Près des trois quarts des Palestiniens croiraient à une prophétie développée par un prédicateur très suivi sur les réseaux sociaux. Mêlant versets coraniques et numérologie, elle prédit que l’État d’Israël doit disparaître d’ici à juin 2022. Le quotidien israélien de gauche “Ha’Aretz” s’interroge sur la popularité de cette prophétie.

Un récent sondage d’opinion palestinien révèle une situation fort intéressante : 73 % des Palestiniens interrogés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza sont persuadés que le Coran contient une prophétie annonçant la fin de l’État d’Israël.

Cette théorie populaire sur les réseaux sociaux palestiniens a été formulée par un éminent intellectuel islamiste cisjordanien, Bassam Jarrar, qui est aussi l’un des chefs spirituels de longue date du Hamas et une icône YouTube, avec près de 700 000 abonnés.

Bassam Jarrar fonde sa prédiction sur plusieurs versets ainsi que sur de complexes raisonnements de numérologie. Sa théorie n’est pas nouvelle : il la diffuse depuis 1992 et, en 1996, il a publié un livre qui en expose les fondements. Ce qu’il y a de neuf, cependant, c’est que l’heure de la disparition de l’État hébreu a sonné. En effet, selon Jarrar, Israël doit disparaître entre mars et juin 2022.

Et nombreux sont les Palestiniens à le croire, même s’ils soupçonnent que Jarrar s’est peut-être emmêlé les pinceaux concernant la date. D’ailleurs, le prédicateur se laisse une petite marge d’erreur. La probabilité que sa prédiction se réalise, dit-il, est d’environ 95 %. Si Israël ne s’effondre pas dans les deux mois qui viennent, explique-t-il dans les conférences polémiques qu’il donne sur YouTube, c’est que ses calculs n’étaient pas parfaitement précis, voilà tout.

Une eschatologie qui donne de l’espoir

Mais pourquoi tant de Palestiniens croient-ils en cette prophétie, alors que leur voisin ne donne aucun signe d’une fin imminente ? Les Palestiniens ne sont pas incultes. Le taux d’alphabétisation des jeunes en Cisjordanie et dans la bande de Gaza frôle les 100 %. Quant au taux d’inscription dans l’enseignement supérieur, il fait partie des plus élevés au monde. La société palestinienne ne se laisse pas gouverner par des idées irrationnelles ou des émotions. Et Bassam Jarrar n’est pas un rustre. J’ai parlé avec lui à plusieurs reprises au milieu des années 1990, à son retour au pays après qu’Israël l’a brièvement déporté au Liban avec 414 autres extrémistes palestiniens : c’est un interlocuteur très instruit, fascinant, charismatique.

Si les Palestiniens sont séduits par cette prophétie, c’est parce que leur société et leur système politique sont extrêmement faibles en comparaison du puissant État israélien, parce qu’ils sont profondément désespérés, ayant perdu l’espoir de se libérer de la domination d’Israël et d’obtenir leur indépendance politique, et parce qu’ils voudraient voir Israël châtié pour ce qu’ils considèrent comme une injustice.

Ce n’est pas le seul rêve que les Palestiniens entretiennent. Ils ont surtout du mal à appréhender la réalité. Le problème, c’est que beaucoup de pays font en sorte qu’ils ne se réveillent pas et les laissent rêver, tandis qu’Israël bâtit chaque jour une réalité d’où ils sont exclus. C’est un choix, le rêve ou la réalité, le mensonge ou la vérité, la dictature ou la démocratie, tout çà est une manière d’appréhender le réel.