RETRAITES: CET ÉCHANGE ENTRE CIOTTI ET UN PROCHE DE MACRON QUI A FAIT BASCULER L’EXÉCUTIF VERS LE 49.3

Après de multiples réunions au sommet, l’exécutif a activé le 49.3 pour adopter la réforme des retraites sans le vote de l’Assemblée nationale jeudi. Une conversation entre Éric Ciotti et un proche d’Emmanuel Macron a été décisive.

Une conversation décisive pour décider du sort de la réforme des retraites. Le président des Républicains a contacté, jeudi, un proche d’Emmanuel Macron, pour lui indiquer les intentions de vote des membres de son parti, des déclarations qui ont joué en faveur d’un passage en force de l’exécutif pour adopter via le recours au 49.3. Selon les informations de BFMTV, Éric Ciotti a fait savoir à ce proche du président de la République que, d’après ses calculs, il y aurait 30 votes des LR pour la réforme des retraites, 25 votes contre et 6 abstentions.

Aller au vote, trop risqué

Aller au vote serait donc risqué pour le gouvernement, qui a plutôt besoin d’une quarantaine de voix « pour » des Républicains afin de faire adopter la réforme. Ces informations données par Éric Ciotti ont alors fait basculer les mentalités.

Jusqu’en début d’après-midi, les jeux n’étaient pas encore faits. Vote, pas de vote? L’exécutif hésite, tergiverse, comme l’expliquent nos journalistes dans le long format « Ligne rouge ».

Si mercredi soir, l’immense majorité des membres de la première réunion organisée autour du président avaient conseillé d’aller au vote de la réforme, à l’exception de la présidente de l’Assemblée nationale Yaël Braun-Pivet, ils ne sont plus qu’une poignée à défendre le vote lors de l’ultime réunion, jeudi à 14 heures.

François Bayrou, Gabriel Attal, ils sont nombreux à avoir basculé, et misent désormais sur un passage en force pour que le texte puisse voir le jour. « Dans cette réforme on est passés en force depuis le début donc même si on va au vote, de toute façon elle sera votée à quelques voix près (…) On sera critiqués comme étant passés en force (…) donc autant aller au 49.3 », explique un ministre de poids.

« Je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège »

C’est ensuite, après un tour de table des participants, qu’Emmanuel Macron annonce le recours au 49.3.  « Mon intérêt politique aurait été d’aller au vote. Parmi vous tous je ne suis pas celui qui risque sa place ou son siège. Mais je considère qu’en l’état, les risques financiers, économiques sont trop grands », a déclaré Emmanuel Macron lors de l’ultime réunion.

Si les informations données par le chef des LR Éric Ciotti a fait basculer la majorité vers le 49.3, Matignon s’y était préparé avant que la décision ne soit officielle. La Première ministre Élisabeth Borne avait en effet indiqué assumer d’être « un fusible » en cas d’adoption du texte sans vote.

D’abord réticente au passage en force, la Première ministre aurait changé d’avis dans la matinée, selon nos informations. Et au moment d’annoncer dans l’hémicycle de l’Assemblée nationale ce choix de recours au 49.3, l’ambiance est devenue électrique, entre cris, chants, huées.

Un pari risqué

Toute la semaine, le parti d’Emmanuel Macron était parti à la chasse aux votes et dans des calculs afin d’obtenir une majorité des voix pour le texte, mais les intentions dispersées des députés LR ont rendu le scrutin trop risqué. Les députés Renaissance ont ensuite pointé, dans un communiqué, « l’incohérence et l’irresponsabilité des députés LR ». Le Sénat avait toutefois adopté sans surprise la réforme des retraites lors de la seconde lecture du projet de loi plus tôt dans la journée, avec 193 voix pour, 114 contre et 38 abstentions.

C’est désormais au vote des motions de censure déposée par les groupes Liot et Rassemblement national à l’Assemblée que le gouvernement va devoir faire face, lundi.

Les députés LR attendus pour les motions de censure

Des motions de censure pour lesquelles les députés LR sont encore attendus. Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, a par exemple appelé vendredi les LR à « avoir le courage de résister aux pressions et à la macronie » et les a incités à voter. En échange, le RN s’engage à ne pas présenter de candidats face aux députés LR qui voteront la motion.  « Les députés LR n’ont jamais été à vendre, ni hier, ni aujourd’hui, ni demain », a toutefois répondu, dans un tweet, le patron des députés LR Olivier Marleix à Jordan Bardella.

« NAUFRAGE », « DES AMATEURS »: LES DÉCHIRURES DE LA DROITE AVANT LA MOTION DE CENSURE POUR RENVERSER BORNE

Les députés LR sont sous pression à quelques jours de l’examen de la motion de censure. Si pour l’instant seule une poignée d’entre eux envisagent de la voter, la crainte d’une scission après des jours de division sur la réforme des retraites sont dans toutes les têtes.

« C’est un naufrage ». La citation signée d’un député LR résume à elle seule l’ambiance dans les rangs de la droite, au lendemain du 49.3 activé par Élisabeth Borne et à quelques jours d’une motion de censure transpartisane.

Si aucun des 61 députés du groupe ne l’a signée, au grand soulagement d’Éric Ciotti, les difficultés sont loin d’être finies. Pour l’instant, au moins 4 députés veulent voter pour renverser le gouvernement d’Élisabeth Borne. D’autres hésitent.

« Du mal à cohabiter »

Cette situation met en porte-à-faux les poids lourds de la droite qui, de Bruno Retailleau à Gérard Larcher en passant par Olivier Marleix, soutiennent la retraite à 64 ans. Surtout, ces divisions pourraient faire exploser le groupe. « On a du mal à se dire qu’on pourrait faire cohabiter des gens qui se disent qu’une réforme qui veut faire travailler plus longtemps les gens est mauvaise. Ça fait des années qu’on le dit. Mince à la fin », s’énerve ainsi une parlementaire LR.

Lors de la présidentielle, Valérie Pécresse souhaitait décaler l’âge de départ à la retraite à 65 ans et le Sénat à majorité de droite a largement adopté la réforme portée par Olivier Dussopt en première comme en seconde lecture. Pour autant, certains députés refusent de la soutenir. 

« On a 60 autoentrepreneurs, chacun au service de sa boutique et de ses propres intérêts. Ce n’est pas nouveau, mais avant, ça concernait seulement quelques députés. Là, c’est désormais très partagé », regrettait déjà la semaine dernière un proche d’Olivier Marleix.

Des indécisions dans le camp des proches de Pradié

Des élus pensent à l’après-Macron, qui ne se représentera pas en 2027, et veulent hausser le ton contre Élisabeth Borne qui s’est d’elle-même mise sous pression. La motion de censure « sera le vote de ceux pour ou contre la réforme », a avancé la Première ministre ce jeudi soir sur TF1.

Parmi les députés qui sont sortis du bois et qui ont annoncé soutenir la motion de censure, on compte pour l’instant Maxime Minot, Pierre Cordier, Fabien Di Filippo et Ian Boccard. Dans les rangs d’Aurélien Pradié, qui a croisé le fer avec le gouvernement sur les carrières longues, on est pour l’instant plus circonspect.

« Je n’ai pas encore décidé », nous explique ainsi Pierre-Henri Dumont, l’un de ses lieutenants.

Un week-end qui pourrait tout faire basculer

Même son de cloche du côté de Raphaël Schellenberger, qui assure « à ce stade ne pas la voter sans être dans un non ferme et définitif » auprès de BFMTV.com. 

Dans leur viseur, le week-end qui arrive. Après plusieurs manifestations spontanées ce jeudi dans plusieurs villes de France et à Paris avec 6000 personnes, le tout sur fond de grèves qui continuent dans les raffineries et les transports, ces élus LR attendent de voir si le mouvement de contestation change de forme. 

Preuve de l’inquiétude qui monte dans les rangs de l’exécutif: Gérald Darmanin a envoyé ce jeudi soir un télégramme à tous les préfets faisant appel à leur « vigilance » et « entière mobilisation pour garantir la sécurité de l’ensemble des élus de notre République ».

« Si on voit qu’on va vers une giletjaunisation des grévistes, qu’on voit que tout est en train de péter, on n’aura pas le choix », décrypte un député qui a pourtant soutenu la réforme.

Animosité contre Laurent Wauquiez

Certains à droite refont l’histoire et visent… Laurent Wauquiez, qui n’est plus député. Le président de la Région Auvergne-Rhône-Alpes a soutenu la réforme du bout des lèvres et n’a guère poussé ses lieutenants à mouiller le maillot.

« Il y a un sujet. Il aurait suffi qu’il appelle 3 ou 4 députés et ça aurait tout changé (pour faire voter la réforme, NLDR). Son ex-suppléante, Isabelle Valentin, a dit qu’elle ne la soutenait pas. Ça pose problème quand même », tance de son côté une membre du groupe.

Si Éric Ciotti a fait toute la campagne de la présidence de LR à l’hiver dernier en disant que son élection serait une façon de préparer l’atterrissage de Laurent Wauquiez à la prochaine présidentielle, les relations se sont tendues.

« Éric a dit à Laurent qu’il lui avait fait à l’envers », assure encore une députée.

Exclusion ou clémence

En attendant de régler les comptes lors d’un prochain bureau exécutif – le dernier devait avoir lieu lundi dernier, mais a finalement été décalé – la crainte de la scission du groupe est sur toutes les lèvres. 

« À la prochaine réunion de groupe mardi, on regardera qui l’a voté et on en tirera les conséquences », avance une membre du parti citée plus haut. Ce scénario est écarté d’un revers de la main par les proches d’Aurélien Pradié. La droite a pourtant déjà connu 2 groupes distincts en 2012 à l’Assemblée pendant la guerre interne entre François Fillon et Jean-François Copé, avant de finalement se rabibocher.

« On a un socle de valeurs en commun important, mais la déclinaison d’un programme avec des mesures techniques est difficile. On va réussir à dialoguer avec notre culture du parti », veut croire Raphaël Schellenberger.

« Ne pas passer pour des amateurs »

La clémence pourrait bien être au programme alors que la droite est en grande difficulté après 3 présidentielles perdues à la suite.

« Si on dit qu’on a deux droites irréconciliables, on fait chacun 2,5% de notre côté. En se divisant en deux, il n’y aura d’avenir pour personne », analyse un membre du mouvement. « Tout dépend de l’ampleur des votes pour la motion de censure. Si on 5 mecs que personne ne connaît, c’est une chose. S’ils sont 15 avec quelques noms identifiés, on ne pourra pas se permettre de passer pour des amateurs », rapporte encore un parlementaire.

Un élément rassure cependant la quasi-ensemble des députés LR: le fait que le renversement du gouvernement d’Élisabeth Borne reste très improbable. Pour atteindre cet objectif, il faudrait que 32 LR votent la motion de censure – un chiffre qui semble compliqué de réunir d’ici lundi.

JForum.fr AFP & BFM

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2 Commentaires

  1. La France avait déjà officieusement basculé dans le 49.3 depuis 2020 mais les gens refusaient de se l’avouer. Maintenant c’est officiel. La France est le pays où la révolution française de 1789 a eu lieu.

  2. Pas de vague….Pas d’amalgame et patati et patata.
    On tue, on brûle, on égorge en toute quiétude car il ne faut pas de vague, et s’excuser de bouffées délirantes, pognon enturbanné oblige !
    Voilà, aujourd’hui, on a un président qui met son nombril au dessus de tout, au milieu d’un pays gravement fracturé, et ou au nom de « pas de vague », c’est la relation de force qui prime.
    Nous voilà revenu à l’état de primitif avec Macron et cette mascarade présidentielle à laquelle nous avons eu droit.
    « La bordelisation organisée » (Darmanin), plutôt savamment organisée par de grands pervers pour mettre en liquidation un pays rendu malade, aveugle et amnésique.
    Comme toute dictature, il faut détruire le passée pour imposer de nouveaux diktats.

    Aucune cohérence, aucune vision à long terme, aucun engagement d’un gouvernement avec son peuple, peuple considéré comme gaulois réfractaire, mouton noir de cette technocrature Européiste. Alors d’un côté on crame des poubelles et de l’autre on crame l’héritage nucléaire de De Gaulle qui a fait de la France une grande puissance !!!!!

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