Elisabeth Lévy : «L’agression de Marseille, c’est la routine»

FIGAROVOX/GRAND ENTRETIEN – A l’occasion de la sortie du dernier numéro de Causeur, «2016, la France se rebiffe», Elisabeth Lévy a accordé un long entretien à FigaroVox. L’occasion également de revenir sur les évènements de ce début d’année …


Elisabeth Lévy est journaliste et directrice de la rédaction de Causeur. Dans son numéro de janvier, intitulé, ««2016, la France se rebiffe», le magazine se réjouit du retour du patriotisme et de la libération de la parole en France.


PROPOS RECUEILLIS PAR ALEXANDRE DEVECCHIO @AlexDevecchio

Le dernier numéro de Causeur s’intitule 2016, la France se rebiffe. Pour vous, l’année qui débute serait celle du sursaut. On vous a rarement connue aussi optimiste. Qu’est-ce qui vous prend?

Nous ne sommes pas dupes, il entre dans cet optimisme une part de wishful thinking. Je crois cependant que quelque chose a changé en profondeur en France : après des années d’occultation, d’euphémisation et de dénégation, le réel se rebiffe, lui aussi, et nous éclate à la figure.

Ah…et que nous dit-il que nous ne savions déjà?

Après ces crimes de masse largement exécutés par des Français, on ne peut plus camoufler les fractures françaises sous des bons sentiments et des grands mots. Près de quinze ans après la parution du livre, nul ne peut plus ignorer l’existence des territoires perdus de la République et la faillite de l’intégration d’une partie des enfants d’immigrés. Devant l’hyper-casher de Vincennes, le Premier ministre a évoqué l’antisémitisme «d’une partie de la jeunesse de nos quartiers». Il y a encore quelques mois, Roger Cukierman était traîné dans la boue pour des propos identiques. Cette fois, à part quelques sites gaucho-islamistes qui ont dénoncé ce discours sioniste et raciste, personne n’a moufté. Le Parti du déni et ses porte-voix médiatiques, qui expliquent depuis des années que tout le mal vient de l’islamophobie et de quelques mauvais apôtres – de Finkielkraut à Houellebecq en passant par Zemmour et beaucoup d’autres -, a pris un gros coup sur la tête. Certes, il ne désarme pas complètement mais c’est la panique. Face à ce qui nous arrive, le récit irénique sur le multiculturalisme heureux s’effondre. Et pour le reste, on observe les habituels retournements de vestes: bientôt Libé fera du Causeur!

Est-ce à dire que nous avons touché le fond en 2015?

Disons que la lucidité, c’est le début du sursaut. Après les attentats de janvier, Manuel Valls a évoqué l’apartheid français comme source de nos problèmes. En sommes, nous étions coupables du mal qu’on nous faisait. Aujourd’hui, ce discours ne passerait plus. Raison pour laquelle plus personne ne le tient, à l’exception de quelques gauchistes impénitents qui n’en finissent pas de rejouer la décolonisation, de groupes anti-français comme les Indigènes de la République…et de pas mal de journalistes! La majorité des Français, au-delà de leurs divergences et de leurs différences, veulent rester culturellement majoritaires chez eux et ils ne se sentent plus coupables pour cela. Et c’est d’ailleurs le cas de nombre d’immigrés qui ne veulent rien d’autre, justement, qu’être français.

Pourtant, des violences de Cologne à celles de Marseille, l’actualité n’est pas très réjouissante…

Comprendre la haine dont nous sommes l’objet ne suffit évidemment pas à éteindre cette haine. Nos dirigeants ne cessent de nous le répéter: il y aura d’autres attentats. La question, c’est de savoir si nous pouvons nous défendre: d’un point de vue policier, mais aussi d’un point de vue politique. Autrement dit, sommes-nous capables de définir collectivement ce que nous voulons être et de dire clairement ce dont nous ne voulons pas, en l’occurrence d’un modèle multiculturel dans lequel toutes les cultures sont à égalité? Beaucoup de gens, y compris parmi les intellectuels musulmans, pensent qu’il faut établir une sorte de contrat entre les musulmans et leurs pays d’accueil. Par ailleurs, le débat sur la déchéance de la nationalité montre que la société entend se défendre face à ceux qui l’agressent. C’est beaucoup moins clair pour une partie des élites qui apparaissent plus déconnectées que jamais.

Tout de même, l’agression de Marseille plonge de nouveau les Juifs de France dans l’inquiétude. Après les slogans, «Je suis Charlie» ou «Je suis Paris», on voit désormais apparaître le slogan «Je porte une kippa». Est-ce bien suffisant?

Je ne veux pas vous choquer, mais l’agression de Marseille, c’est la routine. Et cela fait longtemps que les élèves des écoles juives ont pour consigne d’enlever leur kippa quand ils quittent l’établissement. Du reste, une agression parfaitement identique avait eu lieu à Marseille le 14 novembre et personne n’en avait parlé. C’est bien la preuve que quelque chose change. Il est vrai que, cette fois, s’est ajoutée cette querelle sur le port de la kippa entre CRIF et Consistoire, dont la ministre a cru bon de se mêler en décrétant qu’il ne fallait pas céder. Je suis laïque et pas très portée sur la religion, alors je préfèrerais que les croyants n’aient pas besoin de porter leurs croyances sur la tête. Ceci étant, en dehors de l’école publique et des tribunaux, c’est un droit, et quand ce droit est attaqué, il doit être défendu – et cela vaut pour les agressions de femmes voilées. Mais il est un peu facile, voire léger, de bomber le torse. C’est très bien de défendre ses principes, mais entre sa kippa et sa vie, il faut choisir sa vie, même le Talmud le dit! En tout cas, un pays où on s’empaille pour savoir s’il faut ou non porter la kippa, c’est une blague juive et une histoire très française.

Peut-être. Mais vous aurez du mal à trouver la moindre drôlerie aux événements qui ont inauguré l’année à Cologne. Et si 2016 était celle du tragique de répétition?

Tout d’abord, il y a quelque chose d’inédit, ou de très archaïque dans ce qui s’est passé à Cologne. Vols et viols, cela rappelle les rapines et razzias d’antan. Et cela touche à quelque chose de très profond et de très sensible. Ce qui s’est passé à Cologne, c’est au sens propre un choc des cultures, un choc entre deux systèmes anthropologiques. La liberté des femmes est au cœur de la culture démocratique contemporaine et peut-être plus encore au cœur de la culture française. Bien sûr, il faut vraiment se garder des amalgames. Le terrorisme et les agressions sexuelles, ce n’est pas la même chose. Et bien entendu, de même que tous les musulmans ne sont pas islamistes et que tous les islamistes ne sont pas terroristes, tous les migrants ne sont pas violeurs. Cela dit, les événements de Cologne, comme les attentats, traduisent une situation d’affrontement, d’antagonisme entre certains traits culturels arabo-musulmans et les valeurs libérales de l’Occident. Cela ne signifie évidemment pas que des Musulmans ne puissent pas massivement adopter ces valeurs. Mais Cologne rappelle qu’il ne suffit pas d’accueillir pour intégrer. Les individus ne sont pas des clones interchangeables qu’on pourrait déplacer au gré des circonstances. Ils arrivent avec leur système anthropologique et leur vision du monde et des femmes. Et l’anthropologie ne se change pas par la loi.

En tout cas, cette fois, on n’a pas réussi à cacher les faits…

Vous trouvez? En réalité, il y a eu une omerta d’un genre particulier. Face à un crime d’une telle ampleur et d’une portée symbolique aussi dévastatrice, il est difficile d’effacer les faits, on se contente donc de glisser dessus pour en venir à leurs déplorables conséquences sur les esprits déjà droitisés. Le problème, nous dit-on, c’est que Cologne va susciter des sentiments anti-migrants. C’est fort regrettable mais le premier problème est que les femmes ne puissent pas marcher en sécurité dans nos villes. Certaines féministes se livrent à ce sujet à une opération de noyage de poisson de grande ampleur sur le thème «le patriarcat n’a pas de couleur». Encore un coup du «vieux mâle blanc». Or, qu’apprend-on à l’occasion de cette sinistre affaire? Que des polices européennes ont, à plusieurs reprises, dissimulé ou minimisé des crimes de ce type commis par des immigrés, pour ne pas faire le jeu de. On croit rêver. Imaginez le scandale planétaire, si on avait caché des crimes de skinheads…

Comment décrire ce crime-là?

Il est par définition difficile de le faire. Comment dépeindre avec tact une réalité aussi crue? Mais en même temps, les faits sont là, sous nos yeux: des hommes de culture arabo-musulmane ont agressé sexuellement des femmes occidentales, c’est-à-dire libres, parce qu’elles étaient libres. Bien sûr, on doit se garder de toute généralisation, mais il y a peut-être un rapport entre ces agissements et la vision des femmes dans laquelle ces hommes ont été éduqués. Alors, c’est le moment de rappeler que, vivre en Europe, c’est accepter de voir des femmes désirables dans la rue et surtout, accepter qu’elles se refusent à vous. Ceci n’est pas négociable.

Quelles sont les raisons qui vous incitent à y croire malgré tout?

D’abord, je suis aussi sceptique que vous, je m’efforce d’y croire, nuance. Si nous ne nous mettons pas au boulot pour redéfinir notre règle du jeu commune, ce qui signifie revenir à la question brûlante de l’identité nationale, quel que soit le nom qu’on lui donne, c’est la balkanisation de la société, autre nom du déclin, qui prévaudra.

Le regain de patriotisme et la libération de la parole politique constatés ces dernières semaines sont-ils les signes de cette profonde rupture que vous pressentez?

Pour la libération de la parole politique, quand on voit où nous a amenés le politiquement correct qui sévit depuis trente ans, un peu de vérité ne pourra pas nuire. Quant à la vogue du tricolore, il est difficile de distinguer ce qui relève du gadget festif, comme ces selfies patriotiques demandés par le service de com du gouvernement, et ce qui traduit une véritable «demande de France». Il faut se méfier de l’orgie de symboles, mais l’absence de symbole n’est pas non plus un très bon signe. Après tout, pour se donner du courage, la Marseillaise, c’est tout de même mieux que Johnny.

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

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Laurence Salmon

une fois la kippa enlevée , que vont ils exiger ???
comment font ils en Israel ???
et pourtant il y a des attaques de ce genres tous les jours , je ne vais pas vous l’apprendre

Laurence Salmon

DONC MEME LEVY CAPITULE !!!!!!!!!!!!
je suis morte de rire
moi aussi je ne suis pas porté sur la religion mais chère madame , pourquoi faire enlever à des hommes une kippa ?
je n’en reviens pas