Du très inquiétant faux-débat ayant précédé les élections…

Par Jean-Pierre Lledo, cinéaste.

Je l’avoue, lorsque Netanyahou avertit les électeurs que l’alternative au Likoud serait une alliance de Kahol Lavan avec les partis arabes, je mis cela sur le compte d’une exagération propre aux surenchères électorales. Jamais je n’aurais imaginé qu’un jour en Israël des partis qui se réclament encore du sionisme puissent s’allier à des partis pour lesquels le sionisme n’est qu’une idéologie meurtrière ayant permis ‘’la spoliation-du-peuple-palestinien’’. Comment Gantz qui fut chef d’Etat-major, comment Moshe Yaalon qui fut Ministre de la défense, comment Yair Lapid auteur du poème ‘’Je suis Sioniste’’ ont-ils pu accepter de nouer une alliance avec des gens qui les considèrent comme des criminels de guerre ? Comment ont-ils osé pousser la connivence jusqu’à demander au chef de la coalition arabe – Odeh s’est empressé de le révéler – que les 3 députés d’un des trois partis arabes, Balad, ne recommandent pas Gantz auprès du Président Rivlin, afin que le premier à être désigné, et à échouer à faire un gouvernement, soit Netanyahou !

Tout cela par haine de Netanyahou ? Etre capable de sacrifier les valeurs fondamentales sur lesquelles repose Israël par haine d’un homme ? Les partis arabes seraient fréquentables, mais pas Netanyahou ? La dérive est gravissime. Au moins faut-il créditer à Liberman le sens des limites. Lui aussi n’aime pas Netanyahou, mais reste que pour lui ‘’les députés de la liste commune arabe ne sont pas des rivaux politiques comme le sont les religieux orthodoxes, ils sont des ennemis’’. Voilà qui est net, et surtout vrai.

J’ignore de quelle manière Israël sortira de l’impasse actuelle, soit par une coalition nationale comme l’a proposé sagement le Président Rivlin, et comme Netanyahou l’a acceptée, soit par un réajustement  de Liberman qui, conséquent avec lui-même se déciderait à faire un compromis avec des ‘’rivaux’’, pour mettre en échec ‘’ses ennemis’’. Car évidemment prétendre imposer au Likoud qu’il change de leader, alors, que dans les sondages, Netanyahou dépasse Gantz de 20 % pour ce qui est des préférences pour le poste de 1er Ministre, relève d’une immaturité politique, aussi grave que celle de s’être allié à la coalition arabe.

Mais quelle que soit l’issue, on peut se permettre d’espérer en ce début d’année 5780, que l’immaturité politique aura aussi ses limites et que le peuple ne sera pas obligé d’aller aux urnes une 3ème fois, car alors tous les partis et hommes politiques qui en seraient responsables seraient à jamais disqualifiés. Quelle que soit l’issue à la crise actuelle, cet épisode si cruel de la vie politique d’Israël devrait faire réfléchir tout le monde. Et pour moi, réfléchir a un préalable : tenir compte de la réalité.

La réalité c’est qu’Israël n’a jamais été acceptée par le monde arabo-musulman et qu’elle ne le sera jamais. En tous cas pas tant que les pays qui le composent resteront des pays totalitaires. Par intérêt immédiat, par crainte du chiisme et de l’Iran, ou pour tout autre motif conjoncturel, Israël pourrait être reconnue comme l’ont déjà fait la Jordanie et l’Egypte. Mais jamais le droit du peuple juif à habiter cet endroit de la terre ne le sera. Jamais avant que n’adviennent des Etats démocratiques fondés sur la liberté d’expression (où dire son opinion ne mène pas à la prison ou à la mort), et donc sur la raison et l’histoire réelle et non l’histoire fantasmée… Ce qui, selon le pronostic de quelqu‘un qui a vécu en Algérie jusqu’en 1993, le mien, ne nécessitera pas moins que 2 à 3 siècles, et encore si l’histoire va dans le ‘’bon sens’’…

J’ai lu récemment (pour la première fois !) le N°253 bis des Temps Modernes consacré au ‘’Conflit israélo-arabe’’ publié en Juin 1967 à Paris, lequel donna la parole, moitié moitié, à des Israéliens et des Falestiniens. Deux choses m’y ont frappé. Autant les points de vue israéliens sont très diversifiés, voire souvent contradictoires, autant les falestiniens donnent l’impression de se clôner mutuellement. La deuxième chose étant qu’aucun Falestinien n’évoque l’histoire juive. Et pour cause ! Pour toutes les organisations passées et actuelles falestiniennes, il n’y pas de peuple juif ! Telle était leur pensée en 1967 lorsque fut publié ce numéro spécial des Temps Modernes, et telle est toujours la leur aujourd’hui. A l’occasion de Roch Hachana, l’ex-premier ministre Saeb Erekat et négociateur d’Arafat, ne vient-t-il pas d’adresser ses bons vœux ‘’à tous ceux qui adhèrent à la religion juive’’ ? Restriction qui ne s’explique que par le refus de reconnaitre l’existence du peuple juif, de son lien historique maintenu avec sa terre durant 3500 ans, et ce malgré toutes les déportations et les exils salvateurs.

Faut-il, à présent, préciser que les partis arabes coalisés, marxiste, nationaliste et islamiste, n’ont véritablement en commun qu’une seule chose : cette même conviction qu’il n’y a pas de peuple juif, qu’on ne saurait, par conséquent, parler de son retour, d’où la nécessité de transformer Israël en un ‘’pays de tous ses citoyens’’ qui devrait abandonner tous ses symboles fondateurs, de l’hymne national à son drapeau ? Les partis qui se sont alliés avec la coalition arabe en sont-ils conscients ? Si c’est non, cela aggraverait leur immaturité. Et si c’est oui, alors cela voudrait dire que la fixation obsessive  autour de Netanyahou ne visait qu’à masquer un revirement qui met en danger l’existence même d’Israël, car le déjudaïser  et le délester de ses 3500 ans d’histoire ne peuvent être que le prélude à sa disparition définitive. Heureusement que pour me rassurer, il y a  le 1er ministre falestinien Shtayyeh : ‘’la différence entre Gantz et Netanyahu ? C’est comme Pepsi et Coca-Cola….’’.

Les leaders falestiniens et arabes n’ont jamais dissimulé que leur stratégie des petits pas et les concessions d’Israël (Oslo, arrivée d’Arafat et contrôle par l’OLP de toutes les grandes villes falestiniennes, départ de Gaza) n’étaient pas le chemin vers une paix définitive mais, au contraire, vers la destruction progressive d’Israël. Ils ne dissimulent pas non plus qu’il en sera de même pour l’avenir avec la problématique des ‘’deux Etats’’. Qui veut s’en convaincre n’a qu’à visiter le site PALWATCH qui traduit en anglais et en hébreu tant les discours des chefs politiques et religieux falestiniens, que ceux appris par cœur par les écoliers.

Et alors que tout le monde sait que Trump va sortir son Plan dit ‘’du siècle’’, ce qu’il y a eu de très inquiétant dans le faux-débat ayant précédé les élections, c’est que justement la question du rapport aux Falestiniens a été évacuée ! Personnellement je ne crois en aucun plan qui ne postulerait pas comme condition préliminaire non-négociable, non pas la reconnaissance d’Israël mais la reconnaissance d’Israël en tant que pays du peuple juif. Ce qui n’exclurait pas, mais au contraire entérinerait l’égalité citoyenne de tous les minoritaires, à la condition qu’ils acceptent la nature d’Israël, ce qui est le cas par exemple des Druzes, pour qui défendre Israël comme leur pays, y compris avec les armes, est un devoir parfaitement assumé.

Je ne crois pas non plus à un Plan qui n’inclurait pas la question des Falestiniens vivant en Israël. Les partis de la coalition arabe se réclament de la falestinité et leur narratif est exactement celui  des autres Falestiniens. Je comprends de ce fait leur entière solidarité pour certains avec l’Autorité falestinienne et pour d’autres avec le Hamas. Mais il devrait être clair aussi qu’Israël ne peut faire face à deux entités palestiniennes, une à l’extérieur qui se veut judenrein, et une autre en son propre sein, toutes deux niant ou refusant qu’elle soit le pays du peuple juif ! On voit bien toute la différence entre Druzes et Falestiniens. Et seule cette reconnaissance permettrait d’établir les droits et devoirs des minorités non-Juives, comme le droit d’accéder à la Knesset. Quant à ceux qui s’y refuseraient, ils pourraient alors se faire représenter dans les institutions falestiniennes.

Depuis 1948, obligée de se protéger sur tous les fronts, Israel a dû piloter à vue, sans constitution, avec des lois fondamentales, votées par la Knesset. Et s’il est vrai qu’il est difficile d’imaginer un grand débat national sur cette question du rapport aux Falestiniens de l’extérieur et de l’intérieur, conclu par un référendum, alors que plane le danger d’une nouvelle guerre avec l’Iran dont l’enjeu est comme en 1967 l’existence même d’Israël, il est aussi vrai que sans une vision globale et à long terme du rapport aux Falestiniens, soutenue par tout un peuple, aucun plan ne pourra aboutir, qu’ils soient catastrophiques comme ceux de Barak et d’Olmert, dans le passé, ou plus favorable comme on le dit de celui de Trump.

Rosh Hashana

1er du mois de Tichri 5780

Jean Pierre Lledo

La rédaction de JForum, retirera d'office tout commentaire antisémite, raciste, diffamatoire ou injurieux, ou qui contrevient à la morale juive.

S’abonner
Notification pour
guest

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.

3 Commentaires
Le plus récent
Le plus ancien Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
DANIELLE

Pour un début d’année Juive, vous rendrez dedans !
Vous auriez pu dire la même chose mais différemment, car vous jugez les gens assimilés ou laïques, mais ce ne sont pas les personnes qu’il faut viser c’est leur idéologie !
Cela aurait été plus juste !
Alors après la repentance, le pardon !

Asher Cohen

@DANIELLE
J’ai exclu les assimilés de la Nation Juive parce qu’ils ne participent plus à notre Histoire Future, mais où aurais-je écrit que les Juifs laïcs ne seraient-pas des Juifs?

Être Juif ne peut pas reposer sur l’acceptation subjective d’une croyance religieuse ou éthique. Être Juif ne peut reposer que sur une base objective, c’est pourquoi j’ai retenu le critère du nationalisme Juif consistant et historique. Nous ne sommes ni une dénomination, ni une école de pensée, mais des membres d’une même famille, porteurs d’une Histoire commune. Refuser le Judaïsme ne place pas les Juifs laïcs hors de la Communauté, et l’accepter ne fait-pas d’eux des Juifs. Je vous rappelle que tant les Nazis que les Vichystes ne définissaient pas les Juifs par la religion, mais par la Nation et l’Histoire Juive. La religion peut certes cristalliser notre identité nationale parce qu’elle possède un pouvoir liant les Juifs entre-eux et une autorité, mais elle n’est pas un critère objectif pour la Nation Juive.

Quand je lis Léon Pinsker, Moshé Hess ou Théodore Lessing, je les comprends parce que nous sommes de la même Nation et avons le même type d’Histoire Juive, alors que je suis un Séfarade né à Oran et qu’eux sont des Ashkénazes d’Odessa ou d’Allemagne. Et c’est la même chose quand les Juifs Allemands ou Russes étudient Maïmonide et nos philosophes médiévaux. Ce n’est pas une question de religion, mais de nationalité Juive réelle.Et c’est pour cela que j’ai refusé à l’Université de travailler sur des auteurs arabes israéliens, comme Shammas par exemple, qui écrivent en Hébreu pour défouler leurs problèmes identitaires et leur antisémitisme. Par contre je travaille sur tous les auteurs Juifs en Hébreu, qu’ils soient marxistes, socialistes ou d’extrême-droite. De même, je ne peux-pas objectivement exclure Spinoza de la Nation Juive comme l’a fait Menassé Ben Israël.

Asher Cohen

Qui êtes-vous Mr Liedo? Un Juif sioniste en Galut qui vivait encore en Algérie plus de 30 ans après son indépendance? A quel titre critiqueriez-vous la politique israélienne actuellement?

Être Juif c’est être membre de la Nation Juive donc d’abord porteur d’une Histoire commune, c’est un fait objectif qui nous est imposé par l’Histoire, mais c’est aussi la volonté de prendre part à la vie du Peuple Juif et d’être absorbé dans son Histoire Future. Les Juifs assimilés ne participent plus à notre Futur, et les convertis n’ont aucun partenariat dans notre Histoire Passée, ce ne sont donc pas des Juifs. Notre être national est sur la Terre d’Israël et dans la langue Hébreu, donc nous luttons pour un Futur National sur notre Terre et notre langue, en reniant l’existence en Galut.

En ayant choisi de vivre en Algérie après 1962, puis en France, vous vous sentiez inférieur aux arabes et aux français qui avaient réussi à vous faire vous sentir inférieur, et vous croyiez qu’en vous assimilant à eux vous alliez monter, ce qui était une erreur. L’assimilation en Algérie et en France avait œuvré à défigurer et appauvrir le Peuple Juif. La Galut n’a toujours fait que faire monter la disgrâce des Juifs et soutenir l’existence d’un peuple défiguré en corps et en âme. La Galut vous a maintenu dans un état d’impureté nationale généré une créature bizarre dans un environnement de désintégration de culture et d’horizon spirituel obscurci. Votre vie en Galut ne représente rien de plus qu’une errance sans racines, et sans repos, entre deux Mondes; vous êtes rendu malade par l’ambivalence, consumé par les contradictions, et vidé par un conflit interne sans répits. Vous êtes privé des fondations géographico-politiques nécessaires à une existence réelle en tant que Juif, et donc en Galut vous menez une existence fausse et pervertie au moyen de substituts à la Réalité.

Et avec tout cela, vous prétendez juger et critiquer la politique israélienne de l’extérieur? Avez-vous déjà participé à des élections algériennes ou françaises, ou-bien avez-vous cultivé une culture nationale Juive quelque soient les conditions de vie en Galut, et êtes-vous sensible au crime d’assimilation et à ses conséquences? N’hésitez-pas à me répondre.