Comment le D-Day a sauvé l’Europe et ma famille des nazis

GÉRARD LEVAL

Les grands-parents de l’auteur et sa mère devant leur immeuble à Paris, ca. 1940. À l’arrière, une carte d’analyse météorologique en surface montre les fronts météorologiques en Normandie et autour de la Normandie le 5 juin 1944. (Avec l’aimable autorisation de Gérard Laval ; Wikipédia)

Jeudi marque le 80 e anniversaire du jour J, le débarquement allié le long des côtes normandes pendant la Seconde Guerre mondiale. La plupart des Américains sont quelque peu conscients du jour J et, pour certains, il pourrait même s’agir d’un moment charnière dans l’histoire de la civilisation occidentale. Pour moi, l’anniversaire du jour J est très personnel.

Sans le succès du Jour J, je n’aurais jamais existé. C’est pourquoi je célèbre chaque 6 juin comme une sorte de pré-anniversaire.

La famille juive de ma mère vivait en France depuis plusieurs centaines d’années et à Paris depuis trois quarts de siècle lorsque l’armée allemande entra dans Paris au printemps 1940. La famille menait une agréable existence bourgeoise dans la capitale française. Farouchement patriotes, les membres de la famille servaient dans l’armée française depuis l’époque de Napoléon et le frère jumeau de mon grand-père avait fait le sacrifice ultime lors de la bataille de Verdun pendant la Première Guerre mondiale.

Au moment de la Révolution française, 150 ans plus tôt, les Juifs français avaient obtenu tous les droits civils français, dont la famille de ma mère bénéficiait largement. Avec l’arrivée des nazis, qui reçurent le soutien de certains collaborateurs français, tout cela prit fin. À partir de 1941, les occupants nazis, avec l’entière coopération du gouvernement fantoche de Vichy, ont entamé un processus de ségrégation, d’isolement et de persécution des Juifs vivant en France.

À l’automne 1941, les Juifs devaient arborer une étoile jaune sur leurs vêtements de dessus et étaient soumis à des restrictions croissantes. En 1942, les déportations vers les camps de la mort en Pologne ont commencé et se sont progressivement accélérées.

Mais le 6 juin 1944, sous le commandement du général Dwight Eisenhower, des centaines de milliers de soldats américains, britanniques, canadiens et français libres prennent d’assaut les plages de Normandie, lourdement défendues par les fortifications allemandes. Il y a eu plus de 10 000 victimes parmi les jeunes hommes qui ont débarqué sur les plages ce jour-là. Près de 5 000 personnes, dont plus de la moitié sont des Américains, ont donné leur vie dans l’effort de créer une tête de pont dont la France serait libérée de l’emprise de l’occupation allemande.

La plupart des soldats tués étaient âgés d’une vingtaine d’années. Ils venaient de tous les coins de l’Amérique et de tous horizons. Face à une mort imminente, le courage était partout en abondance.

Les violences du jour J ont marqué le début d’une campagne militaire qui allait durer des mois et coûter aux Alliés des centaines de milliers de victimes, mais qui a apporté un certain espoir à ceux qui étaient visés par l’extermination. Il faudra néanmoins des semaines à l’armée d’Eisenhower pour sortir de la tête de pont et libérer progressivement la France.

Pendant une grande partie de l’occupation allemande, ma famille avait bénéficié d’une relative immunité contre les déportations en raison de sa résidence de longue date en France et du long passé militaire de mon grand-père. Bien qu’ils aient été soumis à toutes les humiliations imposées aux Juifs, ils n’avaient pas été spécifiquement visés par la mort car un grand nombre de Juifs nés à l’étranger étaient les premières cibles des massacres antijuifs.

Mais dès l’été 1944, l’attention se tourna rapidement vers les Juifs français d’origine, auparavant immunisés. Ma famille, sachant qu’elle risquait désormais d’être expulsée, a décidé de se cacher. Ils ont accumulé de la nourriture et des provisions et les ont empilés dans l’appartement au-dessus du leur, un appartement qui avait été libéré par des gens qui avaient décidé qu’il était dangereux pour eux de rester à Paris et qui avaient donné à mes grands-parents les clés de leur appartement « au cas où ».

Mes grands-parents ont ensuite fermé leur propre appartement et sont montés à l’étage. Ils devaient rester silencieux à tout moment, ce qui impliquait même d’éviter d’utiliser les toilettes. Ma mère a remarqué qu’après quelques jours, alors que la nourriture commençait à manquer, se cacher devenait profondément inconfortable et ne suffisait probablement plus à assurer une protection très longtemps.

Mais, juste à temps, à partir du 24 août, les armées conquérantes alliées entrèrent et libérèrent Paris de l’occupation nazie. La perspective de la déportation et de la mort a pris fin.

La survie de ma famille est le résultat direct du débarquement allié réussi le jour J. Sur les quelque 340 000 Juifs vivant en France en 1940, plus de 75 000 furent déportés vers les camps de la mort, où environ 72 500 furent assassinés. Parmi eux, la majorité était des Juifs parisiens .

Sans le sacrifice ultime de milliers d’Américains et la libération rendue possible par ces soldats, mes grands-parents, ma mère et mon oncle auraient probablement été déportés à Auschwitz et auraient connu une mort certaine. Je n’aurais jamais eu l’opportunité d’exister et de bénéficier de toute la chance dont ont été privés ceux qui ont donné leur vie à Omaha Beach et sur les autres plages.

Pour moi, le jour J est un jour de contemplation personnelle et de profond remerciement à ceux qui se sont sacrifiés pour que je puisse vivre. Les jeunes soldats qui ont souffert et sont morts le jour J et dans les jours qui ont suivi ont finalement conduit à la capitulation inconditionnelle de l’Allemagne nazie. Ces soldats ont véritablement rendu notre monde meilleur. Le 6 juin est un jour de commémoration important et, pour moi, un jour d’immense gratitude envers les courageux soldats américains qui ont donné espoir et vie à ma famille.

JForum.fr avec JTA

GÉRARD LEVAL
est associé au bureau de Washington, DC d’un cabinet d’avocats national. Son livre « Le lobbying pour l’égalité, Jacques Godard et la lutte pour les droits civiques des juifs pendant la Révolution française » a été publié aux Presses HUC en 2022.
Les points de vue et opinions exprimés dans cet article sont ceux de l’auteur et ne reflètent pas nécessairement les points de vue de JTA ou de sa société mère, 70 Faces Media.

 

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Habibi

N’oublions pas que le gros du travail a été fait par l’armée rouge, ce qui d’ailleurs n’enlève rien au travail des autres armées alliées, pour vaincre les pays de l’axe nazi.