En premier lieu, soulignons que la solution frontiste visant à appliquer la méthode australienne aux migrants qui arrivent ne tient pas : pas plus que l’Indonésie, la Malaisie n’est en guerre, à la différence de la Syrie et de la Libye ; d’où la possibilité d’y ramener les migrants qui, même s’ils fuient eux aussi l’ « islam réel » tant vendu dans sa version imaginaire par nos politiques et artistes, ne risquent pas eux, autant leur vie que leurs congénères proche-orientaux et africains (ajoutons l’Érythrée, L’Algérie, étant musulmanes).

En second lieu, si l’Allemagne et l’Autriche sont prêtes à les accueillir massivement (ainsi que le Royaume-Uni) il n’y a aucune raison de les en empêcher comme le fait la Hongrie qui affrète désormais des bus pour acheminer les demandeurs d’asile vers ses frontières. Et il est intéressant d’observer le regard de ces réfugiés quand ils voient des policières allemandes leur indiquer telle ou telle direction pour leurs diverses démarches.

Enfin, et plus profondément, observons que nombre de ces réfugiés sont certes également des migrants, mais en ce sens où plutôt que de rester parqués dans des camps en Turquie ou au Liban et surtout d’attendre de subir le joug de l’État Islamique qui se trouve désormais à 5 km de Damas, ils savent que malgré la qualité de leurs métiers (ce sont essentiellement les classes moyennes et supérieures qui fuient) ils devront subir la réalité de l’islam wahhabite resserré jusqu’au dernier écrou.

Cela fait penser à la fuite des élites nord africaines (latines et chrétiennes) à l’arrivée de l’Islam au 7ème siècle (en direction de l’Italie) tant et si bien que les Arabo-Musulmans durent acheminer leur propre main d’oeuvre qualifiée, car il n’y avait même plus (ainsi que le soulignent Charles-André Julien, François Decret, comme je le relate par exemple dans Les Berbères à la croisée des chemins) un seul charpentier à disposition pour réparer leurs bateaux et construire l’intérieur de leurs demeures.

En France, au Royaume-Uni, aux USA, il existe bien sûr encore l’imaginaire de l’Andalousie, le fameux « âge d’or », mais comme le relatent les auteurs cités, on oublie d’indiquer qu’à l’époque il n’y avait plus d’autorité politique centralisée depuis la chute et la fuite des Omeyyades chassés par les Abbassides. Cela avait entraîné la multiplication de micro-califats incapables d’obliger la société civile, en effet composite, de vivre la vie normale de l’Humanité lorsqu’elle est livrée à elle-même : elle recherche la prospérité et donc la paix, ce qui n’exclut évidemment pas les injustices au quotidien (résolues cependant par la société civile elle-même). C’est ce que ne supportèrent pas les politiques rigoristes de l’époque, d’où leur appel à l’État Islamique à disposition, les Almoravides qui furent ensuite suivis par les Almohades, ce qui, loin de redresser la situation, ouvrit plutôt la voie à la Reconquista

Aujourd’hui, comme le relatent les observateurs sérieux, « la » cause de tout cela réside moins dans « l’intervention occidentale » (en Syrie elle fut inexistante) que dans l’échec, total, des régimes issus du nationalisme arabe ou la version qui se voulait moderne de l’islam et qui sont aujourd’hui assaillis par leurs concurrents islamistes persuadés, on le sait, qu’il suffirait de revenir aux racines arabo-musulmanes pour s’immuniser contre la « décadence occidentale ».

Observons en passant que celle-ci a en réalité bien d’autres sources que « la » liberté tant pourchassée puisque l’on voit bien comment les islamistes radicaux sont aujourd’hui en quelque sorte épaulés par les rescapés du communisme anti-libéral, les nationalistes arabes étant eux soutenus par les fascistes et les robespierristes pour tenter de trouver toujours une cause toujours externe à leurs contradictions internes.

En tout cas, on le voit bien, ni l’islam(isme) ni le baathisme ne sont les solutions aux affres de la conscience moderne, pas plus que le communisme et le fascisme. Cette crise humanitaire ouvrira peut-être les yeux à certains sur l « ‘islam réel » et l’arabo-nationalisme, comme ce fut le cas quand les boat-people ont fui le « socialisme réel ».

Lucien Oulahbib

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