jeanneau est journaliste pour le site d’i24NEWS en français

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