Lors d’un dîner l’autre soir à Tel Aviv, l’ancien ministre israélien de la Défense, Moshe Ya’alon, (« Bogie » ), a déclaré: « Il y a plus de changements au Moyen-Orient aujourd’hui qu’il n’y en eu depuis le 7ème siècle. » Bien sûr, suite à la scission dans l’Islam qui a divisé cette religion en ses deux principaux courants religieux, sunnite et chiite. Au cours des prochains jours, de nombreuses personnalités de la défense israéliennes – civiles et militaires, actives et à la retraite, ont repris cette même idée. Le monde d’Israël est en train de changer, et cela augure à la fois de dangers et de promesses.

Heureusement, nos alliés israéliens ont de bonnes cartes en main en ce moment: une alliance stratégique solide avec les États-Unis; une administration à Washington qui les soutient tactiquement sur toute une série de questions clés; une économie dynamique et innovante qui lui vaut sa réputation méritée de «start-up nation»; une armée aguerrie au combat capable de combattre les cyberattaques grâce à ses forces spéciales ; de nouvelles réserves de gaz naturel disponibles au-delà de ses côtes ; et, apparemment, la dissuasion nucléaire stratégique. À bien des égards, Israël est la «superpuissance» du Moyen-Orient.

D’un autre côté, l’état hébreu s’oppose à une autre superpuissance régionale en plein essor : la République islamique d’Iran. L’Iran a des ambitions impérialistes remontant à des milliers d’années, au cours des diverses incarnations de l’Empire perse ; une population nombreuse, jeune et en pleine croissance; des cadres militaires forts et expérimentés ; et d’énormes réserves de pétrole. Les Iraniens font pression pour obtenir le contrôle politique en Irak, en Syrie, au Liban et en Syrie – pour construire un « couloir chiite » allant de Téhéran à la Méditerranée. Ils se rapprochent de la Turquie et de la Russie (dont l’influence est exponentielle dans la région depuis que le président Vladimir Poutine s’est engagé aux côtés du criminel de guerre Bashar al-Assad). Et les dirigeants iraniens méprisent Israël et les États-Unis.

Le monde qui entoure les Israéliens semble changer tous les jours. En plus de cette montée en puissance de l’Iran, il y a une Arabie Saoudite devenue, depuis peu, agressive et militante ; une Syrie brisée ; une sale guerre au Yémen ; un État islamique encore dangereux qui cherche à se réinventer ; Les troupes russes et turques à quelques centaines de kilomètres d’Israël ; les répliques persistantes du soi-disant printemps arabe ; et une présence réduite des États-Unis au sol. Que peuvent faire les Américains pour aider notre partenaire le plus fort de la région? J’ai quelques suggestions :

Mettre en œuvre une stratégie commune pour traiter avec l’Iran. On a rapporté, le mois dernier, que les États-Unis et Israël travaillaient ensemble sur un plan pour la région qui reflète les intérêts nationaux des deux pays. Cela signifie avant tout de travailler ensemble – aux côtés d’autres acteurs régionaux ainsi que des partenaires extérieurs au Moyen-Orient – ouvertement et secrètement pour contenir l’Iran et éventuellement se préparer à s’y confronter. Cela devrait passer par de nouvelles sanctions pour répondre aux forces opposées à l’Iran en Syrie et en Irak

Il faudrait aussi encourager l’engagement israélien auprès des États sunnites modérés. Israël entretient depuis longtemps de bonnes relations avec l’Égypte et la Jordanie. Mais la montée de l’Iran a créé une réelle opportunité pour renforcer la coopération avec l’Arabie Saoudite et les pays du Golfe. Ce sera une pilule amère à avaler pour des raisons historiques évidentes ; mais la menace globale posée par l’Iran exige un alignement stratégique potentiellement nouveau.

Avec le prince héritier Mohammad bin Salman, un jeune leader dynamique, le royaume intervient avec efficacité au Yémen et en Syrie, exerce son influence au Liban et se confronte régulièrement à l’Iran, du Golfe Arabique à la Méditerranée orientale. Les États-Unis pourraient coordonner les relations entre les Saoudiens et Israël en matière de renseignements partagés, de défense antimissile balistique régionale, d’opérations d’interception maritime contre les livraisons d’armes iraniennes au Yémen et d’autres mesures qui devraient contribuer à des relations basées sur la confiance.

Il faudrait encore renforcer la coopération militaire bilatérale. Alors que les États-Unis et Israël ont déjà un niveau extraordinaire de coopération en matière de défense, il existe encore d’importantes zones qui nécessitent des améliorations potentielles, dont un meilleur partage de renseignements ; un travail conjoint en matière de cyberdéfense, en particulier vis-à-vis de l’Iran ; un partenariat accru en matière d’acquisition de matériel de défense, en particulier dans le domaine de la défense antimissile; et les opérations maritimes en Méditerranée orientale (où Israël a d’importants défis à relever pour protéger son infrastructure gazière offshore naissante) et le détroit de Bab-el-Mandeb à l’entrée sud de la mer Rouge.

Un autre domaine de coopération en matière de défense prometteuse, c’est l’espace. Utilisant comme modèle leur coopération fructueuse en matière de missiles balistiques, les États-Unis et Israël pourraient créer des partenariats dans leurs secteurs industriels de défense pour explorer des programmes conjoints. Ceux-ci pourraient inclure des exercices et des formations axés sur la façon dont les deux nations utilisent l’espace militairement. Enfin, les États-Unis devraient également envisager d’envoyer deux destroyers de missiles guidés de classe Arleigh Burke en Israël – leur positionnement en Méditerranée orientale aiderait à contrebalancer la présence russe accrue dans ce pays.

Il conviendrait également d’augmenter l’engagement israélien avec l’OTAN. Israël est un membre fondateur du «Dialogue méditerranéen» de l’OTAN – une confédération de pays non membres de l’OTAN qui bordent la Méditerranée. Les Israéliens sont engagés de manière discrète sur le plan opérationnel au sein de l’alliance. Les États-Unis devraient essayer d’accroître ce niveau d’implication, en offrant aux Israéliens des possibilités de travailler avec l’OTAN dans le cadre d’exercices, de formation et potentiellement dans le domaine des opérations et du partage de renseignements. Cela pourrait facilement être structuré à partir du quartier général des opérations spéciales de l’OTAN à Mons, en Belgique.

Avant tout, les États-Unis devraient rester solidaires aux côtés d’Israël, depuis les couloirs des Nations Unies jusqu’aux installations de radars balistiques dans le désert poussiéreux du Néguev, où les troupes américaines sont, pour la première fois, basées en permanence. Les deux nations seront toujours en désaccord sur une variété de questions internationales et politiques, portant aussi bien sur les implantations en Cisjordanie, que sur une meilleure approche sur le changement climatique. Mais les Israéliens continueront à être les alliés les plus proches des États-Unis dans la région du monde la plus turbulente, déchirée par la guerre. Cela, au moins, ne changera pas.

James Stavridis, Amiral à la retraite de la Navy,

ex-chef d’Etat-Major de l’intervention en Libye. 

Bloomberg – traduction JFORUM

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