Gaël Nofri: «Il y a un risque d’effacement définitif de tout pouvoir efficient»

Par Gaël Nofri

FIGAROVOX/TRIBUNE – Des Capétiens à De Gaulle, L’Histoire nous enseigne la nécessité d’un pouvoir fort, indépendant et capable, affirme l’historien. Devant le risque d’immobilisme entraîné par la nouvelle Assemblée, les politiques doivent faire preuve d’un sens des responsabilités, ajoute-t-il.

Gaël Nofri est historien, adjoint au maire de Nice et conseiller métropolitain Nice Côte d’Azur.

La nouvelle donne parlementaire, explicable par bien des facteurs dont la volonté d’une meilleure représentativité de l’Assemblée Nationale et l’obsolescence du «front républicain», s’ouvre sur un paradoxe: la satisfaction de nombreux Français dont semblent témoigner les sondages d’une part, une situation de blocage institutionnel aussi évidente que préoccupante de l’autre.

Or, ce paradoxe n’est pas seulement une affaire d’apparence, il illustre une problématique lourde: l’insatisfaction des Français puise, en partie, ses racines dans le constat de l’impuissance publique. Impuissance face à des sujets aussi graves que l’insécurité, l’immigration, la désertification des territoires ruraux, la stabilisation de notre modèle social. . . Ce phénomène est ancien, profond, répété et remonte hélas bien plus loin que l’actuel Président de la République. Il n’a fait que s’accentuer au fil du temps. Or, la situation actuelle, loin de résoudre cette difficulté, risque évidemment de l’amplifier en bloquant l’action de l’exécutif et en faisant de chaque projet de loi l’otage du jeu des partis.

Le lent travail d’émergence, de survie, et finalement d’affirmation de la Nation fut d’abord et avant tout celui de la constitution d’un pouvoir fort, indépendant et capable. Gaël Nofri

L’Histoire se souvient de ce que l’actualité redécouvre.

Dans notre Histoire nationale, tout le travail du pouvoir a toujours été de fabriquer du pouvoir. Face aux immobilismes, aux féodalités anciennes, aux puissances de l’argent, aux empiétements extérieurs, aux frilosités, aux caciques, aux partis, aux désordres, à la tentation permanente du renoncement . . . le lent travail d’émergence, de survie, et finalement d’affirmation de la Nation fut d’abord et avant tout celui de la constitution d’un pouvoir fort, indépendant et capable.

Telle fut la grande lutte des rois de France, notamment des Capétiens, dont l’œuvre si souvent saluée d’unification, d’organisation, de pacification n’est finalement rien d’autre, sous d’autres termes, que la construction d’un pouvoir par le pouvoir.

Plus tard, ce fut aussi le grand mérite de Bonaparte qui, face à une révolution à la dérive, à un pouvoir corrompu et incapable d’autre chose que de se mouvoir de coups d’État en coups d’État, parvint à imposer une pacification, une dynamique et des institutions capables de restaurer l’autorité du pouvoir. Conseil d’État, Banque de France, Code Civil, corps préfectoral, légion d’honneur, université et lycée, Concordat, Cour des comptes . . . Derrière chacune de ses œuvres historiques et appelées à durer, le même phénomène est à l’œuvre.

On ne peut comprendre nos institutions actuelles qu’au regard de cette donnée historique et pluriséculaire: le principal devoir de ce que l’on appelle « le pouvoir » c’est de construire, d’affirmer, d’entretenir du « pouvoir ». Gaël Nofri

Lorsque le général de Gaulle, après avoir œuvré au retour d’un Gouvernement effectif au lendemain de la Libération, s’oppose, dès 1946, à ce que sera la IVe République, qu’il qualifie de «régime des partis», c’est au nom de cette même constante Française. «Il y a là un fait patent qui tient au tempérament national, aux péripéties de l’histoire et aux ébranlements du présent, mais dont il est indispensable à l’avenir du pays et de la démocratie que nos institutions tiennent compte et se gardent, afin de préserver le crédit des lois, la cohérence des gouvernements, l’efficience des administrations, le prestige et l’autorité de l’État. C’est qu’en effet le trouble dans l’État a pour conséquence inéluctable la désaffection des citoyens à l’égard des institutions (…). En vérité, l’unité, la cohésion, la discipline intérieure du gouvernement de la France doivent être des choses sacrées, sous peine de voir rapidement la direction même du pays impuissante et disqualifiée» affirme-t-il à Bayeux. Et d’ajouter plus tard: «Rien n’est plus nécessaire pour notre pays que d’organiser l’État de telle manière qu’il dispose, dans sa structure, d’assez de force ; dans son fonctionnement d’assez d’efficience ; dans ses hommes, d’assez de crédit pour diriger la nation et assurer son salut, quoi qu’il puisse arriver».

Ce Cassandra, rejeté douze ans à Colombey-les-Deux-Églises, dut attendre 1958 pour que l’impuissance et l’instabilité de la IVe République rendent nécessaire son retour autant que la fondation de nouvelles institutions, plus stables, plus solides. Aussi peut-il alors résumer: «Un des caractères essentiels de la Ve République, c’est qu’elle donne une tête à l’État». On ne peut comprendre nos institutions actuelles qu’au regard de cette donnée historique et pluriséculaire: le principal devoir de ce que l’on appelle «le pouvoir» c’est de construire, d’affirmer, d’entretenir du «pouvoir».

Le pauvre nouveau Président du groupe LR à l’Assemblée, Olivier Marlaix, peut bien se féliciter du fait que «le pouvoir soit désormais au Parlement», il n’illustre là qu’une réalité déjà bien ancienne: l’abandon de l’héritage gaullien par le parti qui se revendiquait si haut de l’Homme du 18 juin. Que l’on ne s’y trompe pas, ce n’est pas un transfert du pouvoir qui est aujourd’hui à l’œuvre, mais un risque d’effacement définitif de tout pouvoir efficient.

La crise démocratique n’est pas à chercher ailleurs que dans l’écart qui existe entre les candidats promettant à leurs électeurs monts et merveilles « quand ils accéderont au pouvoir » et les élus qui, accédant aux fonctions, découvrent que le pouvoir a disparu. Gaël Nofri

Mais de cela, combien de nos politiques en ont-ils conscience ?

Depuis si longtemps nos hommes politiques refusent de voir en face la réalité de leur situation, refusant d’endosser le seul combat qui compte ; celui contre l’impuissance. Tant et tant, par facilité, par lâcheté ou renoncement, préfèrent faire leur la phrase fameuse de Jean Cocteau «ces choses nous échappent feignons d’en être les organisateurs».

La crise démocratique n’est pas à chercher ailleurs que dans l’écart qui existe entre les candidats promettant à leurs électeurs monts et merveilles «quand ils accéderont au pouvoir» et les élus qui, accédant aux fonctions, découvrent que le pouvoir a disparu, que les coffres de l’autorité sont vides, que le roi est nu . . . Il ne leur reste plus alors qu’à employer son mandat à cacher le manque, à «faire comme si», à jouer le rôle que l’on attend d’eux. Aussi, d’élections en élections, de promesses en promesses, de renoncements en renoncements s’abîme la démocratie.
À l’heure où le pouvoir paraît plus que jamais abîmé, alors même que le risque d’immobilisme et de paralysie n’a jamais paru aussi certain, le sens des responsabilités oblige et doit contraindre . . . C’est à cette responsabilité historique que nous sommes collectivement invités.

Gaël Nofri, le monsieur circulation d'Estrosi qui n'a pas le permis - Nice-Matin

Par Gaël Nofri  www.lefigaro.fr
Première séance de travail du troisième gouvernement Léon Blum à l’hôtel de Matignon, décembre 1946. De gauche à droite, assis : François Tanguy-Prigent, Édouard Depreux, Paul Ramadier, André Le Troquer, Robert Lacoste, Daniel Mayer et Albert Gazier.

 

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Asher Cohen

Un État fort, indépendant et capable, est avant tout un État crédible qui refuse de tolérer la corruption.

Dans des pays comme Israël ou les États-Unis, par exemple, les corrompus, fussent-ils président ou ministre, n’échappent pas à la prison ferme de longue durée. En Chine, ils reçoivent même une balle dans la tête. En francaouie, les corrompus ne sont le plus souvent jamais poursuivis par la justice pourrie, et au pire, ils s’en sortent avec un bracelet électronique. Quels sont les pays qui réussissent? Israël, les États-Unis, la Chine, ou bien la francaouie corrompue?

La francaouie n’est pas crédible parce qu’elle tolère, et même favorise la corruption merdeuse. J’ai assez d’expériences vécues pour le démontrer. Comment, dans ce cas, être surpris que 2/3 de la population ne votent pas, et que le tiers restant a élu une Chambre des députés, capable de censurer à tout moment le gouvernement d’un État putréfié de corruption? Les Juifs qui veulent s’assimiler à ce pays corrompu sont vraiment mentalement malades. Rahem.

Asher Cohen

L’ État fort, indépendant et capable, selon De Gaulle, c’était en 1962 faire mitrailler par avions et à la mitrailleuse lourde les façades des immeubles d’Oran, interdire à l’armée française d’empêcher le pogrom du 5 juillet 1962 à Oran, faire condamner à mort par des tribunaux d’exception et fusiller sans appel, mettre la France sous le régime de l’article 16 de la Constitution jusqu’à la fin 1963, utiliser un ministère de l’information pour maintenir la population dans l’ignorance et la manipuler, refuser de ratifier la CEDH jusqu’en 1974 pour se reconnaître le droit de tuer qui l’on veut, et j’en passe.

Est-ce que les Juifs qui ont succédé à De Gaulle en 1946, tels le sioniste Léon Blum ou Mayer, ont toléré la corruption, quand ils ont gouverné? L État fort de De Gaulle n’a-t-il pas favorisé le déchaînement de la corruption des années 1970-80-90-2000? On peut parfaitement comprendre la haine anti juive et antisioniste exprimée dans le discours du grand Charlot de novembre 1967.