Comment Théodore Herzl devint un visionnaire? Vidéo

La notoriété de Théodore Herzl, un fondateur du sionisme politique, est si forte qu’elle est visible à travers les noms de lieux en Israël et dans le monde. En Israël, une ville porte son nom : Herzliya. Des rues de plusieurs localités (Rehovot, Rishon LeZion, Guedera, Kiryat-Malakhi, Be’er Ya’akov, Ma’alot-Tarshiha, Netanya, Jérusalem, Tel Aviv-Jaffa, Tirat Carmel) portent aussi le nom de Herzl. À Jérusalem, le mont Herzl abrite sa sépulture et celle d’autres figures marquantes de l’histoire d’Israël.

En Europe, plusieurs localités (Bâle, Budapest, Edlach an der Rax (en Autriche), Vienne) ont donné le nom de Herzl à une rue. À Paris, la place Theodor Herzl a été inaugurée le 5 juillet 2006, dans le 3e arrondissement.

Quel a été l’itinéraire intellectuel de Théodore Herzl ?

Le 3 septembre 1897, à l’issue du premier Congrès sioniste, Théodore Herzl notait dans son Journal : «  A Bâle, j’ai créé l’Etat juif. Dans cinq ans peut-être, dans cinquante ans sûrement tout le monde le reconnaîtra. » Il aura fallu, cinquante ans et huit mois à la prophétie pour se réaliser : le 14 mai 1948 (5 Iyar 5708) était proclamé l’Etat d’Israël.

Herzl et la « question juive »

Théodore (Binyamin Zeev) Herzl est né à Budapest en 1860. Élevé dans l’esprit des Lumières judéo-allemandes de l’époque, il apprit à apprécier la culture laïque.

En 1878, sa famille s’installa à Vienne et, en 1884, Herzl obtint son doctorat en droit, décerné par l’Université de Vienne. Il entama une carrière d’écrivain, d’auteur dramatique et de journaliste, et devint le correspondant à Paris du Neue Freie Presse, le journal libéral le plus influent de Vienne.

C’est à l’université de Vienne, en 1882, qu’Herzl rencontra pour la première fois l’antisémitisme qui allait déterminer sa vie, ainsi que le sort des Juifs au XXe siècle. Par la suite, pendant son séjour à Paris en tant que journaliste, il fut directement confronté à ce problème.

A l’époque, il considérait le problème juif comme une question sociale et écrivit une pièce de théâtre intitulée Le ghetto (1894) dans laquelle les solutions de l’assimilation et de la conversion étaient l’une et l’autre rejetées. Il espérait que Le ghetto conduirait à un débat et, en fin de compte, à une solution fondée sur la tolérance et le respect mutuels entre chrétiens et juifs.

Histoire d’une Alyah: 1882-1904 depuis l’Empire tsariste

La première grande Alyah est liée à l’assassinat, celui du Tsar Alexandre 2 en mars 1881 tué par des révolutionnaires.

L’instabilité politique qui s’ensuivit fut un facteur essentiel de la recrudescence de l’antisémitisme dans l’empire tsariste, où vivaient alors plus de 5 millions de Juifs.

La vague de pogroms qui s’abattait sur la communauté juive précipita l’émigration de celle-ci vers l’Occident, la formation de groupes d’autodéfenses, mais aussi favorisa l’émergence de l’idée d’un retour vers Sion.

En réalité tout débuta avec le mouvement de la “Haskala”, initié en Allemagne par Moses Mendelssohn, philosophe juif du 18ème siècle, qui posa les bases idéologiques de l’émancipation des juifs dans les nations, notamment par la sécularisation de l’hébreu et la transmission des idées des lumières.

Un siècle plus tard, Moses Hess, philosophe juif allemand, prôna lui aussi l’émancipation des Juifs, mais contrairement aux maskilim (Juifs du mouvement de la Haskala) elle ne pourrait s’obtenir selon lui qu’avec la séparation des juifs des autres nations. Ainsi il appela les juifs au retour à la terre promise à travers son livre publié en 1862 “Rom und Jérusalem : Die letzte Nationalitätsfrage” (Rome et Jérusalem-la dernière question nationale).

Moses Hess (@hess_moses) | Twitter

 Moses Hess

La voix de Moses Hess trouvera un écho important à la suite des Pogroms de 1881 lorsque certains maskilim, déçus de l’absence de réaction de l’intelligentsia russe libérale, prônèrent un retour à Sion, seul moyen d’arriver à l’émancipation.

L’aboutissement de ce formidable mouvement de restructuration de la vie sociale et de la pensée juive amena à la création d’un autre mouvement, celui des “amants de Sion”, Léon Pinsker et Lev Lilienblum, intellectuels Juifs, en étaient les principaux fondateurs.

Ephéméride | Pinsker [13 Décembre] – Yiddish Pour Tous

 Léon Pinsker

L’entreprise sioniste en marche, il fallut trouver les moyens de se réapproprier la terre, par le travail de celle-ci mais aussi par son achat, et dès 1882 le baron Edmond de Rothschild (1845-1934) acheta en Eretz Israël des terres insalubres, finança des écoles, des synagogues et subventionna l’installation de juifs notamment à Rishone letzion.

D’ailleurs, sur l’accusation des juifs européens qui auraient volé la terre des palestiniens qui y vivaient depuis des siècles, l’éminent juriste Alan Dershowitz de répondre:

“Une étude des achats de terrains entre 1880 et 1948, réalisée par des spécialistes a montré que les trois quarts des parcelles achetées par les Juifs appartenaient à des grands propriétaires terriens, et non à ceux qui travaillaient la terre”.

Il est peu dire que la réappropriation de la terre par le travail du Juif venait à l’encontre de l’image antisémite qu’avaient les pogromistes à son égard (lâche, usurier, traître…).

Le juif nouveau n’était plus uniquement le juif de l’étude, il devenait le propre maître de sa terre et de son destin de surcroît, un changement de conception de soi absolument profond.

L’achat et le travail de la terre n’auraient pas été une réussite complète sans cette première Alyah: D’après le célèbre historien Benny Morris, en 1882 les juifs de Palestine ne représentaient que 5% de la population, soit 25,000 juifs pour un peu moins de 500,000 arabes. À la fin de la période de la première Alyah, on comptait près de 50,000 juifs.

Mais durant cette période le sionisme connaîtra un grand bouleversement, celui de la naissance du sionisme politique.

Le tournant de l’Affaire Dreyfus

En 1894, le capitaine Alfred Dreyfus, un officier juif de l’armée française, fut accusé à tort de trahison, suite à de fausses lettres compromettantes fomentées par un général antisémite protégé par sa hiérarchie.

Le 5 janvier 1895, point culminant des débuts de l’Affaire,  Théodore Herzl assiste, à Paris, à la dégradation du Capitaine Dreyfus, sous les cris de « Mort aux Juifs ». Il indiquera plus tard que cette situation avait été un choc pour lui.  Si l’Autriche était un pays où l’antisémitisme était développé, la France était censée être immunisée contre l’antisémitisme.

C’était le pays qui, le premier au monde, avait donné une totale égalité civique aux Juifs, en 1791. C’était aussi le pays qui avait donné la nationalité française aux Juifs indigènes d’Algérie en 1871 (décret Crémieux). Elle représentait la modernité occidentale en marche vers plus d’égalité. Herzl avait tiré comme conclusion de sa déception qu’il était illusoire pour les Juifs de chercher leur salut dans l’assimilation, et qu’ils devaient posséder leur propre État, refuge pour tous les Juifs persécutés.

L’action de Herzl et le développement du sionisme

En 1896, il publie un ouvrage d’une centaine de pages rassemblant ses idées : L’Etat Juif (Der Judenstaat), puis il publie Altneuland. Herzl devient alors contre toute attente un des principaux leaders sionistes de la fin du XIXe siècle.

Une fois ses ouvrages publiés, Herzl se lance dans une intense activité politique pour mettre en place son projet. Il profite des nombreux contacts que lui apporte son métier de journaliste pour diffuser ses idées et trouver des fonds auprès des milieux financiers juifs. Ces derniers refusent cependant de lui apporter de l’aide, ne croyant pas en la création d’un Etat juif.

Il poursuit malgré tout son action et organise, à Bâle, en Suisse, le premier Congrès sioniste mondial du 29 au 31 août 1897. Le congrès donne naissance à l’Organisation sioniste mondiale dont Herzl est élu président.

Le but de l’Organisation est l’établissement d’un Etat juif en Palestine alors dominée par la puissance ottomane. Le mouvement se structure alors très rapidement. Herzl fonde la même année le journal Die Welt, son organe officiel. Il veut créer son mouvement sioniste à l’échelle internationale de façon à mobiliser l’ensemble de la communauté juive.

Le sionisme de Herzl n’a rien de messianique ou de biblique, c’est un sionisme clairement laïc. Il n’envisage pas non plus la langue biblique, l’hébreu, comme langue officielle du futur Etat. La création d’un Etat en Palestine répond pour lui uniquement à un souci de sécurité et d’émancipation du monde juif.

Dans, Le monde d’hier, Stefan Zweig note: « Dès qu’il se mit à assigner à son action des buts précis dans l’espace réel, à nouer les forces en présence, il dut reconnaître combien son peuple était devenu disparate parmi les nations et les destinées les plus diverses : ici les Juifs religieux, là les libres penseurs, ici les Juifs socialistes, là les capitalistes, tonnant les uns contre les autres dans toutes les langues, et tous fort peu disposés à se soumettre à une autorité centrale. »

En 1898 et 1899, de nouveaux congrès sionistes ont lieu à Bâle, à chaque fois avec un peu plus de succès.

Une Banque est chargée du financement des activités d’achats de terres en Palestine.

En 1900, le quatrième congrès sioniste se tient à Londres.

En 1901, le cinquième congrès sioniste décide à Bâle la création :

du Fonds national juif, chargé de l’achat des terres en Palestine. Cette politique est l’une des sources de l’hostilité arabe, car bon nombre de terres vendues sont des métairies dont les fermiers sont expulsés par les propriétaires fonciers (souvent des notables syriens).
du Keren Kayemeth LeIsrael (K.K.L.), chargé de la gestion des terres achetées dans l’intérêt de l’ensemble des Juifs de Palestine. Le KKL est encore aujourd’hui la base du domaine foncier public israélien.

En 1902, Herzl écrivit le roman sioniste Altneuland (Pays ancien, pays nouveau) dans lequel il décrivait le futur Etat juif comme une utopie sociale. Il envisageait une nouvelle société qui allait s’établir dans le Pays d’Israël sur un mode coopératif, utilisant la science et la technologie pour sa mise en valeur. Il présentait des idées détaillées sur la structure politique de l’Etat, l’immigration, la collecte de fonds, les relations diplomatiques, les lois sociales et les relations entre la religion et l’Etat. Dans Altneuland, l’Etat juif était décrit comme une société pluraliste, avancée, une « lumière pour les nations. » Ce livre exerça un puissant impact sur les Juifs de l’époque et devint un symbole de la vision sioniste du Pays d’Israël.

L’action diplomatique de Herzl

Herzl estimait nécessaire aux objectifs nationaux du peuple juif de recevoir le soutien des grandes puissances.Il considérait la question juive comme une question politique internationale devant être traitée sur la scène politique internationale.

En 1898, il se rendit auprès du Kaiser Guillaume II d’Allemagne puis à Istanbul pour tenter d’obtenir du sultan la cession de la Palestine, mais aussi auprès du pape, du roi d’Italie. Finalement devant l’insuccès de ses démarches en Turquie, il se tourne vers le Royaume-Uni, puissamment implantée dans la région.

Le projet d’installation d’un foyer national juif en Ouganda va provoquer une crise au ssein de l’OSM.

Homme d’action et de l’urgence,Herzl avait précisé que ce projet n’affectait pas les objectifs ultimes du sionisme, à savoir la création d’une entité juive dans le Pays d’Israël, la proposition suscita un tollé au congrès et faillit provoquer une scission du mouvement sioniste. Le programme ougandais fut définitivement rejeté par le mouvement sioniste au septième congrès, en 1905.

Le pogrom de Kichinev en 1903 et la pénible situation des Juifs russes, comme Herzl put le constater lui-même lors d’une visite en Russie, exercèrent sur lui une profonde influence. Lors du sixième congrès sioniste (1903), il proposa l’adoption du projet ougandais des Britanniques en tant que refuge temporaire à cause du danger imminent menaçant les Juifs russes.

Herzl mourut en 1904 d’une pneumonie et d’une faiblesse cardiaque causée par le surmenage et ses efforts incessants en faveur du sionisme. Mais, à ce moment-là, le mouvement avait trouvé sa place sur l’échiquier politique mondial.

Theodor Herzl avait vu juste : cinquante ans et neuf mois plus tard, l’Etat juif d’Israël était créé. Il avait souhaité être un jour enterré dans l’Etat indépendant que le peuple juif aurait fondé en Palestine ; ses dépouilles sont transférées au mont Herzl à Jérusalem dans le jeune Etat d’Israël le 17 août 1949.

Herzl est l’auteur de la phrase célèbre « si vous le voulez, ce ne sera pas une légende » qui devint la devise du mouvement sioniste.

 

 

Adaptation par Jforum

mfa.gov.il

www.alyah.fr

 

 

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