Même si le régime iranien survit, il aura néanmoins subi un sérieux coup stratégique et un effet domino est possible « , a déclaré le général de brigade (à la retraite) Yossi Kuperwasser, en évoquant la vague de manifestations antigouvernementales à travers l’Iran ces dernières semaines.

Kuperwasser sait, comme tout expert du renseignement, qu’au Moyen-Orient, l’intuition devient parfois réalité. Et comme tous ceux qui ont servi dans les services de renseignements israéliens depuis la guerre de Yom Kippour en 1973, il sait aussi que parfois l’impossible peut soudain devenir réalité.

Selon lui, les troubles en Iran suggèrent que les masses iraniennes ont finalement réussi à faire comprendre qu’elles ne croient pas dans les slogans que le régime des Ayatollah assène depuis son arrivée au pouvoir en 1979.

Tout à coup, il est devenu évident que l’idée de transformer l’Iran en une puissance hégémonique régionale de même que le mantra islamique lui-même, n’ont pas de soutien populaire. Il s’avère que se sont simplement des slogans creux « , explique Kuperwasser.
Il ajoute que contrairement aux manifestations de 2009, lorsque les masses iraniennes sont descendues dans les rues pour protester contre la fraude électorale, les manifestations actuelles ne sont pas nourries par un grief spécifique mais contre l’idée même de république islamique.

« Les protestations, en grande partie, reflètent une demande non seulement pour une réforme mais pour un changement révolutionnaire », dit-il.

En 2009, les troubles ont éclaté après la réélection du président Mahmoud Ahmadinejad, lorsqu’il a battu le réformiste Mir Hossein Moussavi car beaucoup considéraient qu’il s’agissait d’une élection truquée. Les manifestations ont été rapidement et violemment réprimées par le régime, et l’Occident n’a offert aucun soutien aux manifestants. Certains prétendent que l’empressement de la Maison Blanche à conclure un accord nucléaire avec le gouvernement iranien a incité l’administration américaine à fermer les yeux sur la répression violente qu’exerce le régime, et lui permettant de rester au pouvoir.

Kuperwasser soutient que les émeutes d’aujourd’hui ont aussi lieu dans un monde différent. Les manifestants opèrent dans un contexte nouveau, dominé par deux éléments essentiels : une communication médiatique très développée, très difficile à contrôler, et le soutien explicite (et l’assistance technique éventuelle) de l’administration américaine.

« Le fait que des contenus d’information sortent d’Iran suggère une aide américaine », affirme Kuperwasser.

Il est convaincu que ces manifestations marquent un tournant décisif: « Le coup porté au régime, avec tout ce qui s’est passé la semaine dernière est énorme et toute sa légitimité a été ébranlée. Il ne peut plus justifier aussi facilement, le soutien qu’il apporte à toutes sortes d’organisations terroristes dans la sphère arabe. « 

Q: Nous occidentaux ne sommes-nous pas en train de nous faire croire que tout ce qui est anti-régime est en fait pro-occidental?
« Ce n’est pas une question d’être pro-occidental ou pas. Ils ne veulent pas faire partie d’une république islamique, d’abord et avant tout. Cette idée d’avoir un religieux qui dicte la conduite du pays n’est plus acceptable pour eux. Ils veulent beaucoup plus de liberté et beaucoup plus de démocratie: fondamentalement, ce sont des valeurs occidentales ou peut-être des valeurs humaines.

Leur mode de vie ne changera pas radicalement si la révolution réussit? »

Non, l’islam jouera toujours un rôle clé dans la vie des Iraniens, mais ce sera un rôle différent, bien plus limité à la vie privée des gens. « Nous ne voulons pas vivre dans une république islamique, nous voulons vivre dans une république iranienne » disent-ils.

Q: D’une part, vous dites que le régime va tout faire pour se maintenir en place mais d’un autre côté, la société iranienne est plutôt homogène, comme en Egypte, ce qui signifie que les gens exercent d’énormes pressions sur les militaires.
« C’est vrai, et par conséquent, le grand test dans les prochains jours sera de savoir si les forces de sécurité – en l’occurrence les Gardiens de la Révolution – sont prêtes à prendre des mesures extrêmes. La question est de savoir si des fissures vont apparaître dans leurs rangs, ce qui pourrait déclencher un processus qui entraînerait un effet domino de grande portée et pourrait s’avérer très dangereux pour le régime.
Q: Est-ce que vous voyez quelque chose sur les plateformes de médias sociaux qui pourrait indiquer une direction générale?
« Il y a quelque chose de différent qui s’exprime dans les réseaux sociaux. On constate qu’ils soutiennent activement la lutte: le message révolutionnaire est le message dominant, plus que le message réformiste. »

Q: Donc ici, contrairement à la dernière vague de protestations, ils veulent lancer une révolution, pas seulement un coup d’État. Il n’y a pas eu de tentative de ce genre depuis la création de la République islamique, en fait.
« Il y a eu des incidents ici et là, mais rien ne ressemble à la portée des derniers événements, la portée actuelle de la résistance au régime est sans précédent. »
Q: Le peuple iranien est toujours patriote et le programme nucléaire du pays est toujours considéré comme une entreprise nationale. La voie nucléaire changera-t-elle si le régime est renversé?
A mon avis, les manifestants comprennent l’orgueil du régime iranien à cet égard: les ayatollahs risquent de payer cher leur tentative d’acquérir des armes nucléaires, dans un pays qui est, après tout, un pays du tiers monde et qui plus est au bas de la liste des pays du tiers monde. Certains iraniens considèrent le projet du nucléaire comme une entreprise nationale, pas seulement islamique. Mais pourquoi l’Iran aurait-il besoin de ce projet? Il a beaucoup de pétrole, pourquoi tout ce matériel nucléaire?
« Par conséquent, quiconque recherche la qualité de vie et la prospérité en Iran comprend que le projet nucléaire est totalement inutile, et qu’il conduira à l’effondrement du système en place, qui est à l’origine de tous les problèmes actuels. Et les iraniens commencent à se demander s’il est vraiment dans leur intérêt de s’obstiner à vouloir mener à bien ce programme nucléaire.  »
Q: En tant qu’ancien agent du renseignement, quelle serait votre recommandation pour l’avenir ?
« Il est très important pour la communauté internationale de soutenir les manifestants, et les manifestants, pour leur part, doivent défendre leur droit d’exprimer leurs points de vue et à se battre pour leurs droits. En fin de compte, le facteur décisif est le peuple iranien.
« Il est un peu embarrassant de voir certains commentaire occidentaux de cet événement, surtout en Europe: leur double langage est tellement évident, mais il faut avouer que personne n’attend grand-chose de l’Europe.

« Ces troubles vont porter un coup au régime qui impactera tous ceux qui soutiennent l’Iran et tous ses mandataires: sur le front nord, à Gaza, partout où l’on se fie à l’Iran, ceux qui pensent que l’Iran est une grande puissance, et qui croient en son hégémonie régionale en tant qu’axe chiite iranien, comprennent maintenant que sous tout ce pouvoir apparemment fort, se cache un système faible, même pas capable d’obtenir le soutien de son propre peuple. Cela rappelle un peu l’Union Soviétique avant 1989 – à l’intérieur, tout était pourri, et finalement, il s’est effondré. « 

Q: Peut-être contrairement à une idée fort répandue, l’ancien président américain Barack Obama devrait être crédité pour ces manifestations, parce que l’accord nucléaire a donné de l’espoir aux gens, et ils descendent maintenant dans la rue pour exiger que leurs dirigeants respectent leurs promesses c’est-à-dire relancer le commerce avec les puissances mondiales.
« Absolument pas, au contraire, il y a aujourd’hui des partisans du nucléaire aux États-Unis, et ils se tiennent aux côtés du régime iranien, c’est absolument incroyable et c’est choquant.
Si aucun accord nucléaire n’avait jamais été conclu, les manifestations auraient été encore plus intense, et si le monde osait intensifier la pression sur l’Iran, peut-être aurait-il une plus grande chance de voir éclater une vraie révolution.
L’accord a sauvé l’Iran et lui a donné deux ans de répit. C’est vrai que les espoirs des iraniens ont été déçus, et que cela nourri la crise, mais c’est la conséquence de l’arrivée au pouvoir du président américain Donald Trump qui a changé la politique américaine envers l’Iran. En conséquence de quoi, tous les investisseurs se sont rendus compte que les sanctions pourraient être rétablies et cela les a fait hésiter à investir en Iran. C’est l’accord nucléaire qui a créé cette crise.

Erez Linn – Israël Hayom – Traduction JFORUM

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