ANKARA, TURKEY - APRIL 17: Turkish President Tayyip Erdogan gives a referendum victory speech to his supporters at the Presidential Palace on April 17, 2017 in Ankara Turkey. Erdogan declared victory in Sunday's historic referendum that will grant sweeping powers to the presidency, hailing the result as a "historic decision. 51.4 per cent per cent of voters had sided with the "Yes" campaign, ushering in the most radical change to the country's political system in modern times.Turkey's main opposition calls on top election board to annul the referendum. OSCE observers said that a Turkish electoral board decision to allow as valid ballots that did not bear official stamps undermined important safeguards against fraud. (Photo by Elif Sogut/Getty Images)

Turquie: Europe mon amour par Burak Bekdil 3 janvier 2021

Traduction du texte original: Turkey: From Europe With Love

Erdoğan a ajouté que selon lui, l’avenir de la Turquie ne pouvait être qu’en Europe – cette même Europe qu’il accuse d’être « le vestige du nazisme et du fascisme ».
Le cœur du problème a été de savoir quel niveau de sanction l’UE pourrait infliger à une économie turque en chute libre. A l’évidence, Bruxelles a décidé qu’il ne fallait pas punir la Turquie trop durement !
L’homme qu’Erdoğan a qualifié de « terroriste » est, au plan juridique, un suspect en attente de jugement. La mauvaise compréhension qu’Erdoğan a des droits constitutionnels de la présidence, l’amène à croire qu’il a la liberté de condamner un suspect alors que son procès est en cours.

Le président turc Recep Tayyip Erdoğan a pour l’instant réussi à retarder – jusqu’à mars au moins – un important programme de sanctions européennes. Mais un politicien islamiste intrinsèquement anti-occidental qui a bâti sa popularité sur la confrontation permanente avec les d’autres nations peut-il changer de mentalité et devenir en trois mois un partenaire pacifique ? (Photo par Elif Sogut / Getty Images)

L’homme fort de la Turquie, le président islamiste Recep Tayyip Erdoğan, n’a pas dû dormir beaucoup la semaine qui a précédé la réunion au sommet de l’Union européenne les 10 et 11 décembre derniers. La perspective de sanctions européennes s’ajoutant à d’éventuelles sanctions américaines ne pouvait avoir qu’un effet perturbateur sur son sommeil. Le report des sanctions européennes à mars a sans doute apaisé le sommeil d’Erdogan. Mais tout soulagement pourrait bien s’avérer prématuré.
En octobre déjà, en dépit de l’avertissement sans ambiguïté que les dirigeants de l’UE ont adressé à la Turquie, Erdoğan avait choisi l’affrontement. Un simple désaccord diplomatique s’est transformé en mini-clash civilisationnel. Erdoğan a joué au sultan ottoman et a cru que l’UE n’oserait jamais brûler les ponts avec la Turquie. Il a eu tort et raison à la fois. L’UE n’a pas coupé leurs ponts et les quelques sanctions qui ont été décidées à la réunion au sommet de décembre ne sont pas de nature à obliger la Turquie à changer de cap. Mais à la prochaine date limite, Erdogan aura à choisir entre un nouveau choc des civilisations ou une désescalade durable.
Peu avant le sommet de décembre, la Turquie avait – en signe d’apaisement -demandé à son navire spécialisé dans la recherche d’hydrocarbures de quitter les territoires marins disputés de la Méditerranée. Après des mois d’exploration qui ont mis au défi l’UE, le navire de recherche Oruç Reis a été rappelé au port.
Ce geste de bonne volonté est devenu une offensive de charme quand Ankara a adopté une rhétorique de tolérance envers les minorités religieuses de Turquie. « Les minorités religieuses sont une chance pour notre pays, dans le cadre d’une égalité citoyenne et d’une histoire commune », a twitté le porte-parole de la présidence, Ibrahim Kalın. « Les discriminer affaiblirait la Turquie. »
Erdoğan a ajouté que l’avenir de la Turquie était en Europe – cette même Europe qu’il a accusé d’être « un résidu nazi et fasciste ».
Aiguillonnée par la Grèce et Chypre, l’UE a menacé la Turquie d’un embargo sur les armes. Mais au lieu d’opter pour un embargo immédiat, la chancelière Angela Merkel a annoncé que les dirigeants de l’UE souhaitaient harmoniser leur position avec l’OTAN et les États-Unis. « Les questions liées aux exportations d’armes doivent être discutées au sein de l’OTAN. Nous allons nous coordonner avec la nouvelle administration américaine au sujet de la Turquie », a déclaré Merkel à une conférence de presse.
L’embargo sur les armes n’est pas le cœur du problème. En 2018, le total des exportations d’armes de l’UE vers la Turquie n’a pas dépassé 54 millions de dollars. Et en 2019, plusieurs producteurs d’armes membres de l’UE (Allemagne, France, Italie, Espagne, Suède, Finlande et Pays-Bas) ont individuellement stoppé ou limité leurs ventes à la Turquie.
La seule question qui importait était de connaître la portée du châtiment que l’UE allait infliger à une économie turque en chute libre. A l’évidence, Bruxelles a décidé que la punition devait être mesurée. Les sanctions qui ont été décidées n’ont visé qu’un nombre non spécifié de responsables et d’entités turcs impliqués dans les forages gaziers menés par la Turquie dans le domaine maritime chypriote. Les droits de douane punitifs qui pourraient être imposés aux produits turcs ont été repoussés à des consultations qui seront à mener avec la prochaine administration américaine, celle du présumé président élu Joe Biden.
Le chef des affaires étrangères de l’UE, Josep Borrell, communiquera prochainement les noms des personnes et entités turques sanctionnées. Les choses ne devraient pas en rester là. D’ici mars 2021, Borrell devra établir la liste d’autres mesures qui pourraient être prises contre la Turquie. Entre temps, l’UE aura tout le temps nécessaire pour échanger avec l’équipe chargée des problèmes de sécurité nationale au sein de l’administration Biden.
Le répit offert à Erdoğan ne sera donc que temporaire. D’ici fin février, il devra clarifier son jeu avant que l’UE ne durcisse ses sanctions ou ne les reporte à nouveau d’un trimestre. Ces reports n’offrent aucune perspective à Erdoğan, surtout quand on sait qu’Américains et Européens menacent ensemble d’affaiblir davantage la fragile économie turque.
Toute la question est de savoir si un politicien islamiste intrinsèquement anti-occidental qui a bâti sa popularité sur une stratégie de confrontation avec les autres nations peut en trois mois, devenir un partenaire pacifique. La chose est d’autant plus difficile à imaginer qu’Erdogan est incapable de mettre un terme à l’atroce déficit démocratique de son pays. « Ne vous attendez pas à ce que je récompense ce terroriste [en le libérant] », a déclaré Erdoğan quelques jours avant le sommet de l’UE. Le président turc évoquait le cas de Selahattin Demirtaş, leader emprisonné d’un parti politique pro-kurde qui a remporté plus de 10% des votes aux dernières élections nationales.
Demirtaş et les 12 députés kurdes de son groupe sont mis en examen pour terrorisme et attendent en prison depuis 2016 que leur procès s’ouvre. Cet homme qu’Erdoğan a qualifié de « terroriste » n’est au strict plan juridique, qu’un suspect en attente de jugement. Une mauvaise compréhension des pouvoirs constitutionnels de la présidence, pousse Erdogan à croire qu’il a la liberté de condamner un suspect alors que son procès est en cours.
Pour gagner du temps en mars, Erdoğan devra ravaler sa rhétorique pompeuse et ses défis. Il devra aussi stopper ses recherches gazières en Méditerranée orientale, mettre fin aux tensions avec la Grèce et Chypre et revenir à un langage diplomatique conventionnel avec l’Europe, un langage qui ne contiendra pas de mots tels que nazis, fascistes et racistes anti-musulmans.
Des pensums très difficiles attendent celui qui a tenté de faire régner la terreur dans la cour de récréation.

https://fr.gatestoneinstitute.org/16917/turquie-europe-tensions-sanctions

Burak Bekdil, l’un des journalistes les plus connus de Turquie, a récemment été licencié du journal qui l’a employé pendant 29 ans, pour avoir publié sur Gatestone des analyses sur la situation en Turquie. Il est membre du Middle East Forum.

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