Démystifier l’Europe centrale: Bohême, Hongrie et Pologne du VIIe au XVIIe siècle. (Sous la direction de Marie-Madeleine de Cevins) Passés / Composés. 2021.

Démystifier l'Europe centrale : Bohême, Hongrie et Pologne du VIIe au XVIe siècleLorsque je reçus ce bel ouvrage de plus de 900 pages, muni de tant de reproductions de belles images, je fus impressionné. C’est un livre collectif qui a requis de très nombreuses compétences sur un sujet difficile à cerner, l’Europe Centrale. En effet, qu’est-ce que l’Europe Centrale ? Je me suis souvenu du bon mot que l’on débite sur l’ignorance du Français moyen en géographie : pour le Français à peine cultivé, l’Asie commence … après le pont de Kehl. Donc immédiatement après Strasbourg. C’est un peu le cas ici et le titre même du présent ouvrage le confirme : une œuvre de démystification s’impose. Mais dans cette région souvent oubliée ou négligée par l’Europe de l’ouest, l’Europe des grandes nations européennes (Allemagne, France, Angleterre, Italie, Espagne, etc…) les frontières entre états n’nt jamais été hermétiques ni figées. Et la plupart du temps, ces pays furent occupés, violentés ou simplement annexés par de puissants voisins. Ce qui explique que les auteurs aient jugé bon de préciser les dates qui couvrent un espace de plus d’un demi millénaire.
Quels sont les états qui se sont regroupés sous une telle appellation ? Principalement , la Bohême, la Hongrie et la Pologne. Mais ces réalités politiques sont mouvantes. Une vision plus large introduit bien d’autres états de de cette Europe Centrale ou l’Europe Orientale où le maître-mt n’est autre que multiculturalisme. Ce qui ne signifie pas que tous ces braves gens s’entendaient entre eux ; au contraire, ils veillaient strictement sur leur conservatisme traditionnel et se servent, dans cet esprit, d’un prétendu âge d’or, que fut, selon eux, leur Moyen Age. Dernièrement, au sein de la nouvelle Union Européenne, ces états ont refusé d’obéir aux injonctions de la Commission Européenne d’admettre sur leur territoire des réfugiés e de migrants de culture islamique. Sans vouloir leur trouver d’excuse, on rappellera qu’un pays comme la Hongrie dont l’actuel Premier ministre fait tant parler de lui et de son populisme, fut longtemps occupé par l’empire ottoman. Ce sont des choses qui ne s’oublient pas si facilement. Certaines déclarations proclamaient que là où le Turc passe, l’herbe ne repousse plus jamais…
Inule de dire qu’un autre pays comme la Pologne a eu les plus grandes difficultés à maintenir sa propre souveraineté tant les partages de son territoire furent fréquents et douloureux. D’autres états furent fusionnés avec des états voisins, contre leur gré. Ce fut le cas de Tchéquie et la Slovaquie. En bref, cette région ignorée de l’Europe, la Mitteleuropa si chère aux généraux prussiens, a été confrontée à de graves problèmes d’identité ; de nombreuses populations d’origines parfois opposées, furent condamnée à vivre ensemble.. C’est aussi pour cette même raison que la montée des nationalismes ont presque toujours affecté ces pays. Il existe une mémoire collective avec laquelle il faut composer.
Pourquoi démythifier cette partie du continent ? Probablement parce que la légende pieuse y a pris le pas sur les faits historiques. Les ficta ont supplanté les facta. Le mythe a souvent repoussé le réel. Mais on peut parler d’un entremêlement de tant de données inextricables. La légende des origines a la vie dure.
Mais il y a un chapitre de ce livre dont j’aimerais dire quelques mots : c’est le pluralisme religieux, pas seulement concernant les confessions chrétiennes mais principalement le judaïsme et les grands centres culturels juifs d’Europe Centrale. Les soubresauts de l’histoire européenne au XIXe siècle ont provoqué de fortes migrations des juifs, justement dans et à partir de ces sites. La Pologne, la Bohême, la Hongrie mais encore plus profondément en Europe Orientale, les populations juives furent victimes de graves pogroms, notamment du Hetman cosaque Chielmicki , tristement célèbre dans les communautés juives qui eurent à souffrir de ses agissements.
Ces populations juives, situées de ce côté-ci de l’Europe, ne suivirent que tardivement la voie des Lumières tracée par Moïse Mendelssohn (1729-1786). Leur modernité européenne fut plutôt traditionnelle. Alors que la figure de Berlin privilégiait la langue de Goethe, les juifs de Pologne et de cette aire géographique optèrent pour le maintien de l’hébreu. Les Lumières se dit en hébreu la Haskala. C’est aussi dans ces régions reculées de l’Europe que germa l’idée sioniste et s’organisèrent les premiers départs en direction de la Terre sainte.
Tout le monde connait la légende du Marahal de Prague et de son légendaire golem, le seul thème que la littérature biblique(Le golem de Mayerling) a légué à l’imaginaire culturel européen (Golmi ra’ou eynékha…) Psaume 139.
Mais cette problématique est presque secondaire dans un si beau volume consacré aux grandes questions de l’Europe Centrale qui, au moment où je tiens la plume, n’est pas encore au bout de ses peines.
Maurice-Ruben HAYOUN
Le professeur Maurice-Ruben Hayoun, né en 1951 à Agadir, est un philosophe, spécialisé dans la philosophie juive, la philosophie allemande et judéo-allemande de Moïse Mendelssohn à Gershom Scholem, un exégète et un historien français. il est également Professeur à  l’université de Genève.  Son dernier ouvrage: La pratique religieuse juive, Éditions Geuthner, Paris / Beyrouth 2020 Regard de la tradition juive sur le monde. Genève, Slatkine, 2020

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