BITCOIN, EVERGRANDE LA SPÉCULATION MALADIE INFANTILE DU MARCHÉ
Bonjour
Vous pouvez retrouver ma chronique hebdomadaire sur le site Atlantico avec le lien :
La spéculation est indissociable de l’économie de marché. Les prix de marché sont des prix d’équilibre entre l’offre et la demande à un moment donné. Néanmoins, les opérateurs économiques peuvent avoir des perceptions différentes des valeurs du marché, et anticiper certaines évolutions ; en fonction de leurs analyses, ils peuvent estimer un bien surestimé ou sous-évalué, et la liberté de transaction leur permet de prendre des positions à la hausse ou à la baisse.
S’il est humain de parier sur le futur, il faut essayer d’éviter qu’un mouvement spéculatif de grande ampleur dénature le fonctionnement du marché.
Rappelons-nous l’exemple de la crise de 1929.
Au sortir de la Première guerre mondiale, les puissances européennes sont épuisées, endettées, voire en partie détruites comme la France. Pour se reconstruire, les pays européens font appel aux produits américains. Entre 1921 et 1929, la production industrielle américaine augmente de 50 %. Cette croissance économique a entraîné un triplement du Dow Jones sur la période. Mais cette hausse était disproportionnée par rapport à l’augmentation du PIB.
Cela a créé une bulle spéculative, alimentée et amplifiée à partir de 1926 par la facilité accordée avec l’achat d’actions à découvert, à crédit. La hausse des taux d’intérêt en avril 1929 a mécaniquement réduit la rentabilité de ces opérations à découvert, et dans certains cas obligé certains investisseurs à dénouer les opérations. L’enchaînement a été enclenché. La crise boursière s’est ensuite transformée en crise bancaire, à cause de la défaillance de clients et de la politique restrictive de la FED, … puis en crise économique.
Les autorités portent une très grande responsabilité en n’ayant pas cherché dès 1926 à limiter le mouvement spéculatif par une réglementation plus précautionneuse, puis en restreignant le crédit au lieu de faciliter le refinancement bancaire.
Pour sortir de la crise, il a fallu attendre 1933 avec le New Deal de F.D. ROOSVELT, et surtout 1941 avec l’entrée en guerre des Etats-Unis. Il a fallu attendre le 23 novembre 1954 pour que le Dow Jones retrouve son niveau du « jeudi noir » du 26 octobre 1929 !
Depuis 1929, le monde a connu de nombreuses crises dont celle des subprimes qui a principalement deux causes :
  • Au début du millénaire, pour éviter une récession, la FED a engagé une politique volontariste caractérisée par un excès de liquidités et de faibles taux d’intérêt ; cela contraint les opérateurs à toutes les innovations pour rechercher la rentabilité, et à prendre des risques inconsidérés.
  • Parallèlement, les autorités bancaires ont renforcé les ratios des banques, ce qui les a conduites à sortir de leurs bilans des actifs et à les loger dans des fonds soumis à aucun contrôle.
Dans son livre, Le temps des turbulences Alan GREENSPAN, patron de la FED, a écrit « En fait, les hedge funds sont devenus des acteurs éminents des marchés de capitaux. On rapporte qu’ils représentent une part appréciable du volume des échanges du New York Stock Exchange et, d’une façon plus générale, qu’ils fournissent une bonne part des liquidités sur les marchés qui, sans eux, seraient stagnants. Ils sont essentiellement non régulés, et j’espère qu’ils le resteront. Jeter sur eux une chape de régulations coûteuses n’aboutirait qu’à étouffer l’enthousiasme de ceux cherchent des profits dans les niches. Les fonds spéculatifs finiraient par disparaître ou se changer en véhicules d’investissement informels et obscurs, et l’économie mondiale en pâtirait… »
Le piège s’est refermé et a entraîné la plus grave crise que le Monde ait connue depuis 1929. Pour y faire face, les autorités ont rapidement réagi, ont injecté dans le circuit économique trop de liquidités, et ont baissé les taux d’intérêt…
S’ensuivit la crise des dettes souveraines européennes. S’est alors appliquée « la parabole du pompier. » Ceux qui ont le désagrément d’avoir un incendie savent bien qu’une des conséquences du feu, aussi paradoxal que cela puisse paraître, est l’eau. Le pompier, face au feu, n’a pas toujours la possibilité de contrôler la quantité d’eau à utiliser pour éteindre le feu. Face à l’urgence et au risque de contagion, le pompier est souvent obligé d’utiliser des quantités d’eau qui commettent des dégâts aussi importants et irrémédiables que le feu lui-même.
Avec le temps, la volonté réformatrice des autorités s’est émoussée, et le monde est toujours confronté aux risques d’explosion des bulles spéculatives d’autant que les politiques de « quantitative easing » et le « quoiqu’il en coûte », « whatever it takes » pour faire face à la pandémie ont à nouveau entraîné un excès mondial de liquidités et des taux d’intérêt réels négatifs.
Le bitcoin. Comme j’ai l’ai écrit dans ma chronique n° 132 du 9 janvier 2018, Le bitcoin a les attributs d’une monnaie, mais n’est pas une monnaie. La monnaie assure trois fonctions :
  • Elle est un instrument de mesure des valeurs. En remplaçant le troc, la monnaie est une unité de compte qui permet de comparer les valeurs des différents biens et services. Même s’il est toujours possible d’exprimer des biens et services en bitcoins, sa volatilité crée une instabilité sur leur valeur
  • En permettant de mesurer la valeur des biens et services, la monnaie constitue un intermédiaire des échanges, un média longtemps matériel avant de prendre des formes immatérielles avec la monnaie scripturale, les virements et autres prélèvements automatiques…la multiplication des signes monétaires a accompagné ou précédé le développement des échanges et des économies. Même si le bitcoin est accepté pour certains achats, nous n’en sommes pas encore à faire nos achats quotidiens avec des bitcoins, et son pouvoir libératoire n’est pas aussi universel que le dollar ou l’euro.
  • La monnaie est une réserve de pouvoir d’achat. Elle remplit un rôle d’instrument d’épargne ou de thésaurisation, et permet à son détenteur de préserver son épargne dans le temps, sauf hyper inflation. Le bitcoin a été créé en 2009 en pleine crise financière. 2017 a été « l’année du bitcoin », la première ? Il a commencé l’année à 1 000 $ et l’a terminé à près de 16 000, après avoir dépassé 18 000 $ !
Quatre plus tard en 2021, il a fait le yo-yo en commençant à 30 000 $, frôlant les 65 000 $ en avril, retrouvant les 30 000 $ mi-juillet et se situant aujourd’hui à plus de 50 000 $. Même si des épargnants ont pu faire depuis 2009 une extraordinaire plus-value, il faut avoir du courage pour confier son épargne à un produit aussi volatil.
La spécificité du bitcoin est de bénéficier de la confiance de certains alors qu’il n’est gagé sur rien ! Formidable prouesse d’autant qu’un des problèmes essentiels du système est l’absence totale de transparence. Le marché du bitcoin est plus généralement celui de cryptomonnaies est aujourd’hui tiraillé entre deux tendances contradictoires :
D’un côté, nombreux sont les exemples favorables au mouvement :
  • Le Salvador a dernièrement retenu le bitcoin comme monnaie nationale,
  • La Banque européenne d’investissement a lancé une émission obligataire sur la blockchain Ethereum,
  • Paypal a organisé pour ses clients britanniques l’achat et vente de cryptomonnaies,
  • Les autorités américaines ont autorisé dernièrement des fonds exposés au bitcoin. Cela a conduit les sociétés de trading à investir le secteur.
De l’autre, la Chine interdit les transactions en bitcoins y compris celles réalisées par des entreprises chinoises. La dictature chinoise ne peut accepter une monnaie sans contrôle ; par ailleurs, elle veut assurer le succès de sa propre monnaie numérique.
Le promoteur immobilier de Shenzhen, Evergrande, connait de graves difficultés, risque la faillite, et accentue l’effervescence des marchés boursiers chinois ainsi que la suspicion sur le secteur immobilier. Avec un passif de plus de 250 Md€, Evergrande est dans l’impossibilité de payer les intérêts de sa dette. La perspective d’une faillite a favorisé une énorme spéculation alors que dans le même temps, petits porteurs, 70 000 investisseurs dans une filiale du groupe, des salariés locaux ayant acheté des actions d’une télévision du groupe, des acheteurs de 1,5 million de logements en l’état de futur achèvement… défilent dans la rue ou protestent pour éviter de tout perdre. Les autorités chinoises ne peuvent laisser le marché à son propre sort. Sauf à prendre un risque identique à celui pris par George BUSH en septembre 2008 en lâchant LEHMAN Brothers Pékin doit intervenir.
Dix ans après la crise des subprimes, le monde ne peut se permettre une nouvelle catastrophe. Le risque est réel surtout avec les perspectives de remontée des taux d’intérêt et de fin des mécanismes de « quantitative easing ». Il est grand temps que le G20 mette en place des règles claires sur l’activité bancaire, et plus particulièrement financière. Il ne faut pas que les opérateurs économiques travaillent avec un sentiment d’impunité, et que, quoi qu’elles fassent, les Etats viendront toujours à leur secours pour corriger les imperfections de « la main invisible » du marché.
Dov ZERAH

 

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