Enseignements à retenir de la Conférence sur le contre-terrorisme (Herzliya) : les menaces sont loin d’être levées

 

Ne buvez pas d’un trait le « Kool-Aid [la grenadine : L’expression provient du suicide collectif qui s’est produit en 1978 à Guyana à l’instigation de Jim Jones et pendant lequel la plupart des adeptes de la secte « Le Temple du Peuple » ont bu du jus de raisin au cyanure], a déclaré l’un des présentateurs. Il ne faisait pas référence au repas du buffet, qui était excellent, mais plutôt à la prétendue défaite de l’Etat Islamique (Daesh) en Irak et en Syrie, annoncée de façon prématurée.

Lors du Sommet Mondial sur le Contre-Terrorisme, organisé par l’Institut International sur l’antiterrorisme, à l’hôtel Sharon d’Herzliya, l’atmosphère générale, mardi, était au pessimisme. La menace d’Iran ne cesse d’augmenter et même si l’Etat Islamique est sur le déclin, les menaces d’actes de terrorisme auxquelles l’Europe et le monde sont confrontées, sont très loin d’être dissipées. En fait, il y a des preuves qu’elles ne cessent d’empirer, comparativement aux années passées.

La 17ème Conférence Internationale annuelle, qui s’est déroulée entre le 11 et le 14 septembre, a rassemblé un groupe impressionnant d’experts internationaux et d’hommes politiques israéliens et d’anciens géants du renseignement et de la sécurité sous le même toit. Ils ont passé en revue une myriade de sujets, tels que les menaces terroristes sur Israël, le terrorisme pratiqué par les « loups solitaires » et comment les repérer, les vagues migratoires incontrôlées, le cyber-terrorisme et les réponses politiques qui leurs sont apportés.

Mardi, Piet de Klerk, l’Ambassadeur extraordinaire et envoyé spécial sur les questions de contre-terrorisme pour le Ministère des Affaires étrangères des Pays-Bas, a expliqué le point de vue de son pays sur les menaces actuelles. « Nous avons hissé les drapeaux d’alerte annonçant la tempête », a t-il dit, une métaphore tout-à-fait d’à propos pour un pays dont l’histoire est liée au milieu marin.

Ces menaces ne s’évanouiront pas par enchantement.

Il était parfaitement clair, ressortant de l’intervention de Klerk, autant que de celle de Luc Vand Der Taelen, du Centre de l’unité anti-terroriste de la police fédérale en Belgique, que l’approche européenne s’est transformée ces dernières années. Les problèmes auxquels sont confrontés les pays de l’U.E incluent, non seulement la question de l’ouverture des frontières, mais aussi la reconnaissance que le terrorisme, et en particulier le terrorisme islamique, continuera d’être une menace majeure.

De Klerk a souligné que : « Aucun individu n’est né terroriste » et que nous avons besoin d’approches taillées sur mesure, de façon équilibrée, qui conservent à l’esprit le besoin de préserver une société ouverte. Il a tenu à réaffirmer que la majorité des pays musulmans sont nos alliés dans la lutte et que ce n’est pas une question d’Islam sunnite ou chiite.

Les termes « radicalisation » et « extrémisme violent » sont des euphémismes pour « terrorisme islamiste », qui révèlent l’aveuglement et l’absence de volonté à comprendre l’extrémisme religieux comme une cause majeure de terrorisme. De Klerk a terminé avec de nouvelles références au milieu de la mer. « Nous devrons affronter la tempête, pour l’avenir prévisible ».

La question que ses commentaires ont soulevé consiste à se demander si cette approche aurait pu fonctionner contre des groupes comme le Ku Klux Klan. La crainte de mettre en cause l’extrémisme islamiste et le conservatisme islamiste, qui rejoint tout particulièrement l’extrême-droite dans ses principes, comme une source de radicalisation, semble refléter une peur qui paralyse toute action en profondeur : tout faire pour ne pas offenser les minorités musulmanes en Europe devient plus important que d’avoir un débat franc et ouvert, dans une société dite ouverte que l’on prétend, pourtant, vouloir conserver.

Comment l’Europe a t-elle fini par exporter autant de djihadistes prêts à rejoindre Daesh en Syrie et en Irak? Le Dr Magnus Ranstorp, du Collège de Défense Nationale, en Suède, s’est focalisé sur le retour des djihadistes européens.

Cela comprend, non seulement des milliers de citoyens de l’U.E qui sont partis rejoindre Daesh en 2014-2016, mais aussi des femmes et des enfants qui se sont joints à eux. Il énonce qu’il devrait y avoir  environ 460 mineurs qui pourraient revenir et auraient besoin d’être réintégrés à la société européenne (après avoir choisi de la combattre). Évoquant une étude consacrée à son pays, il expose qu’environ 24% de combattants étrangers sont des femmes et que la plupart proviennent de ce qu’il décrit comme les « zones ségrégées » de guère plus de quatre villes suédoises.

De nombreux djihadistes étrangers norvégiens ont immigré vers ce pays nordique durant leur adolescence et l’ont ensuite quitté plus tard pour rejoindre Daesh ou d’autres groupes. Ranstorp a été très clair pour dire que ces djihadistes vont revenir dans un milieu qui foisonne de prédicateurs de haine et nourrit un environnement intolérant.

Van der Taelen s’est concentré sur les djihadistes étrangers de Belgique.

Ses statistiques démontrent que 121 djihadistes sont revenus, dont 20% sont des femmes. Il a débattu du fait d’avoir l’armée dans les rues, qui permet à la police de faire des patrouilles et opérations de proximité auprès des communautés et « de se focaliser sur la transition entre la radicalisation et l’extrémisme violent ». Cette approche de niveau  macro examine aussi les conditions socio-économiques et cherche à détecter et prévenir le moment du passage au terrorisme.

Le véritable problème demeure : ces autorités et ces experts sont-ils en mesure de reconnaître qu’on n’aurait jamais dû permettre aux islamistes de chacun de leur pays de partir en Syrie et en Irak où ils ont, en tout premier lieu, commis des crimes contre l’humanité? De là, que faire avec de tels individus?

Il est clair que l’objectif consistant à chercher à répondre aux causes profondes correspond à la partie immergée, la plus importante de la stratégie anti-terroriste. Mais il n’est pas évident de savoir si les experts comprennent jusqu’à quel point va la haine quotidienne déversée par les islamistes, qui conduisent, en définitive, leurs adeptes à concevoir le meurtre des « impies » comme un acte normal et banal, donc reproductible à l’infini au sein de nos sociétés, après l’avoir propagé au Moyen-Orient.

Bien que les orateurs aient insisté sur le fait que la plupart des membres de Daesh ne sont pas très versés en matière religieuse et qu’ils ne connaissent même pas la différence entre le Chi’isme et le Sunnisme, il est un peu difficile d’accepter cette allégation, en considérant qu’en Irak et en Syrie, cela ne leur créait aucun problème d’exécuter des Musulmans chiites et de faire commerce d’esclaves yazidies. C’est un peu comme si on disait que les membres de l’Inquisition n’étaient pas suffisamment versés dans la connaissance de la Bible, même s’ils étaient très occupés à torturer les gens, à cause d’une supposée infidélité à ce même Livre. Combien d’hommes et de femmes nés chiites ou Musulmans Ahmadi ont rejoint Daesh en tant que combattants étrangers? Certainement très peu, voire pas du tout.

Le portrait que trace le Dr Reuven Paz, de Daesh après sa défaite en Irak et en Syrie, nouq a, de la même façon présenté une vision pessimiste de l’avenir. Le Dr. Colin Clarke, de la Rand Corporation, a révélé que même à l’agonie, Daesh reste le producteur de 30 médias uniques par jour.

Le Prof. Rohan Gunaratna, directeur du Centre International de Recherche sur la Violence Politique et le Terrorisme de Singapour, a déclaré que Daesh a reçu les serments d’allégeance de 100 groupes à travers l’Asie et l’Afrique et que nous devrions, par conséquent, nous pencher sérieusement sur ces tentacules qui se démultiplient dans le Sud global (Asie du Sud-Est).

Encore et encore, les orateurs ont présenté un avenir sombre qui annonce une probable augmentation du terrorisme, et pas sa diminution.

Bien que des pays soient devenus plus conscients de la façon dont Daesh a recruté et qui l’a rejoint, et que de nouvelles technologies aient permis de réprimer ses activités sur les réseaux sociaux, l’intolérance, l’extrémisme, les griefs identitaires et toutes les autres causes (de radicalisation) subsistent encore. L’approche étendue qui est adoptée dans les pays occidentaux semble découler d’une peur : comme si tenter de se confronter à l’extrémisme religieux risquait de susciter l’hostilité des minorités musulmanes ou des pays musulmans qui sont des alliés potentiels (et sans doute indispensables) en matière de contre-terrorisme.

Cependant, le Professeur Fernando Reinares  de l’Université du Roi Juan Carlos de Madrid, a souligné qu’après les récents attentats de Barcelone, il est important que les communautés musulmanes prennent un parti clair contre le terrorisme.

Le problème, c’est que si on ne veut pas reconnaître les racines religieuses de l’extrémisme, même si on pense que les extrémistes en ont la mauvaise interprétation, on ne peut pas l’affronter.

Cela revient à affronter le Ku Klux Klan sans admettre que ce soit la race et le racisme qui soient son premier facteur de motivation. Il apparaît que les courants actuels en matière de contre-terrorisme sont encore en butte à cette question fondamentale, quant à la façon de s’attaquer aux motivations religieuses qui conduisent à des groupes comme Daesh, si, d’un autre côté, on prétend que les auteurs d’attentats ne sont pas guidés par une religion, mais simplement désorientés, ou si on ne creuse pas la question du milieu d’intolérance qui est le leur comme un facteur déterminant.

Globalement, en plus du buffet et de la location mignonnette sur le bord de mer Méditerranée, le sommet donne à réfléchir. Seize ans après le 11 septembre, le terrorisme est là pour rester tout au long de notre vie et nous n’avons toujours pas de réponses certifiées sur la façon de lui répliquer.

Par SETH J. FRANTZMAN

 

 14 Septembre 2017 03:22

jpost.com

Adaptation : Marc Brzustowski

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christopher.dee

Bref une belle brochette de spécialistes pour constater la lâcheté européenne. Ne pas demander des comptes à l’islam revient à fermer les yeux sur le djihad, la charia etc
Ne pas mettre clairement l’Islam en accusation avec son prosélytisme menaçant et son influence criminogène lui offre l’espoir de parvenir à conquérir le monde.
Le terrorisme n’est que le dessus de l’isberg. On ne parviendra à rien sans remettre en cause le Coran.
Vouloir séparer terrorisme et religion islamique relève de l’attitude munichoise.